Les nouvelles bloquées, c’est non.
Pour être honnête, je n’ai pas supprimé mon compte Facebook, j’ai plutôt rayé l’application de mon téléphone, y laissant pour m’informer les applications des médias que je consultais déjà chaque jour de façon un peu trop frénétique. Qu’est-ce que vous voulez, déformation professionnelle, je consomme des nouvelles comme d’autres des vidéos de chat.
Pour le reste, je n’allais déjà jamais sur Instagram, ni sur TikTok, ni sur YouTube et je ne sais pas de quoi retourne Snapchat.
J’appréciais Twitter surtout pour l’instantanéité des réactions, j’aimais par exemple regarder Tout le monde en parle en suivant le fil des gazouillis et voir en direct ce que les gens pensaient des invités au fur et à mesure qu’ils défilaient sur le plateau. Je ne twittais à peu près jamais, mes 1000 quelques abonnés ne sont rendus compte de rien.
Le sevrage a été facile, immédiat.
Pouf.
Facebook, c’est plus compliqué. Déjà 15 ans que je suis dans le grand « livre de faces » de Mark Zuckerberg où je n’ai qu’un compte personnel et où tous mes amis sont des gens avec qui j’ai pris une bière ou avec qui je pourrais le faire, des gens qui ont été mes amis dans la vraie vie, comme à l’école secondaire, et que j’étais bien contente de les y retrouver. La famille aussi, les cousins et cousines perdus de vue dont on peut prendre des nouvelles, à qui on peut en donner.
Je vais y jeter de bref coup d’œil, à partir de mon ordi.
Lorsque Facebook a bloqué mes nouvelles, lorsque j’ai lu qu’« en réponse à la législation du gouvernement canadien, les contenus d’actualité ne peuvent pas être affichés au Canada » comme si c’était le pays qui en interdisait le partage, ma réaction a été immédiate. J’ai supprimé l’application de mon téléphone en me disant que, au moins, mes doigts n’allaient plus passer de temps à faire défiler les statuts de Pierre, Jeanne et Jacques, aussi machinalement qu’ils tournent des couettes dans mes cheveux.
Et c’est ce que ça a fait quand j’ai supprimé l’icône bleue avec le célèbre F de l’interface de mon téléphone, mes doigts la cherchaient instinctivement. Ils feraient pareil si je coupais ma crinière, ils chercheraient dans le vide une mèche à tortiller. Facebook était devenu, j’en prenais la mesure, une spectaculaire perte de temps.
Mon téléphone n’a pas tardé à me le confirmer en m’envoyant peu après des avis allant à peu près comme suit, « cette semaine, votre temps d’écran a diminué de tant de pour cent ». Au point où je me suis dit que je pourrais me remettre au crochet, la dernière fois c’était pour faire une salopette à ma Barbie préférée.
Une belle salopette rouge, elle lui allait comme un gant.
Bref, je ne me suis pas remise au crochet ni au point de croix, mes doigts ont naturellement migré vers d’autres icônes, celles des médias que je suis depuis des années. Sans trop d’originalité, La Presse, Le Devoir, Radio-Canada, l’Actualité et bien sûr, Le Soleil, où on trouve aussi les textes des cinq autres quotidiens qui composent notre coop d’information.
Je suis donc revenue à ce que je faisais avant lorsqu’un camelot déposait cinq journaux au pas de ma porte tous les matins et où je prenais un malin plaisir à tourner les pages.
Là, je clique, ça revient au même.
Et il semble que je ne sois pas la seule, les résultats d’un sondage CROP sont sortis jeudi sur les habitudes de consommation d’information depuis le bras de fer de Meta et on apprend que presque la moitié des gens ont changé leurs habitudes. Le Centre d’études sur les médias, pour qui a été mené le sondage, nous apprend aussi que 70 % des 18-34 ans s’informaient sur les réseaux sociaux.
La bonne nouvelle, c’est que presque le tiers d’entre eux continuent à s’informer, mais qu’ils le font autrement.
Ça serait bien, non, que Meta se tire dans le pied et que sa crise du bacon pousse les internautes à retourner aux sources et à s’informer directement auprès des médias comme ils le faisaient dans le bon vieux temps? Et que même les jeunes, qui sait, prennent goût à fréquenter des sites pour se tenir au courant de ce qui se passe autour d’eux?
Je sais, je suis une indécrottable optimiste.
L’autre bonne nouvelle du sondage, c’est que presque la moitié des répondants estiment que les entreprises comme Meta et Alphabet, qui chapeaute Google, devraient verser une partie des revenus qu’ils tirent des nouvelles aux médias qui les produisent. Ils aimeraient que le gouvernement fédéral n’intervienne pas, que les médias et les réseaux s’entendent.
C’est ce qui se passe en Australie, où on déplore des ententes secrètes.
Inégales.
Tenez, je viens d’aller faire un tour sur Facebook sur mon ordi, ça m’a rappelé la fête de deux bons amis, je n’ai jamais été bonne avec les dates de fête. J’ai vu une offre de protège-dessous réutilisables, j’ai appris qu’une amie que je n’ai pas vue depuis des lunes a pris un apéro en périphérie de Rome, que le casse-croûte chez Armand était à vendre aux Îles-de-la-Madeleine.
J’ai vu des collègues et des amis qui restent au front, en publiant des captures d’écran de nouvelles, faute de pouvoir mettre les liens pour s’y rendre.
J’ai quitté, avec une envie soudaine de me remettre au crochet.