Nétanyahou demandera une extension de l’opération militaire à Gaza

Des personnes en deuil portent le corps de l'activiste palestinien Awdah Al Hathaleen, tué par un colon israélien selon les autorités sanitaires palestiniennes, lors de ses funérailles dans le village bédouin d'Umm al-Khair, en Cisjordanie, le jeudi 7 août 2025.

Le cabinet de sécurité israélien doit se réunir jeudi pour discuter d’une éventuelle extension des opérations militaires israéliennes à Gaza. Cette décision, si elle se concrétise, interviendrait malgré la vive opposition de nombreux Israéliens, notamment des familles des otages toujours détenus par le Hamas.


Un responsable israélien au courant du dossier a déclaré que le cabinet de sécurité devrait tenir un long débat et approuver un plan militaire élargi visant à conquérir tout ou des parties de Gaza n’étant pas encore sous contrôle israélien.

Ce responsable, s’exprimant sous le couvert d’anonymat dans l’attente d’une décision officielle, a précisé que le plan, quel qu’il soit, serait mis en œuvre progressivement et par étapes, l’objectif étant d’accroître la pression sur le Hamas.

À Gaza, où l’offensive israélienne de 22 mois a déjà tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé la majeure partie de la population, détruit de vastes zones et provoqué une famine grave et généralisée, les Palestiniens se préparent à une souffrance accrue.

Cette réunion intervient le jour même où au moins 37 Palestiniens ont été tués lors de frappes aériennes et de tirs israéliens dans le sud de Gaza, selon les hôpitaux locaux.



«Il n’y a plus rien à occuper, s’est désolée Maysaa al-Heila, qui vit dans un camp de déplacés. Il n’y a plus de Gaza.»

Sur les 37 victimes, 13 se dirigeaient vers un site de distribution géré par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une entreprise privée soutenue par les États-Unis et Israël, selon les registres hospitaliers. Au moins 50 personnes ont été blessées, dont plusieurs par balle.

Ni la GHF ni l’armée israélienne, qui contribue à sécuriser les sites du groupe, n’ont commenté ces derniers développements. Les sites de la GHF sont dans des zones militaires qui ne sont pas accessibles aux médias indépendants.

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a rencontré cette semaine ses principaux conseillers et responsables de la sécurité afin de discuter des moyens, selon son cabinet, de «concrétiser les objectifs d’Israël à Gaza» après l’échec des négociations de cessez-le-feu le mois dernier.

Une telle mesure déclencherait une nouvelle condamnation internationale d’Israël, alors que Gaza s’enfonce dans la famine. Elle suscite également l’opposition en Israël, les familles d’otages affirmant qu’elle pourrait menacer leurs proches.

Le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir, a averti que ce plan mettrait en danger les otages et mettrait davantage à rude épreuve l’armée israélienne, déjà à bout de force après presque de deux ans de guerre, selon les médias israéliens. Ces commentaires semblent avoir révélé un fossé entre M. Nétanyahou et son armée.

Opposition en Israël

Des manifestations étaient prévues dans tout Israël jeudi soir pour protester contre la décision attendue du Cabinet.

Jeudi matin, près d’une vingtaine de proches d’otages retenus à Gaza ont quitté le sud d’Israël pour se rendre à la frontière maritime avec Gaza, où ils ont diffusé des messages par haut-parleurs à leurs proches à Gaza.

Les familles ont dénoncé le projet de M. Nétanyahou d’étendre les opérations militaires. Yehuda Cohen, le père de Nimrod Cohen, un soldat israélien retenu en otage à Gaza, a déclaré depuis le bateau que M. Nétanyahou prolonge la guerre pour satisfaire les extrémistes de son gouvernement et empêcher son effondrement.

«Nétanyahou ne travaille que pour lui-même», a-t-il soutenu, implorant la communauté internationale de faire pression sur lui pour qu’il cesse la guerre et sauve son fils.

