Milena Cortes Lopez est une femme d’affaires. En Colombie, elle tenait un grand commerce de vêtements avec son conjoint, «l’équivalent d’un Ardene», précise-t-elle. «Nous avions trois boutiques.»
Malgré tout, de nombreux facteurs qu’elle préfère taire ici l’incitent à tout abandonner pour venir solliciter la nationalité canadienne en 2015. «On voulait une meilleure qualité de vie pour nos deux filles», se contente-t-elle d’expliquer.
La famille avait pensé à l’Australie, mais c’est par le biais d’une émission de télé et à la suite d’une conférence qu’elle découvrira le Québec et optera pour s’implanter ici, au beau milieu de «cent arpents de neige». C’est en effet au plus creux de l’hiver qu’elle déposera ses valises à Trois-Rivières, ce qu’elle déconseille aujourd’hui à tous les immigrants.
«Ça a été un gros choc», se souvient-elle. «Pour trouver un logement, c’est le pire moment.»
— Milena Cortes Lopez
La jeune femme est issue d’une famille riche, mais son père est décédé lorsqu’elle était très jeune et avec lui, tout son argent s’est envolé. Sa mère a donc dû vendre biens et maisons et se débrouiller toute seule pour élever sa famille. Donc très jeune, la petite Milena a appris que si elle prenait un citron et du sucre, elle pourrait en faire de la limonade et gagner des sous.
«Ma mère m’a dit de ne pas me trouver un chum qui m’abandonnerait un jour sans argent. Elle m’a donné une éducation au secondaire et m’a encouragée à me débrouiller pour gagner ma vie.»
Milena devient alors secrétaire bilingue, la seule petite formation qu’elle pouvait économiquement s’offrir, raconte-t-elle. Puis, elle se formera également en gestion des affaires.
Milena Cortes Lopez a peut-être quitté la Colombie en 2015, mais elle n’a pas perdu pour autant le sens des affaires qu’elle a développé dès sa jeunesse, une qualité qui sera d’un grand secours pour son projet d’immigration.
Dès son arrivée Québec, en personne débrouillarde que la vie a faite d’elle, Milena Cortez se place les pieds assez rapidement dans la région et devient agente d’intégration au Carrefour jeunesse emploi de Nicolet-Yamaska, puis travaille au SANA de Maskinongé où elle organise des événements pour l’intégration des immigrants. Puis elle œuvre à la Table de concertation des femmes de la Mauricie auprès des femmes immigrantes et autochtones.
À la suite d’un accident, elle doit toutefois se réinventer professionnellement. Ses aptitudes en affaires viendront une fois de plus à la rescousse.
Même si ça ne fait que six ans qu’elle est au Québec, elle profite de cette situation et de la pandémie pour se lancer à nouveau en affaires.
Pas question cette fois-ci de vendre des vêtements. Après avoir connu elle-même tous les défis de l’immigration, elle démarre plutôt une entreprise dont l’objectif est d’aider les immigrants, en particulier les hispanophones, à faire leur propre démarche d’immigration au pays. Elle connaît bien leurs besoins et elle sait à quelle porte cogner pour leur offrir conseils et informations à distance.
Son entreprise s’appelle Québeclatinos.
Milena Cortez Lopez aide ses clients de l’étranger à comprendre les rouages de l’immigration, la vie au Québec, les impôts et même les conditions climatiques qu’ils devront affronter.
«Je donne de petites séances d’information, je leur fais un portrait des différentes façons d’entrer au Canada, autres que par le statut de travailleur qualifié ou d’étudiant», explique-t-elle.
J’offre aussi un service d’intégration et d’installation personnalisé, notamment comment faire sa toute première épicerie ici.
Avant, elle aidait aussi ses clients à trouver un appartement, mais avec la crise du logement qui sévit, ce n’est plus possible en ce moment, déplore-t-elle.
Ses services comprennent aussi un volet intégration. Elle enseigne aux futurs immigrants le système politique du Québec et le système de votation. Elle les aide à bien comprendre toute la documentation nécessaire pour obtenir leur citoyenneté.
«Il y a beaucoup de Philippins qui m’appellent», dit-elle. «On fait des exercices en ligne et des tests en ligne pour réussir la citoyenneté.»
«Il y a aussi des entreprises qui m’appellent pour des traductions non officielles (espagnol-français, espagnol-anglais). Elles ont besoin, par exemple de faire traduire un manuel de l’employé dans certains métiers.»
Cette entrepreneure offre également des cours de français de base, en particulier à des employés hispanophones. «Je leur enseigne un français utile à leur métier», précise-t-elle.
Milena Cortes Lopez offre également des conférences sur les préjugés, les méconnaissances de l’immigration et des immigrants, «sur les choses qui permettent de comprendre que l’immigrant est un être humain comme les Québécois.» À ce chapitre, dit-elle, «il y a du travail à faire.»