Il est donc maintenant clair que STAT, produite chez Ætios, sera absente de la compétition l’année prochaine. La série d’ICI Télé a remporté plusieurs prix cette année, mais étonnamment pas celui de la meilleure série quotidienne.
En entrevue avec Marie-Josée R. Roy, Sophie Lorain a parlé d’« échantillonnage tout croche », de « système qui n’a aucun sens » et d’« organisme qui a l’air de s’en foutre », en parlant des Gémeaux.
« C’était n’importe quoi, en long et en large. On n’y sera plus. C’est terminé. Tu ne peux pas donner des prix à droite et à gauche, sans être conséquent dans ce que tu donnes », a dit la productrice de Mégantic à ma collègue.
Lorsque je l’ai contactée mardi, Fabienne Larouche m’a avoué qu’elle partageait entièrement l’opinion de Sophie Lorain.
« C’est dommage pour les artistes et les artisans qui méritent vraiment qu’on souligne l’excellence de leur travail, mais la formule des Gémeaux est problématique depuis longtemps, et maintenant, elle a sans doute fait son temps, comme le montrent les défections qui s’enchaînent les une après les autres.
« Il faut trouver une nouvelle formule, moins politique, moins coûteuse et plus originale », m’a écrit la prolifique productrice, qui avait longtemps boycotté la compétition avant d’y revenir en 2015.
Le gala de cette année a pourtant été excellent, encensé par la critique, et mené de main de maître par Pierre-Yves Lord.
Mais comme je l’écrivais le soir même, la liste des gagnants témoignait de plusieurs incongruités et d’un flagrant manque de jugement de certains jurys.
Comment des œuvres comme Indéfendable et Avant le crash ont pu remporter les prix les plus importants de la soirée sans n’avoir jamais rien gagné avant?
Tout ça n’a aucun sens.
Lorain et Durand-Brault sont les premiers producteurs importants à quitter en bloc mais d’autres avaient déjà choisi d’y être à moitié; Guillaume Lespérance n’a pas présenté Discussions avec mes parents au concours – mais la comédie a néanmoins remporté le prix du public –, et Fabienne Larouche et Michel Trudeau n’ont pas soumis À cœur battant, Doute raisonnable et Les yeux fermés non plus.
Guillaume Lespérance sait déjà qu’il ne présentera pas la comédie de François Morency l’année prochaine, mais il continuera de soumettre ses autres productions.
« Je continue de croire que l’Académie est une organisation importante et ils ont mon soutien », dit-il.
Néanmoins, le producteur du Bye Bye et de Tout le monde en parle pense toujours qu’il y a beaucoup trop de catégories, malgré la disparition d’un bon nombre d’entre elles cette année.
« Pour que ce soit précieux, il faut que ce soit rare », dit-il à propos des prix remis aux Gémeaux.
Pour sa part, le président et fondateur d’Attraction, Richard Speer, n’a pas encore pris de décision pour l’an prochain mais émet de sérieuses réserves sur les sommes exorbitantes – souvent plusieurs dizaines de milliers de dollars – que doivent payer les producteurs pour soumettre leurs œuvres aux Gémeaux, alors que l’industrie de la télévision traverse une crise.
« On aura des questions à se poser pour l’année prochaine », affirme l’ancien président de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, qui avait convaincu Fabienne Larouche et Julie Snyder de revenir au bercail.
Alors qu’il était à la tête de l’organisation il y a 10 ans, l’Académie avait annoncé que les données d’écoute seraient dorénavant prises en considération dans la compétition.
Comme Sophie Lorain, il considère aujourd’hui que cette règle pénalise les séries disponibles uniquement sur les plateformes, qui n’ont pas encore été diffusées à la télé.
Il rappelle en outre que l’attribution d’un Gémeaux « ne garantit pas à une émission qu’elle reviendra l’année prochaine ».
Chez KOTV, Louis Morissette y réfléchit sérieusement de son côté.
« C’est plusieurs dizaines de milliers de dollars que je pourrais utiliser autrement pour remercier nos équipes », m’a-t-il confié.
Au contraire, d’autres producteurs interrogés ont dit sans réserve avoir l’intention de rester dans la course. C’est le cas de Guy Villeneuve chez Fair-Play, qui produit notamment Les enfants de la télé et Révolution.
« Il est important selon nous de déposer chacune de nos productions, pas seulement celles qui ont des chances de gagner. Nous traitons chacune de nos productions de façon égale, comme tous nos enfants », m’a-t-il écrit.
De son côté, Charles Lafortune, chez Pixcom, croit que « le processus de sélection a besoin d’être [mieux] communiqué. »
« Parfois les votes sont serrés. Et une lauréate ou un lauréat gagne par peu de votes », explique-t-il.
Le producteur d’Indéfendable confirme cependant que Pixcom continuera de soumettre ses productions aux Gémeaux l’an prochain.
En poste depuis à peine un mois, la nouvelle directrice générale de l’Académie – section Québec, Chantal Côté, se montre très ouverte à la discussion mais déplore que les producteurs mécontents ne l’aient pas contactée pour lui manifester leur insatisfaction.
« Je leur tends la main et je les invite à communiquer avec moi », a-t-elle dit lorsque nous l’avons contactée.
Elle affirme de plus que c’est le temps idéal pour discuter, puisque l’Académie révise actuellement les règlements dans le but d’améliorer la compétition.
« J’ai à cœur l’Académie et je chéris l’industrie de la télévision. Ce n’est pas le temps de se séparer, c’est le temps d’être solidaire », a-t-elle dit, s’inspirant des discours de certains producteurs au dernier gala sur la précarité actuelle.
La direction de Radio-Canada n’a pas voulu commenter la décision des producteurs dissidents.
« La prochaine édition des prix Gémeaux fait partie de nos plans, mais rien n’a encore été signé à cet effet avec l’Académie », nous a répondu par courriel Marc Pichette, premier directeur, promotion et relations publiques.
Il est toutefois clair que le diffuseur pourrait réévaluer sa décision s’il manquait trop de joueurs, comme c’était le cas en 2005. Canal D et ARTV avaient alors pris le relais pour la diffusion de la soirée.
Et Radio-Canada n’a plus beaucoup de patience avec les controverses entourant les galas; rappelons que le diffuseur public a largué le Gala Québec Cinéma, réchappé par Noovo.
C’est bien dommage, parce qu’après de nombreuses années de dissension, jusqu’à la quasi disparition des Gémeaux en 2005, une certaine harmonie, bien que fragile, était revenue.
Or, l’instauration précipitée de catégories non genrées d’interprétation, pour diminuer le nombre de catégories mais pour laquelle on n’a jamais consulté l’industrie de la télévision, a semé l’incompréhension, en plus du choix des gagnants de cette année dans plusieurs catégories, entre autres choses.
Les Gémeaux ont survécu à plusieurs crises, mais survivront-ils à celle qui se trame aujourd’hui ? Surtout à une époque où la situation des galas se fragilise ?
Laissez-moi en douter. Pour le grand amateur de galas que je suis, c’est loin d’être rassurant.
Guy A. fait le million
Bon départ pour Tout le monde en parle, qui a rallié dimanche soir 1 025 000 fidèles sur ICI Télé.
Revenu à 18h30, Chanteurs masqués domine toujours avec 1 429 000 téléspectateurs à TVA, alors que Révolution en retient 985 000.
Occupation double a déjà eu de meilleurs temps; l’édition Andalousie n’a captivé que 385 000 accros sur Noovo.