À l’Assemblée nationale, à Québec, le précédent remonte à 2011. En avril de cette année-là, le président Yvon Vallières a été contraint d’abandonner son poste afin de s’éviter, lui aussi, l’humiliation d’un vote de défiance.
M. Vallières avait compris qu’il avait définitivement perdu la confiance de l’opposition officielle, alors représentée par le Parti québécois. Il en avait tiré les conclusions.
Les péquistes lui reprochaient d’avoir donné raison à la ministre du Travail, Lise Thériault, alors que, selon eux, elle avait violé les « droits et privilèges » du parlement.
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Ils la blâmaient de leur avoir publiquement dit de ne plus venir demander aux ministres de les aider à régler des problèmes à même leurs « budgets discrétionnaires ». Elle avait ajouté qu’elle se ferait un « malin plaisir » de divulguer les noms de ceux qui lui adresseraient encore de telles demandes.
Si un président de l’Assemblée nationale a été forcé de démissionner pour une pareille querelle de basse-cour, celui de la Chambre des communes ne pouvait pas se maintenir en poste.
Une motion
Je rappelle cet épisode concernant Yvon Vallières parce que le désastre qui s’est produit à la Chambre des communes à propos de l’ovation faite à un ancien soldat nazi a trouvé écho à l’Assemblée nationale, mardi.
Le Parti québécois a présenté une motion à ce sujet. Elle était sans risque politique, mais néanmoins nécessaire.
Elle a bien entendu été adoptée à l’unanimité. Elle se lit ainsi : « Que l’Assemblée nationale se dissocie du Parlement du Canada, qui a récemment ovationné un ancien combattant nazi de la Schutzstaffel (SS). Qu’elle réaffirme sa solidarité envers le peuple juif et envers les victimes de l’Holocauste. »
Certains, sous le couvert de la confidence, ont confié que le PQ se faisait du capital politique à bon compte. On venait d’entendre le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, estimer que le gouvernement Trudeau avait « vraiment une responsabilité » dans cette affaire.
Étirer la responsabilité de cette affaire jusqu’au gouvernement canadien, comme l’a fait le Parti conservateur du Canada dès lundi, est une opinion politique — politique au sens très « partisan » du terme.
Au-delà de cet inévitable souque à la corde, je retiens surtout que cette motion rappelle quelque chose de fondamental. Beaucoup plus que d’autres motions présentées à l’Assemblée nationale, qui ne visent souvent et seulement qu’à mettre dans l’embarras un ou des adversaires du Salon bleu.
Alors que les parlementaires à Québec s’apprêtaient à voter sur cette résolution, les élus à Ottawa achevaient de pousser le président de la Chambre des communes hors de son siège.
Avant de se résigner à le quitter, l’affable président avait dans un premier temps parlé comme si l’invitation faite à cet ex-nazi était une simple erreur de sa part. C’en est une. Mais c’est beaucoup plus que cela, même si M. Rota n’était pas mal intentionné : c’est une faute, une double faute même. D’abord une faute d’ignorance, ensuite, une faute politique.
La raison d’État, ou plutôt ici l’intérêt parlementaire, au sens noble de l’expression, devait l’emporter sur toute autre considération.