En vertu de la Loi sur les langues officielles et de la Loi canadienne sur l’accessibilité, ils ont tous droit à des services d’interprétation dans la langue de leur choix (français, anglais, langues autochtones, langues des signes). Or, par les temps qui courent, la pénurie d’interprètes met en péril l’application de ces lois. L’Association canadienne des écoles de traduction (ACET) – qui regroupe les principales universités et écoles de traduction du pays – désire attirer l’attention sur ce manque criant d’interprètes qui compromet le fonctionnement de notre société.
En effet, que ce soit au Parlement, au tribunal, à l’hôpital ou au sein d’un conseil d’administration, les interprètes jouent un rôle indispensable pour assurer la fluidité des échanges et des communications. Mais il y a plus. Sans ces véritables fournisseurs de services essentiels, les valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion si chères à notre cœur resteraient lettre morte. C’est peu dire que la pénurie actuelle d’interprètes menace les fondements mêmes de notre démocratie. D’un bout à l’autre du Canada, dans un contexte de multiplication des échanges provoquée, entre autres, par l’ère du numérique, les interprètes ne suffisent pas à la tâche. Ce constat se double d’une autre réalité tout aussi inquiétante, soit une baisse généralisée des admissions dans les programmes universitaires de traduction — lesquels abritent également la formation des interprètes, des traducteurs et des terminologues. Troublant paradoxe : d’un côté, un manque flagrant d’interprètes; d’un autre côté, des programmes universitaires qui peinent à attirer des étudiants. Que faire pour sortir de cette impasse?
Reconnaître d’abord que l’interprétation – au même titre que la traduction et la terminologie — est une profession d’avenir. Il s’agit même d’une pratique professionnelle brûlante d’actualité. Pourquoi? Parce qu’elle prend à bras le corps les nouvelles technologies pour former des professionnels hautement qualifiés, en phase avec l’automatisation de leur pratique. Rectifions ainsi, au passage, l’idée reçue selon laquelle ces technologies signeraient l’arrêt de mort des formations universitaires en traduction ou en interprétation. Au contraire, les universités ont d’ores et déjà mis à jour leurs cursus, afin que la formation offerte n’accuse pas de retard sur les réalités des marchés de l’emploi. Ainsi, interprétation, traduction et terminologie s’inscrivent à part entière dans un monde en pleine ébullition. Reconnaître le rôle clé de l’interprétation et de la traduction dans notre ouverture aux autres exige ensuite la consolidation des programmes de formation universitaire dans ces disciplines — voire la création de nouveaux programmes, mais certainement pas leur suspension...
Devant un tel état des lieux, l’ACET fait appel à tous les acteurs concernés pour qu’ils s’engagent activement à pourvoir la pénurie d’interprètes en déployant les ressources nécessaires et suffisantes pour les former ainsi que d’autres professionnels langagiers. Nous en appelons plus particulièrement à monsieur Raymond Théberge, Commissaire aux langues officielles, au ministre des Langues Officielles, l’Honorable Randy Boissonnault, au ministre responsable des Services publics et Approvisionnement Canada, Jean-Yves Duclos, ainsi qu’aux administrateurs des universités canadiennes. Il en va des interprètes comme des voix dont ils se font l’écho : il est impératif de continuer à les entendre.
Par Éric Poirier, président et Alexandra Hillinger, secrétaire de l’Association canadienne des écoles de traduction