Lorsque l’avion nolisé qui transportait les Remparts vers Kamloops s’est posé dans l’ouest du pays, le 24 mai dernier, les souvenirs de jeunesse se sont mis à défiler dans la tête de Gagné. Le petit aéroport, la belle vue sur les montagnes, le jet Canadair CF-5 planté dans le sol avec une feuille d’érable rouge en dessous, l’ancien attaquant des Flyers de Philadelphie avait déjà tout vu ça auparavant.

« Les flashs me sont revenus quand même assez rapidement », raconte l’ancien attaquant des Flyers de Philadelphie dans la LNH lors d’un entretien privé avec Le Soleil.

Il y pense depuis longtemps

La ville hôtesse du tournoi de la Coupe Memorial 2023 a même quelque chose à voir avec sa décision de joindre les Remparts de Québec, un rôle que lui ont offert Patrick Roy et Jacques Tanguay à pareille date l’an dernier.

« Quand j’ai accepté le poste d’adjoint l’été passé, je savais que la coupe Memorial serait à Kamloops, d’expliquer Gagné. J’avais une bonne vibe. Je me disais : “J’ai gagné la Coupe Air Canada à Kamloops en 1996, ce serait spécial de gagner la coupe Memorial là-bas en 2023.”»

Les Remparts et Simon Gagné pourraient réaliser cet ambitieux objectif, ce dimanche, en Colombie-Britannique. Une étrange coïncidence qui n’en est pas tout à fait une pour celui que la haute direction des Diables rouges a identifié pour remplacer Patrick Roy derrière le banc du club lorsque l’ancienne légende des filets tirera un trait définitif sur sa carrière d’entraîneur-chef dans le hockey junior.

De retour au Centre Sandman

Revenons à 1996. Le 21 avril de cette année-là, les Gouverneurs de Sainte-Foy du pilote Jeannot Gilbert remportaient le championnat canadien de hockey midget AAA contre les Kings de Thunder Bay, un premier titre national en 17 ans pour l’organisation, devenue le Blizzard du Séminaire Saint-François par la suite. Le jeune Simon Gagné, 16 ans, avait inscrit deux buts dans un gain de 6 à 4, dont celui qui clouait le cercueil des représentants de l’Ontario.

Le principal intéressé s’en souvient comme si c’était hier. Il avait marqué dans le même but, en première et troisième périodes, celui situé dans le fond du Centre Sandman, aréna dans lequel les Remparts de 2023 joueront le match le plus important de leur saison, dimanche soir.

« Il n’y a jamais rien de garanti, mais dès le jour un de la saison, je savais déjà de quoi avait l’air l’aréna où serait jouée la coupe de cette année, raconte l’adjoint de Patrick Roy. C’est le même aréna, même si c’était pas mal plus neuf dans mon temps! »

Il en a parlé aux joueurs

Lorsque les Remparts ont sauté sur la patinoire une première fois, le lendemain de leur arrivée à Kamloops, Gagné a «fait des farces» aux joueurs de l’édition actuelle. « Je leur ai dit : “La dernière fois que je suis embarqué sur cette glace-là, j’ai scoré deux fois dans ce but en finale!” Ils ne comprenaient pas trop, ils ne savaient même pas c’était quoi la Coupe Air Canada! »

Ce trophée, devenu la Coupe Telus et le Championnat national masculin des clubs de M18 par la suite, fait partie des plus beaux souvenirs de jeunesse de Simon Gagné, qui avait été sacré joueur le plus utile de la finale de 1996.

Il est passé devant l’hôtel

En se rendant manger au restaurant avec l’autobus des Remparts, mardi dernier, Gagné a aperçu l’hôtel où il résidait avec ses coéquipiers des Gouverneurs il y a 27 ans. Le Best Western, qui a changé de bannière depuis, est situé non loin du quartier général du club québécois depuis une dizaine de jours à Kamloops.

« C’était presque désert avant, il n’y avait que quelques hôtels, il n’y avait pas grand-chose alors que maintenant tout est construit, s’étonne l’homme de 43 ans.

« Quand on se promène en autobus, tout le monde regarde les montagnes, mais tout ça est du déjà vu pour moi. »

—  Simon Gagné

La coupe qui lui manque

Simon Gagné n’est pas débarqué en touriste dans l’ouest canadien. Il peut et veut revivre l’euphorie de la victoire vécue en 1996. Il a la chance de gagner la Coupe Memorial à sa première saison comme entraîneur, comme l’avait fait Patrick Roy en 2006.

« Il y a une coupe que je n’ai pas gagnée et pour laquelle je n’ai jamais eu la chance de pouvoir batailler et c’est la Coupe Memorial. »

—  Simon Gagné

« La seule façon de la gagner, c’est d’être entraîneur et c’était derrière mon esprit quand j’ai embarqué avec les Remparts. Je les avais regardés beaucoup l’année passée et je connaissais leur noyau. J’embarquais dans une équipe qui était déjà prête. »

Soulever le trophée le plus prestigieux du hockey junior canadien lui permettrait de mettre un baume sur une blessure du passé, celle d’avoir accédé aux rangs professionnels à l’âge de 19 ans seulement, une promotion avec les Flyers qui a anéanti les espoirs de championnat à Québec.

