Chronique|

En avez-vous vraiment besoin... d’autant?

C’est plus fort que moi, lorsque je vois une foule de grévistes, mon regard est aussitôt dirigé vers les innombrables affiches, drapeaux et bannières qu’ils brandissent.

CHRONIQUE / À chaque élection, quelqu’un quelque part relance le débat sur l’utilisation des pancartes électorales. On s’interroge alors sur les coûts et sur la pollution engendrée par leur fabrication. À l’heure où les syndicats manifestent aux quatre coins de la province, pancartes à la main, il est peut-être temps de se questionner aussi sur la pertinence de produire autant de fanions et d’affiches pour l’occasion.


C’est plus fort que moi, lorsque je vois une foule de grévistes, mon regard est aussitôt dirigé vers les innombrables affiches, drapeaux et bannières qu’ils brandissent. C’est l’effet «déformation professionnelle», je suppose.

Peintre scénique de formation, j’ai travaillé dix belles années dans les ateliers de décor à Montréal. En arrivant à Trois-Rivières avec le projet de démarrer ma propre entreprise de peinture artistique, je me suis retrouvée à gagner ma vie dans le domaine de l’enseigne et du lettrage en attendant de pouvoir concrétiser mon rêve.

Il faut remonter il y a près de 20 ans et pourtant, déjà à ce moment-là, j’étais indignée par le niveau de pollution engendré par le vinyle. Imprimer sur une pellicule de plastique pour ensuite l’appliquer sur la surface désirée comme un Coroplast (un ondulé fait de polymères pris entre deux feuilles de plastique lisse et rigide) est un procédé qui utilise beaucoup de matières non recyclables.

Chaque fois qu’on colle du vinyle, la mince couche de papier glacé qui recouvre la surface collante est jetée aussitôt retirée. À cela, il faut ajouter le film de protection et les inévitables retailles. Quand on travaille à coller des lettres sur les vitrines des commerces et sur les voitures, on constate vite le volume hallucinant d’ordures qu’il reste à la fin d’une journée.

Chaque pancarte que l’on peut observer lors d’un débrayage ou d’une manifestation vient avec son lot de déchets. Chaque objet produit à l’effigie d’une cause impute un coût environnemental et monétaire.

Chez une chaîne de détaillants bien connue, une seule pancarte faite de carton-mousse ou de Coroplast coûte environ entre 30 $ et 45 $ pour un format de 24 par 36 pouces. Le prix à l’unité est révisé à la baisse si on utilise un simple carton ou si la commande est importante en termes de quantité, mais lorsqu’on se met à additionner les drapeaux et les affiches lors d’un rassemblement, la somme à investir reste sûrement une dépense considérable.

En 2023 et dans un contexte d’inflation et de soucis pour l’environnement, est-ce bien utile de produire tous ces fanions et tous ces cartons ?

À la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), l’une des organisations syndicales du Front commun qui fait actuellement pression sur le gouvernement en agitant d’incalculables petits drapeaux verts, on m’affirme au bout du téléphone une réelle préoccupation de son syndicat pour limiter les frais en matière d’affichage.

Incapable de transmettre un chiffre concernant le budget accordé, on est fier de souligner que toutes les pancartes sont fabriquées au Québec. L’identité visuelle conçue pour l’occasion est mise à la disposition des régions qui octroient les contrats d’impression aux entreprises locales. Les fanions de plastique sont faits de matières recyclées et on a misé sur une plus grande quantité d’affichage générique que sur une production ciblée aux présentes revendications, plus éphémères dans le temps.

La réflexion est amorcée. Tant mieux, mais je crois qu’on peut encore couper de moitié, sinon plus, le nombre de pancartes et porter le même message avec autant d’efficacité.

Teintée par mon parcours professionnel, cette fois-ci du côté de la scénographie, je crois qu’on gagne à user davantage d’originalité et de surprendre l’œil avec des sculptures très bien réalisées comme la tête de M. François Legault qui a été aperçu à quelques reprises depuis le début des démarches entreprises par le front commun ces dernières semaines.

J’avoue que j’aime bien l’idée d’utiliser l’art pour servir une cause au lieu de sauvagement vandaliser des œuvres historiques au nom d’une autre… comme la dernière frasque des militants écologistes qui ont brisé le verre protecteur d’un tableau de Velazquez à Londres au début de la semaine.