Voilà vraiment une très belle pièce, profondément émouvante sans forcément chercher à l’être. Le texte de Pascale Renaud-Hébert est exceptionnel de naturel, de justesse et d’une vérité qui s’adresse au coeur.
Elle aborde sans faux-fuyant un sujet délicat mais qui nous interpelle tous au plus profond de nous-même: notre mort et le dernier bout de chemin qui y mène.
On y fait la connaissance de deux femmes atteintes d’un cancer qui va les emporter. Murielle a deux fils dans la vingtaine et un mari. De son côté, Maude est elle-même âgée dans la vingtaine et a un chum. Devant la maladie qui progresse et prend le dessus, les deux femmes adoptent des attitudes opposées. Murielle refuse de regarder en face la mort qui s’impose alors que Maude refuse de se battre inutilement en laissant à la maladie le meilleur de son corps.
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Les 100 minutes de la pièce tournent autour de cette simple base. Pascale Renaud-Hébert jette un regard d’une grande justesse sur ces femmes et ceux qui les entourent. Dans un texte d’un naturel étonnant, elle nous plonge dans une réalité qui apparaît toute proche de nous. Les réactions et surtout les émotions de chacun des personnages sont évidentes, vraies. On y croit, et le dilemme des protagonistes devient le nôtre.
La metteure en scène Isabelle Bédard respecte l’esprit de la pièce avec une mise en scène sans effets inutilement appuyés. Dans son efficace sobriété, elle ne cherche ni à attirer l’attention ni à appuyer le texte outre-mesure mais celui-ci s’impose si efficacement que la mise en scène y est forcément pour quelque chose. Elle est tout simplement au service de ce texte très digeste.
Elle a dirigé ses interpètes à partir d’une intime compréhension des émotions et les intentions sont justes. Les six comédiens sont au diapason les uns des autres. Personne n’éblouit au point d’effacer les autres mais personne ne vient briser l’harmonie d’ensemble. Pourtant, trois des interprètes en sont à leur première expérience sur les planches. Il est toujours louable comme intention d’ouvrir la porte à la relève mais c’est souvent un écueil. Cette fois, le travail de préparation a été judicieux.
Malgré le propos, il importe de préciser que le texte est quasiment aussi drôle qu’il est touchant. Il révèle assurément le grand doigté de l’auteure. Elle aborde de grandes questions avec beaucoup de lucidité sans que ça devienne lourd. Pas de grands monologues grandiloquents, pas d’envolées lyriques: juste les vraies choses.
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Si bien que l’émotion nous happe à certains moments sans qu’on l’ait trop vu venir. Une belle et noble émotion. On ne ressent même pas l’envie de cacher nos larmes. Pourquoi, quand elles sont sincères, qu’elles révèlent simplement notre sensible vérité?
La trame musicale dont les différents extraits sont un peu courts, est presque entièrement québécoise. Elle est, comme la pièce, lumineuse et fort belle. Très juste avec Un monstre, de Louis-Jean Cormier mais jamais n’est-elle si puissante qu’avec un extrait des Cowboys fringants qu’on vous laisse le soin de découvrir. Isabelle Bédard a fait du joli boulot.
Je ne dis pas que tout est exceptionnel dans ce spectacle, très loin s’en faut, mais tout n’a pas besoin de l’être. Sauver des vies est une pièce qui touche profondément et nous grandit. On en sort plus riche d’être soi-même. C’est, dans ses imperfections, un bien beau et précieux moment de théâtre que je recommande très chaleureusement. On en a tous besoin et ils ne sont pas si fréquents.