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À la recherche d’une bulle d’air pur

Visiblement, je n’étais pas le seul génie à vouloir me procurer un purificateur d’air. Les étagères étaient presque vides.

CHRONIQUE / La qualité de l’air était exécrable à Ottawa-Gatineau mercredi après-midi, en raison des panaches de fumée qui survolait la région. Au point où la quantité de particules fines en suspension surpassait de 22 fois les valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé...


J’ai lu qu’en Californie et dans l’Ouest canadien, où les incendies de forêt sont monnaie courante, les gens ont pris l’habitude de se ménager une bulle d’air pur dans la maison. Un endroit où ils peuvent se réfugier quand l’âcre fumée des incendies envahit non seulement les rues, mais aussi l’intérieur de leur demeure.

Une bulle d’air pur? Bonne idée, me suis-je dit.



Je me suis donc rendu au Canadian Tire. Où sont vos purificateurs d’air? ai-je demandé au commis au comptoir. C’est à peine s’il a levé les yeux de sa tâche. «Ce qu’il nous reste, c’est dans l’allée 28», a-t-il répondu d’un air harassé.

Visiblement, je n’étais pas le seul génie à vouloir me procurer un purificateur d’air. Les étagères étaient presque vides. Il restait deux appareils, l’un pour une grande pièce, l’autre pour une petite pièce. Tout le reste s’était envolé! «Mon Dieu, ai-je dit au commis qui passait par là, les gens vous ont dévalisé!» Il a affiché un sourire las.

J’ai donc opté pour le moins cher des deux purificateurs d’air — non sans vérifier soigneusement les indications sur la boîte de carton.

Santé Canada recommande de choisir les purificateurs d’air à haute efficacité. Ils portent le sigle HEPA - ce qui signale leur capacité à filtrer les particules fines émises par la fumée, y compris la fumée des incendies de forêt. D’ailleurs, la plupart des purificateurs d’air sur le marché sont désormais équipés de ce type de filtre, précise Frédéric Valcin, évaluateur scientifique principal chez Santé Canada.



Il faut aussi vérifier la certification par l’Association des fabricants d’appareils ménagers (AFAE). L’étiquette comporte une cote CADR qui décrit dans quelle mesure l’appareil réduit la fumée de tabac, de poussière et le pollen. Plus la cote CADR est élevée, plus le purificateur d’air élimine de particules.

L’autre chose qu’il faut savoir, c’est que les purificateurs d’air sont associés à une superficie. Le mien m’a coûté un peu moins de 300$ et il couvre 15,5 m² — soit la superficie de ma cuisine.

Justement, où l’installer? Dans la cuisine?

Il y a un élément de ventilation à considérer, notent les experts. Aussi puissant soit-il, un purificateur d’air s’avérera inutile s’il est placé dans un recoin où l’air circule peu. «Idéalement, l’appareil devrait se trouver au milieu de la pièce, sur un piédestal. Un bon compromis, c’est de le mettre au milieu d’un mur», précise Frédéric Valcin de Santé Canada.

À noter aussi que les purificateurs d’air remplissent les promesses indiquées sur l’étiquette à condition de les faire fonctionner à puissance maximum. Réduire la puissance du ventilateur pour le rendre moins bruyant diminuera aussi sa capacité à filtrer les particules.

Les maisons modernes sont souvent dotées d’un système de ventilation central, avec des filtres. Est-ce que ces filtres sont assez puissants pour filtrer les particules fines d’un incendie de forêt?



Oui, répond Éric Lavigne, un épidémiologiste dont les travaux sont financés par les Instituts de recherche en santé du Canada. «La seule chose, c’est qu’ils demeureront impuissants contre les concentrations de particules fines qui surviennent par infiltration, près d’une fenêtre par exemple», tempère-t-il.

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Ceci dit, m’ont dit les deux experts, il ne faut pas paniquer avec la piètre qualité de l’air ces jours-ci. Si vous pouvez vous procurer un purificateur d’air, tant mieux. Les personnes plus vulnérables, comme les aînés ou les gens avec des maladies respiratoires, devraient d’ailleurs y songer sérieusement.

Les autres? Ils doivent faire du mieux qu’ils peuvent. Peu d’études scientifiques documentent les effets à long terme sur la santé humaine d’une exposition prolongée à la fumée d’un incendie de forêt, concède Éric Lavigne.

Ce qu’on sait des études réalisées en Australie et en Californie, c’est que les gens exposés de façon répétée peuvent développer des maladies respiratoires à long terme. «Mais on parle d’années et d’années d’exposition. On n’est pas rendus à ce point!», tempère Éric Lavigne.

Santé Canada estime pour sa part à 2000 décès prématurés liés chaque année à la fumée d’incendie de forêt. Les menaces pour la santé persistent longtemps après l’extinction des flammes.

Même s’il faut éviter le plus possible les activités extérieures, les gens ne doivent pas partir en peur. «C’est correct de sortir pour faire l’épicerie!», de dire Éric Lavigne.

Et courir dehors, c’est correct? En revenant du Canadian Tire, j’ai croisé deux sportifs qui couraient sur le trottoir, en respirant à grandes goulées l’air enfumé. Éric Lavigne recommande plutôt de courir à l’intérieur quand l’air est aussi pollué.

Mais bon, comme durant la pandémie, il revient à chacun de gérer les risques pour sa santé. En connaissance de cause, espérons-le!