C’est Alcaraz, 20 ans, et non Djokovic, 36 ans, qui avait la jeunesse pour lui. C’est Alcaraz, et non Djokovic, qui s’est plaint à son entraîneur, tôt dans le match par une température de presque 30 degrés Celsius sur le court du stade Philippe-Chatrier, que les points ne duraient pas assez longtemps pour épuiser son adversaire.
Et pourtant, c’est Alcaraz, et non Djokovic, qui a flanché en raison de la chaleur et de l’intensité et, de son propre aveu, de la pression de l’occasion. C’est le corps d’Alcaraz, et non celui de Djokovic, qui a craqué. Et donc, c’est Djokovic, classé troisième, et non Alcaraz, numéro un mondial, qui poursuivra son parcours à Paris avec la possibilité d’ajouter à sa collection de trophées.
Usant de toute sa supériorité en matière d’expérience et de condition physique, Djokovic a vaincu un Alcaraz victime de crampes en demi-finales des Internationaux de tennis de France en quatre sets de 6-3, 5-7, 6-1, 6-1, vendredi.
Djokovic s’est qualifié pour la 34e fois à une finale d’un tournoi du Grand Chelem en simple masculin et s’est approché d’un 23e sacre, ce qui romprait une égalité en tête chez les hommes avec Rafael Nadal.
«Je peux comprendre les émotions et les circonstances qui vous affectent mentalement et émotivement. (...) Peut-être que pour la première fois de sa carrière, on s’attendait à ce qu’il gagne. Ça fait partie de la courbe d’apprentissage.»
Vous pouvez en cocher une pour les «vieux».
«Je n’ai jamais ressenti autant de tension que lors de ce match», a déclaré Alcaraz, qui pense que le trac qui a pu l’envahir, à cause de l’occasion et de l’adversaire intimidant de l’autre côté du filet, a contribué à provoquer des crampes dans «toutes les parties de mon corps».
«Il a été dans cette situation en de multiples occasions», a ajouté Alcaraz. «Plus que moi.»
Dimanche, en grande finale, Djokovic affrontera le Norvégien Casper Ruud, classé quatrième, qui a éliminé l’Allemand Alexander Zverev (22e), 6-3, 6-4, 6-0.
Ruud en sera à une troisième finale lors des cinq derniers tournois majeurs, incluant Roland-Garros il y a un an, lorsqu’il a perdu contre Nadal. Il demeure à la recherche d’un premier trophée en Grand Chelem.
«J’ai essayé de jouer sans trop de sentiments», a déclaré Ruud. «Sans trop de pression.»
Nadal a raté son tournoi préféré en raison d’une blessure à la hanche, et il s’est soumis à une arthroscopie la semaine dernière.
Du coup, pour l’ensemble des observateurs et des amateurs, toute l’attention au cours des deux dernières semaines était tournée vers deux hommes. Djokovic, qui a gagné 10 des 19 derniers tournois du Grand Chelem en simple masculin, et Alcaraz, vainqueur aux Internationaux des États-Unis en septembre. Djokovic est l’une des figures dominantes de l’histoire de son sport; Alcaraz en est considéré comme l’avenir.
Et ils ont certainement offert un grand spectacle pendant deux manches, au point où les spectateurs ont scandé «No-le!» et «Car-li-tos!», les surnoms des deux belligérants.
«C’était coup pour coup», a résumé Djokovic.
S’étirant de tout son long et se laissant habilement glisser sur la terre battue parisienne, Djokovic a claqué des coups de la ligne de fond qui ont fait bouger Alcaraz de tous les côtés. Grâce à sa vitesse et à son instinct, Alcaraz a trouvé le moyen, d’une manière ou d’une autre, de récupérer à peu près chacune de ces balles.
«Au filet, je lui ai dit qu’il a beaucoup de temps devant lui et que je suis sûr qu’il va gagner Roland-Garros de nombreuses fois dans le futur. Je n’en ai aucun doute», a relaté le Serbe, en faisant allusion à la conversation que lui et son rival ont eue après la conclusion du duel.
«Il est un joueur fantastique. Il possède tellement de qualités. Il est tellement dynamique. Il a tellement de puissance dans ses coups. Il est un joueur très complet.»
Rien n’a été aussi spectaculaire que CE coup d’Alcaraz. Le coup de la journée, du tournoi, de l’année. Semblable à un coup qu’avait réalisé Roger Federer sur le même court, il y a quelques années.
Il est survenu au deuxième set alors que le score était de 1-1. Après avoir attiré Alcaraz vers l’avant, Djokovic a envoyé la balle vers la ligne de fond. Plusieurs joueurs auraient concédé le point pour passer au suivant. Ou, peut-être, essayé de rejoindre la balle, mais sans succès.
Alcaraz s’est lancé à sa poursuite, courant dos au filet, puis glissant au-delà de la ligne de fond, son pied gauche se pliant alors qu’il s’arrêtait. Il a fait tourner son corps tout en s’inclinant vers l’arrière, puis il a trouvé le moyen de placer un coup droit gagnant.
Au moment où les spectateurs ont crié et bondi de leur siège pour applaudir l’exploit à tout rompre, Alcaraz a levé sa main gauche et fait brièvement un geste de l’index en guise de «numéro 1.»
Il a esquissé un grand sourire.
Même Djokovic a dû sourire, et il s’est servi de sa raquette pour applaudir.
Mais peu de temps après, cet affrontement tant attendu s’est transformé en quelque chose de bien peu spectaculaire.
Au début du troisième set, après près de deux heures et demie d’efforts et de tension, le corps d’Alcaraz a commencé à se bloquer. Il a d’abord eu une crampe à une main. Puis aux jambes.
Après avoir manqué un retour en coup droit qui portait le score à 1-1, Alcaraz a sautillé sur sa jambe gauche, puis a agrippé son mollet droit. Il a laissé tomber sa raquette. L’arbitre Aurélie Tourte est descendue de sa chaise pour aller le voir. Djokovic a fait de même, se rendant jusqu’au côté du court où se trouvait l’Espagnol.
Une pause médicale pour blessure - ce que le livre des règlements décrit comme «une condition médicale aiguë» - pendant un match est autorisée. Mais des traitements pour des crampes avant un changement de côté ne sont pas permis sans encourir une pénalité.
Ainsi, Tourte a dit à Alcaraz qu’il pouvait s’asseoir à son banc et recevoir l’aide d’un soigneur, mais qu’il lui faudrait concéder le jeu suivant, ce qu’il a fait.
Lorsque le jeu a repris avec Djokovic en avance 2-1 dans cette manche, la foule a hué et sifflé, jusqu’à ce que Tourte explique, en français, ce qui arrivait.
«À compter de ce moment, a admis Djokovic, ç'a été un match différent.»
Alcaraz n’allait gagner qu’un seul autre jeu.
«C’était évident qu’il avait de la difficulté avec ses mouvements. C’est malheureux pour la foule. C’est dommage pour un match de cette importance pour chacun de nous», a noté Djokovic. «Mais c’est le sport.»
À sa conférence de presse, Djokovic a été interrogé au sujet de certains des huées qui étaient peut-être dirigées à son endroit - et quelle était sa réaction.
«Ça ne me dérange pas. Ce n’est pas la première fois; probablement pas la dernière. Je vais juste continuer de gagner.»