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Conseil municipal: sermonner le politique pour sauver la fonction publique?

Une lettre de la CMQ a été déposée mardi soir au conseil municipal de Trois-Rivières.

CHRONIQUE / «Un conseil n’a pas besoin d’unanimité pour avancer, mais il a besoin du respect de tous pour bien fonctionner. Près d’un an plus tard, nous sommes forcés de constater que la situation s’est détériorée. Aucune des mesures prises ne s’est avérée efficace pour désamorcer les tensions et améliorer le comportement des membres du conseil entre eux, mais aussi avec les employés municipaux.»


Voilà le constat que fait la Commission municipale du Québec (CMQ) de l’état de la situation au conseil municipal de Trois-Rivières. Une lettre envoyée au directeur général et dont le maire Jean Lamarche a fait la lecture mardi soir, en séance publique. Une lettre qui n’a de quoi réjouir absolument personne en ville, et surtout pas l’ensemble des membres du conseil municipal. Une lettre qui devrait également sonner comme une mise en garde, un ultimatum, pour l’ensemble des acteurs politiques de la ville, puisque bien au-delà des querelles politiques, ce climat est en train de coûter cher à la Ville, qui perd petit à petit ce qu’elle a de plus précieux: sa fonction publique.

Une lettre qui devrait donc servir de mise en garde. Mais le deviendra-t-elle vraiment?

Il faut vivre sur une autre planète que la planète Trifluvie depuis les derniers mois pour ne pas savoir que les relations au conseil municipal sont tendues. La semaine dernière, trois membres du conseil ont été réprimandés par la Commission municipale. Si le conseiller Alain Lafontaine a choisi de plaider coupable et de payer l’amende qui s’ensuit, les conseillers Luc Tremblay et Richard Dober ont plutôt choisi de contester cette réprimande devant la commission. On saura dans quelques semaines si une pénalité leur sera imposée ou non.

Les enquêtes menées par la Commission municipale à Trois-Rivières n’ont pas permis de porter d’autres accusations contre d’autres élus municipaux. Or, de prendre connaissance du contenu de cette lettre permet de comprendre que la Commission municipale, bien qu’elle n’ait pas voulu aller plus loin dans ses démarches faute de preuves ou de matière à porter des accusations, a voulu servir un avertissement aux élus.

Difficile de ne pas croire que certains de ces propos sont directement dirigés vers des échanges qui ont eu lieu entre certains élus municipaux et le directeur général François Vaillancourt. Notamment, en février dernier, alors que le directeur général servait un avertissement aux membres du conseil, et que des élus, dont François Bélisle, lui reprochaient de faire de la politique. À la lecture de cette lettre, ce n’est clairement pas de cette manière que la CMQ voit les choses.

«Nous ne sommes pas ici dans un débat entre des adversaires politiques où, selon les circonstances, des propos peuvent dépasser la limite habituelle. Il s’agit plutôt ici d’une communication entre un membre du conseil et un officier municipal où la notion de respect doit reprendre son sens habituel. L’officier municipal a un devoir de réserve et de loyauté envers la Ville qui lui interdit de répondre au conseiller par les mêmes moyens. Il ne peut répondre sur la place publique comme pourrait le faire un autre élu. Il est du devoir d’un fonctionnaire d’émettre des recommandations au conseil, lequel ne peut être critiqué lorsque son comportement respecte notamment les orientations fixées par la majorité des membres du conseil. On ne peut alors, dans ces circonstances, insinuer qu’il fait de la politique, encore moins sur la place publique», signale la CMQ.

Elle poursuit: «Nous avions conclu en signalant qu’un conseil n’a pas besoin d’unanimité pour avancer, mais il a besoin du respect de tous pour bien fonctionner. Près d’un an plus tard, nous sommes forcés de constater que la situation s’est détériorée. Aucune des mesures prises ne s’est avérée efficace pour désamorcer les tensions et améliorer le comportement des membres du conseil entre eux, mais aussi avec les employés municipaux. Une ville de la taille de Trois-Rivières, la neuvième en importance au Québec, dispose des ressources et des moyens pour qu’il en soit autrement. L’ensemble des acteurs prenant part à ce dysfonctionnement doivent assumer leurs responsabilités. L’adoption d’une conduite éthique irréprochable pour le bien des citoyennes et citoyens de Trois-Rivières en fait partie. Au besoin, différentes organisations proposent des services d’accompagnement ou de médiation, y compris le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, afin de vous aider à trouver des solutions aux problématiques vécues».

Quoi qu’on en pense, c’est ce qui se produira à Trois-Rivières. Les élus de Trois-Rivières devront retourner sur les bancs d’école pour suivre une nouvelle formation en éthique et en déontologie. C’est ce que le maire Lamarche a fait savoir mardi soir, en affaires nouvelles. Un point qui n’a pas fait l’objet d’un vote, mais qui a suscité des réactions.

La conseillère Pascale Labernhe-Lahaie a tenu à prendre la parole, rappelant qu’il y a plus d’un an, elle sonnait l’alarme pour rappeler que certains propos tenus dans le cadre des activités du conseil tournaient à l’incivilité, et qu’il importait pour tous de se sentir bien, en sécurité et respectés lorsque l’on souhaitait prendre la parole en public, tout comme en comité de travail. La Commission municipale, à l’époque, avait rapidement fermé le dossier, malheureusement. Un an plus tard, nous en sommes donc au même point.

À l’exception que depuis un an, les congés de maladie se sont succédé, autant chez les élus que chez les fonctionnaires. Outre le retrait de plusieurs mois du maire Jean Lamarche, on a aussi enregistré celui de la conseillère de Saint-Louis-de-France, Geneviève Auclair qui, épuisée, a eu besoin d’un moment de recul. Soulignons du même souffle que la conseillère du district de la Madeleine, Sabrina Roy, a été absente des dernières séances du conseil et qu’on en comprend qu’elle a elle aussi eu besoin d’un temps d’arrêt.

À cela s’ajoutent au moins trois congés de maladie pour épuisement chez des hauts fonctionnaires au cours des derniers mois, sans compter le départ récemment annoncé de l’un des principaux directeurs de la Ville. S’il évoque avoir reçu une offre intéressante du privé, selon mes sources, il n’aurait pas caché à ses collègues et aux élus que le climat des derniers mois n’aura qu’alimenté plus rapidement sa décision de quitter le navire.

Les élus, aussi compétents puissent-ils être, passent au gré des élections aux quatre ans, des débats, des idées, des dossiers défendus et des machines électorales qui arrivent à les porter au pouvoir. Mais la fonction publique, elle, demeure idéalement en poste longtemps et, forte de son expérience, de sa fine connaissance des dossiers et de sa vision globale des projets portés par la Ville, apporte cette expertise qui sert l’avancement des projets. Oui, elle se pliera toujours à une vision politique, peu importe le côté où cette vision majoritaire penchera. Mais de perdre cette richesse au fil des mésententes et des conflits de personnalité ne peut qu’amener un véritable constat d’échec, qui va bien au-delà des querelles politiques.

La CMQ sert un avertissement, et propose pour une énième fois de la formation et de l’accompagnement pour assainir le climat. Ce qui se vit à l’hôtel de ville traduit ce sentiment de découragement de la fonction publique.

Saura-t-on réellement en venir à bout, pour le bien de la ville et de ses citoyens?