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La récession est-elle à nos portes?

L’emploi va ralentir en 2024, mais il y aura toujours des postes à pourvoir comme c’est le cas à la Société de transport de Lévis.

CHRONIQUE / D’un côté, il y a le ministre des Finances, Éric Girard, qui nous dit qu’il ne faut pas être alarmiste et s’aventurer à prédire une prochaine récession. De l’autre, il y a des économistes qui nous informent qu’un net ralentissement de l’économie est à nos portes.


La question est maintenant de savoir si les prédictions des uns et les évaluations des autres vont s’avérer. Chose certaine, dans nos chaumières, nous sommes nombreux à nous inquiéter pour la suite des choses. Les factures s’empilent, les salaires ne progressent pas aussi rapidement que chez nos voisins ontariens, les taux d’intérêt continuent d’augmenter et les renouvellements hypothécaires accentuent la pression budgétaire sur les ménages.

Et voilà qu’on apprend que les dirigeants de PME sont moroses en ce début d’automne...

Plus tôt cette semaine, l’économiste en chef de Desjardins, Jimmy Jean, a fait le constat suivant. Selon lui, l’économie du Québec – et celle du Canada dans son ensemble – pourrait entrer en récession dans deux ou trois mois.

Ce qui signifierait, dans les faits, que nous amorcerions 2024 sous le signe de la déprime économique, avec tous les contrecoups sociaux que cela comporte.

Suivant un tel scénario, le taux de chômage pourrait augmenter de quelques points de pourcentage pour atteindre 6,5 %. Mais il ne faut pas croire que les entreprises, entre autres dans le secteur manufacturier, vont cesser de solliciter des employés pour combler leurs besoins de main-d’œuvre.

On continuera de voir des affiches géantes devant leurs bâtisses et places d’affaires. Il ne faut cependant pas généraliser.

Moins optimistes

Andreea Bourgeois est économiste en chef à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Elle constate que le niveau d’optimisme au sein des entreprises est «extrêmement bas, surtout au Québec».

Du jamais-vu depuis la dernière récession, en 2009. À noter qu’en 2020, l’économie a connu des ratées, cette fois en raison de la pandémie.

«Le niveau d’optimisme se situe à 39,8 %, note-t-elle. C’est une baisse de 3 % par rapport au mois précédent. C’est significatif.»

Ces chiffres tirés du Baromètre, tout frais, sont des indicateurs d’une réalité perçue sur le terrain par les entreprises. Une radiographie, en fait, de leur bilan de santé.

«Dans leurs plans d’embauche, les PME prévoient ralentir le recrutement de nouveaux candidats et s’attendent à une hausse de leurs coûts [en raison de l’inflation], du moins au cours des trois prochains mois», observe-t-elle.

Baisse du PIB

Dans sa dernière analyse, Desjardins prévoit également que l’emploi souffrira du ralentissement économique jusqu’au printemps 2024 sans que cela soit pour autant catastrophique.

L’emploi va ralentir, certes, mais il faudra voir comment vont progresser les salaires, au Québec. Entre mai et août 2023, toujours selon Desjardins, ces augmentations ont été en moyenne de 3,5 %. C’est inférieur à la moyenne observée en Ontario, qui s’est située à 4,9 %.

Faut-il comprendre que les patrons, au Québec, ont décidé de limiter les hausses salariales pour faire face au ralentissement économique?

Faudra voir, aussi, comment les employés de l’État vont parvenir à négocier des ententes acceptables. On sait déjà que la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a demandé aux syndicats d’élaguer leurs demandes.

Avant de poursuivre, ouvrons ici une courte parenthèse. Au cours du deuxième trimestre, le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 1,9 %. Ce qui n’augure rien de bon. Le ministre Éric Girard, grand argentier du Québec, s’est toutefois empressé de mentionner qu’il ne faut pas trop s’en inquiéter et que ça ne veut pas nécessairement dire qu’il y aura une «contraction prolongée» de l’économie québécoise.

Par ailleurs, si le degré de confiance des entreprises est à son niveau le plus faible, tout particulièrement dans le commerce de détail, il en va tout autrement dans d’autres secteurs d’activités.

Étonnamment, les entreprises de services et de fournitures d’équipements, qui rayonnent dans le domaine de la santé et de l’éducation, maintiennent un niveau d’optimisme d’environ 65 %.

Autre élément étonnant: les compagnies d’assurances, avec un taux de 59 %, ne s’attendent pas, elles non plus, à connaître des jours gris.

Du côté des moins optimistes, on retrouve l’industrie du transport de marchandises et de la fabrication. Les producteurs agricoles, confrontés aux changements climatiques et à des hausses de coûts fulgurants [intrants, carburant] sont plutôt terre à terre...

Soumis à de fortes pressions inflationnistes, ils ne parviennent pas à récolter les bénéfices auxquels ils sont en droit de s’attendre.

«Ce ne sera pas une année facile pour cette industrie», appréhende Andreea Bourgeois.

L’enjeu de l’immigration

L’économiste d’origine roumaine – elle est arrivée au Québec il y a 24 ans – se dit par ailleurs consciente des enjeux liés à l’arrivée d’un flux important d’immigrants.

C’est documenté: avec la crise du logement qui fait rage, ces nouveaux arrivants peinent à trouver un endroit où habiter, à prix abordable. Il faudra faciliter leur intégration pour qu’ils puissent prendre leur place et trouver des emplois, au Québec et dans l’ensemble du pays.

«Moi, je suis fière d’avoir choisi le Québec lors de mon arrivée au Canada et je peux vous dire que nous avons été très bien accueillis», a-t-elle tenu à me mentionner.

Elle y va d’une anecdote savoureuse.

«À mon arrivée à l’aéroport de Mirabel, en 1997, je m’attendais à voir des orignaux et de la neige. C’était un 4 juillet et c’était la canicule!»

Quelques mois plus tard, en janvier 1998, elle vivait la tempête du verglas.

Elle vit maintenant à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Et les orignaux, elle les voit sur les pancartes!