Le Québec ces jours-ci me fait penser à un vieux chandail qui se détricote sous nos yeux. Une vieille étoffe qui s’effiloche dans le silence du temps. Une société qui craque de partout. L’économie se porte assez bien merci, mais les points d’interrogation s’accumulent là où ça fait le plus mal aux citoyens : le social.
On sait qu’il est impossible de régler la crise du logement en deux tours de cuillère à pot. Cela prendra des années – si les gouvernements agissaient de toute urgence, comme si c’était ce que c’est: gravissime – mais d’ici là, les gens à faibles et à moyens revenus se logent où? Quand un trois et demi coûte 1500 dollars par mois et qu’on gagne le salaire minimum, on se tourne vers qui, vers quoi, pour avoir un toit?
Doit-on s’étonner que de plus en plus de personnes âgées se retrouvent à la rue? Comment peut-on accepter cela dans un pays riche et, en théorie, égalitaire?
Plus de 10 000 personnes itinérantes «existent» au Québec. Je dis «existent» parce qu’errer, ce n’est pas vivre. Peut-on espérer un jour la disparition de ce phénomène qui autrefois ne frappait que des villes tumultueuses comme Londres et New York? J’en doute. Certes, il manque de ressources (et d’hébergement), mais il faudra aussi trouver une façon de sortir ces gens du monde des drogues dures et souvent frelatées qu’ils fréquentent. J’insiste et j’en remets: derrière la consommation de drogue, ce qui comprend l’alcool, se cache un monde de maladie mentale, d’insécurité, de mal-être et de détresse. Va-t-on soigner tout le monde? Poser la question c’est y répondre. Arrêtons de rêver à un monde zéro souffrance: cela ne fait que nous décourager, nous paralyse. Mais posons les bons gestes. Un abri c’est bien, mais un parcours de désintoxication, c’est essentiel.
Éducation
Les leaders politiques savent très bien que les solutions miracles n’existent pas. On ne va pas trouver des milliers d’enseignants qualifiés en quelques mois. On parle encore ici d’années. D’ici là, va-t-on scrapper toute une génération d’élèves? Imaginez les conséquences d’un tel abandon. Mais que pouvons-nous faire ici et maintenant? Bien peu de choses, que l’on soit un élu du peuple ou une étoile du communautaire.
La réforme en santé déposée par le ministre, Christian Dubé, en mars, pourrait bien être adoptée d’ici la fin de l’année. Mais ne croyons pas que sa mise en œuvre va passer comme une lettre à la poste. Des mois, voire des années d’incertitude et de tensions nous attendent. Et le manque de personnel soignant, on le résorbe comment d’ici là et surtout, quand?
Changements climatiques
Même si j’en parle souvent, je dois revenir au dossier des changements climatiques où rien ne semble bouger de manière significative tant à l’échelle planétaire que chez les individus. Mercredi, j’ai vu un VUS et un pick up dont les moteurs fonctionnaient à plein régime dans le stationnement d’une Caisse Desjardins, fenêtres baissées et clim’ à fond la caisse. Nous sommes en panne de conscience citoyenne et je ne vois pas comment, et quand, nous allons enfin décider de changer nos habitudes. Probablement lorsqu’il sera trop tard.
Je pense aussi aux municipalités qui demandent de l’aide pour faire face et mitiger les effets des changements climatiques qui se font retourner comme une crêpe par le premier ministre. «Pas de marge de manœuvre à Québec», dit-il. Les feux de forêt gigantesques, les inondations, les ponts emportés par la crue des eaux ne sont plus d’hypothétiques menaces. Les changements climatiques, c’est aujourd’hui. Demain, ce sera pire.
Fonction publique
À brève échéance, une autre tuile s’annonce. Vu que les négociations ne vont pas bien entre l’État et ses employés, devons-nous nous attendre à un automne et à un hiver de grèves, voire de grève générale illimitée? Il ne manquerait plus que ça! Attachez vos tuques avec de la broche: les syndiqués de l’État ont encore l’augmentation de 30% accordée aux députés et celle de 21% aux policiers de la Sûreté du Québec dans le fond de la gorge. Ils ne sont pas mécontents, ils sont en beau joual vert. C’était à prévoir, non?
La liste est longue et je constate une lassitude dans la population. Sommes-nous résignés à notre sort?
Ne pourrions-nous pas au moins être en colère et le faire savoir à celles et à ceux qui nous dirigent? Ça serait la moindre des choses ou faudra-t-il attendre la prochaine élection pour exprimer notre découragement?
Mais apparemment, en attendant, on a un sujet très très important sur lequel il faut tous se mobiliser dans les chaumières: la «English Week» au cégep Garneau à Québec. Comme si c’était prioritaire. Eh misère.
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Lise Ravary est journaliste depuis 40 ans et a tout fait dans le métier, que ce soit à la radio ou dans des magazines et des journaux, de Montréal à Toronto, en passant par Londres et Alexandria, avant de devenir observatrice et commentatrice à temps plein. On peut lire ses opinions dans nos pages deux fois par semaine.