Israël restitue le corps d’un militant palestinien

Les autorités israéliennes ont restitué la semaine dernière le corps d’un militant palestinien, prétendument tué par un colon israélien, après que des Bédouines de sa famille eurent entamé une grève de la faim pour protester contre la décision des autorités de le garder en détention. Cette grève de la faim était un appel public rare de la part de Bédouines, qui vivent traditionnellement leur deuil en privé.

Des témoins ont déclaré qu’Awdah Al Hathaleen avait été abattu par un colon israélien radical lors d’une confrontation filmée le mois dernier. Les autorités israéliennes ont affirmé qu’elles ne restitueraient le corps que si la famille acceptait certaines conditions visant à «prévenir les troubles à l’ordre public».

Malgré l’abandon de certaines de leurs demandes, les membres de la famille ont déclaré qu’Israël avait installé des points de contrôle et empêché de nombreuses personnes en deuil extérieures au village d’assister aux obsèques.

La situation critique des Palestiniens dans cette région de Cisjordanie, connue sous le nom de Masafer Yatta, a été évoquée dans «No Other Land», un documentaire oscarisé sur la violence des colons et la vie sous le régime militaire israélien.

M. Al Hathaleen, militant politique et professeur d’anglais, a contribué au film et était un ami proche de ses coréalisateurs palestiniens.

Dénonciations des organismes d’aide

Deux grandes organisations humanitaires internationales ont publié jeudi des rapports dénonçant la politique israélienne à Gaza.

Human Rights Watch a appelé les gouvernements du monde entier à suspendre leurs transferts d’armes vers Israël après les frappes aériennes meurtrières contre deux écoles palestiniennes l’année dernière.

L’organisme a déclaré qu’une enquête n’avait trouvé aucune preuve de la présence d’une cible militaire dans ces deux écoles. Au moins 49 personnes ont été tuées lors des frappes aériennes qui ont touché l’école de filles Khadija à Deir al-Balah le 27 juillet 2024 et l’école al-Zeitoun C à Gaza le 21 septembre 2024.

Médecins Sans Frontières (MSF) a accusé les sites de distribution alimentaire de la Fondation humanitaire pour Gaza de provoquer des «tueries orchestrées» au lieu de distribuer de l’aide.

Selon les Nations unies, plus de 850 personnes sont mortes à proximité des sites de la Fondation humanitaire pour Gaza au cours des deux derniers mois. MSF gère deux cliniques médicales à proximité des sites de la GHF et a indiqué avoir soigné près de 1400 blessés à proximité entre le 7 juin et le 20 juillet, dont 28 personnes décédées à leur arrivée. MSF a également soigné 41 enfants blessés par balle à proximité des sites de la GHF.

L’organisation a également indiqué avoir soigné près de 200 patients souffrant de blessures physiques dues à des agressions physiques lors de bousculades chaotiques sur les sites de la GHF, notamment des blessures à la tête, des suffocations et de multiples patients présentant des yeux gravement irrités après avoir été aspergés de gaz poivré à bout portant.

La GHF n’a pas répondu à une demande de commentaire. Elle a toutefois affirmé que ses prestataires n’avaient tiré sur personne sur ses sites.

Les militants du Hamas ont tué environ 1200 personnes, principalement des civils, et en ont enlevé 251 lors de l’attaque du 7 octobre 2023 qui a déclenché la guerre. Ils détiennent toujours 50 otages, dont une vingtaine seraient en vie, la plupart des autres ayant été libérés dans le cadre de cessez-le-feu ou d’autres accords.

L’offensive militaire de représailles israélienne a tué plus de 61 000 Palestiniens, selon le ministère de la Santé de Gaza. Le ministère ne fait pas de distinction entre civils et combattants dans son décompte, mais indique qu’environ la moitié des victimes sont des femmes et des enfants. Le ministère fait partie du gouvernement du Hamas, mais son personnel est composé de professionnels de la santé. L’ONU et d’autres experts indépendants considèrent ses chiffres comme les plus fiables.

Israël a contesté ces chiffres, mais n’a pas fourni les siens.