L’évaluation grimpe à 1 milliard $ pour la pérennité du pont de Québec

La saga sur l’avenir du Pont de Québec n’en finit plus de finir, les gouvernements fédéral, provincial et le CN l’ont pris en otage depuis plus de quinze ans en remettant toujours à plus tard son entretien.

La flambée de l’inflation a fait bondir de 25 % l’évaluation des coûts de peinture et d’entretien à long terme du pont de Québec. On doit désormais parler de 1 milliard $ sur une période de 25 ans.


Je dis un milliard, mais ça pourrait être davantage, car l’inflation continue de courir et on ne voit pas le jour où des contrats pourraient être donnés.

La plus récente évaluation sérieuse remonte à juin 2020. Dans son rapport au gouvernement fédéral, l’ex-président de l’Industrielle Alliance Yvon Charest avait estimé les coûts à 784 M$ pour 25 ans. L’estimation reposait sur des analyses de la firme d’ingénierie Norda Stelo (anciennement Roche).



L’explosion de la dernière année dans le coût des grands travaux (+ 20 %) additionnée à une l’inflation «normale» de 2 % par an a fait grimper l’évaluation.

Régis Labeaume et Yvon Charest en 2019.

Assez pour perturber les négociations entre Ottawa et le Canadien National (CN) pour le transfert de propriété du pont de Québec au gouvernement fédéral.

On était alors près d’une entente sur un partage des coûts entre le fédéral, le CN et le ministère des Transports du Québec pour assurer la pérennité du pont.

Il a cependant fallu reprendre la discussion avec de nouveaux chiffres. On y est toujours. Depuis le début de l’année 2023, le mandat du négociateur Yvon Charest est ainsi renouvelé de mois en mois.



Les discussions se passent bien, assure le porte-parole du CN avec qui j’ai refait le point à la fin de la semaine dernière.

Vendredi matin, le ministre de la santé fédéral, Jean-Yves Duclos, s’est fendu d’une autre déclaration lénifiante sur le pont de Québec. Comme toutes celles des dernières années sur ce sujet.

Le ministre Jean-Yves Duclos

Voyez par vous-même, c’est le ministre qui parle : « M. Charest [Yvon] fait des progrès. Je sais que ça prend du temps, mais on va arriver au bon endroit et surtout, ce dossier va être réglé pour les prochaines décennies. »

Cet objectif, on le connaît. Ce qui manque et qu’on continue d’attendre, c’est le résultat.

Le parti libéral a déjà fait trois élections sur la promesse d’un entretien pérenne du pont de Québec. Aura-t-il l’outrecuidance d’en attendre une quatrième?

Cette lenteur nous dit deux choses.



1- Le faible poids politique du Québec au sein du cabinet fédéral. Les ministres du ROC (Rest of Canada) sont, semble-t-il, réticents à reprendre le pont de Québec et à financer son entretien à long terme.

On ne sent pas cette même rigueur dans l’ensemble des programmes et projets fédéraux.

2- Le manque de volonté ou de leadership du premier ministre Justin Trudeau. Qu’attend-il pour mettre son pied à terre et conclure?

Si l’évaluation de 2020 était juste, on parle d’une somme additionnelle de 200 millions $ répartie sur 25 ans.

C’est beaucoup en soi, mais peu pour un gouvernement fédéral qui dépense 433 milliards $ par année (budget 2023-24).

L’année dernière à pareille date, c’est le gouvernement du Québec qui était dans le collimateur. On reprochait au ministère des Transports (MTQ) de ne pas contribuer assez et de ne pas payer un juste prix pour l’utilisation du pont de Québec.

Le montant du loyer annuel du MTQ a depuis été revu à la hausse, mais c’était avant la récente poussée inflationniste. Faudrait-il à nouveau revoir les chiffres?

Parlant de MTQ, M. Duclos s’est réjoui que la ministre Geneviève Guilbault cite les fonctionnaires qui croient le pont de Québec « restaurable » et « soutenable pour les 75 prochaines années ».



«C’est une bonne nouvelle d’entendre ça de la part d’ingénieurs, des experts qui connaissent le dossier», a dit M. Duclos lors de son point de presse.

« Ça encourage l’ensemble des partenaires [...] à faire ce qu’on avait dit qu’on allait faire, c’est-à-dire prendre possession de ce pont, le restaurer, oui, le peinturer, mais surtout le pérenniser pour les prochaines années », analyse le ministre.

C’est en effet une bonne nouvelle que le pont puisse encore être restauré, malgré la rouille qui l’accable

À une nuance près : ce n’est pas une nouvelle. Les ingénieurs du MTQ ont toujours dit que le pont de Québec pouvait durer. Être éternel même, pour peu qu’on l’entretienne et y investisse l’argent nécessaire.

Ce qui est une nouvelle, c’est que le gouvernement de la CAQ le reconnaisse aujourd’hui. Jusqu’à maintenant, il plaidait plutôt le contraire, suggérant que le pont de Québec était fini. Il en faisait un argument pour le troisième lien.

L’abandon du tunnel autoroutier a visiblement changé la perspective de la CAQ sur le pont de Québec.

Vient-on d’assister à un autre virage du gouvernement Legault par rapport à ses discours électoraux. Je vous laisse en juger.