Il a encore mal en pensant à 1999

Même si Gagné réalisait son rêve en accédant à la Ligue nationale, cette douleur existe encore au plus profond de lui. Près de 24 ans plus tard, il a encore l’impression d’avoir changé le cours de l’histoire en restant à Philadelphie.

« On avait l’équipe pour aller jusqu’au bout et en dedans de moi, je me suis toujours dit qu’on serait allé au tournoi à Halifax si j’étais revenu junior. C’est finalement Rimouski, l’équipe qu’on avait battue l’année avant, qui a gagné. »

—  Simon Gagné

« Ça m’a tout le temps donné un petit goût amer, ça m’a tout le temps fait mal d’avoir quitté les Remparts. Cette année, c’est une autre manière pour moi d’aller reconquérir ce trophée-là», confie l’ancien numéro 12.

Champion de la Coupe Stanley (2012) et médaillé d’or olympique (2002), le natif de Sainte-Foy s’est laissé prendre au jeu dans les dernières semaines. Le parcours victorieux des Remparts, qui pourraient remporter la triple couronne du hockey junior, dimanche, lui fait vivre l’une des «belles expériences» de sa vie.

«C’est du bagage aussi pour les entraîneurs, indique le candidat désigné au poste de Patrick Roy. C’est différent parce que je suis entraîneur, je n’ai pas le stress et la pression que les joueurs ont, mais ça fait partie du plus beau du hockey.»

Comme il y a 27 ans…

L’adjoint deviendra-t-il entraîneur-chef?

La question est sur toutes les lèvres depuis des mois à Québec. Simon Gagné prendra-t-il les rênes des Remparts l’an prochain? À l’aube du dernier match de la saison 2022-23, l’entraîneur adjoint du club semble avoir fait son idée.

« Je ne te donnerai pas ma réponse c’est sûr », sourit Gagné lorsqu’on lui pose la question directement.

Les victoires, le champagne, les championnats, tout cela semble avoir renforcé l’impression positive qu’il avait du métier. « D’avoir goûté à ça, ça me donne encore plus le goût de continuer, poursuit-il.

« La saison, c’est une chose, les séries, c’en est une autre et la Coupe Memorial aussi. Ça prend beaucoup de temps, tu es loin de la famille, mais c’est le fun. »

—  Simon Gagné

Il pense à sa famille

La conciliation travail-famille, voilà l’une des plus grandes préoccupations de Simon Gagné concernant son avenir dans le hockey junior québécois. Il ne s’en est jamais caché, lui qui en avait parlé dès sa présentation en tant que nouvel adjoint de Patrick Roy, l’été passé.

« Ça va bien à la maison, assure-t-il. Ma femme est contente, mes enfants sont corrects et c’étaient des choses que je voulais voir avant de prendre ma décision. J’aime beaucoup ça et je vais devoir m’asseoir avec Patrick et Jacques [Tanguay le président]. »

La suite des choses, il assure ne pas en avoir discuté avec les deux principaux intéressés dans les dernières semaines. « On n’en a pas parlé », dit-il.

« Je ne me voyais pas leur parler de ça avec tout ce qu’on vient de vivre. En ce moment, le focus est sur la Coupe Memorial et rien d’autre. Après ça, il y aura des rencontres et c’est là que ma décision finale sera prise. »

—  Simon Gagné

Il a aidé Robidas à se relancer

Les joueurs des Remparts parlent de Simon Gagné de façon élogieuse, lui dont le calme rassurant contraste avec la personnalité exubérante de Patrick Roy.

Justin Robidas, débarqué dans la capitale aux Fêtes, est de ceux qui lui sont le plus reconnaissant dans le camp québécois. Le petit guerrier lui donne une partie du crédit de sa fulgurante ascension des dernières semaines.

« Après Noël, quand ça allait moins bien, Simon est venu me voir et on a eu une super conversation, raconte l’espoir des Hurricanes de la Caroline. Ça m’a vraiment fait réaliser des choses et à partir de là, il a eu une sorte de déclic. J’ai toujours su qu’il était là pour moi et pour l’équipe au complet. »

Gagné, qui a vécu toutes ces expériences, aime redonner quand il se revoit en certains joueurs. « La discussion avec Justin, je m’en rappelle comme si c’était hier, de dire l’ancien des Flyers, des Kings, des Bruins et du Lightning.

« C’était au Centre Vidéotron et ça faisait un mois ou deux qu’il était arrivé à Québec. Les choses ne roulaient pas à sa manière, les points n’étaient pas là. Je lui ai dit : “Just, on n’est pas allé te chercher pour maintenant, on est allé te chercher pour les séries et la Coupe Memorial. Le monde va se rappeler de ces deux choses-là, les séries et la Coupe Memorial.”»

Un visionnaire, à n’en point douter.