Pour autant, faut-il haïr les membres djihadistes du Hamas? Faut-il haïr les Israéliens, leur premier ministre Netanyahou et leur armée? Non certainement pas. Ce qu’il faut haïr, c’est la haine de l’Humain elle-même. Et je le proclame haut et fort.
Haïr la haine elle-même
Ma réflexion s’inspire grandement d’un grand Résistant de la Deuxième Guerre mondiale, Albert Camus. Dans Lettre à un ami allemand, Camus écrit ceci : «…par-dessus toutes les tortures infligées [par les nazis] aux nôtres, malgré nos morts défigurés et nos villages d’orphelins, je puis vous dire qu’au moment même où nous allons vous détruire sans pitié, nous sommes cependant sans haine contre vous.»
Voilà un homme qui a souffert dans sa chair des affres de la cruauté nazie et qui défend le droit légitime de se défendre sans se laisser envahir par la haine. Il écrit : «Et si même demain, comme tant d’autres il nous fallait mourir, nous serions encore sans haine. Nous ne pouvons répondre de ne pas avoir peur, nous essaierions seulement d’être raisonnables. Mais nous pouvons répondre de ne rien haïr. […] Nous voulons vous détruire dans votre volonté de puissance sans vous mutiler dans votre âme.» J’en déduis que l’absence de haine n’implique pas nécessairement l’absence d’une élémentaire indignation morale.
Tensions vives entre humains
Cette semaine, nos médias ont rapporté des images navrantes de violence entre manifestants pro-palestiniens et pro-israéliens. Je comprends très bien l’indignation morale des uns et des autres. Mais je ne cautionne aucunement la violence des uns contre les autres. Cette hyper identification ethnocentrée pour ne pas dire religio-centrée nous fait oublier que, au-delà de la race, de la culture, de la politique ou de la religion, nous sommes avant tout des Humains. Je suis Humain avant que d’être juif, musulman, chrétien ou bouddhiste. Humain avant que d’être Israélien ou Palestinien.
Israéliens comme Palestiniens aiment leur famille, leurs enfants, leur culture. Ils sont Humains avant tout parce que, comme nous, ils désirent simplement être heureux et s’accomplir dans le monde commun qui est le nôtre. Quel est leur nom? Ils s’appellent simplement Humains.
Négation de notre commune Humanité
Sur les réseaux sociaux et dans la rue, nous assistons à un débordement de violence. Cette violence est ni plus ni moins un acte par lequel les personnes qui profèrent allègrement des propos haineux ou attaquent physiquement leurs adversaires s’extraient elles-mêmes du monde commun et affirment (sans le savoir ou le vouloir) leur négation de leur statut d’Humains parmi les Humains. La montée de l’intolérance dans notre société fait foi de l’ampleur grandissante de cette négation. Et le pire dans tout ça, c’est que l’indignation humaine est souvent justifiée et justifiable!
Vers une morale de la solidarité humaine
«Humaniser l’Humanité» est un propos très inspirant du regretté Hubert Reeves qui pourrait nous motiver à nous mettre sur la route d’une morale que seul l’Humain peut cultiver en lui. Une morale qu’aucun dogme, aucune église ne pourra revendiquer. Se donner une telle morale exige un travail de réflexion en profondeur sur ce que c’est que d’être humain parmi les humains. Une morale qui exige une réflexion fondée sur l’amour et l’intelligence qui rendra une dignité égale à chaque être humain, quelle que soit sa culture, son ethnie ou sa religion.
Une morale qui nous autoriserait à nous indigner devant tout ce qui nie l’humain et qui nous amènerait à développer une éthique1 du dialogue dont le but ultime serait tout simplement d’apaiser nos rapports humains, bref, d’humaniser l’Humanité.
Jocelyne Harnois
Trois-Rivières