Les deux livres ont assurément leurs mérites propres mais marquent ensemble un jalon impressionnant dans la carrière de la Trifluvienne: il s’agit de ses 50e et 51e livres publiés. On pourrait n’y voir que des chiffres mais ils dessinent assurément le talent de la créatrice, sa persévérance, son enthousiasme et surtout, une intarissable passion.
Petits miracles
«Quand j’ai commencé à publier il y a vingt ans, je n’aurais jamais même rêvé me rendre là, confie-t-elle en entrevue sur le ton de l’émerveillement qu’elle ressent toujours. Pour moi, chaque livre publié est un petit miracle. Avec le recul, je me rends compte à quel point je suis privilégiée d’avoir vécu ce petit miracle-là 51 fois.»
Prise de conscience accentuée par le fait que pour chacun des deux livres, elle a été associée à une illustratrice qui y a vécu la magie du baptême d’édition. Pour Le choix de Malina, c’esit Joëlle Gobeil. «Avec Du bout de mon crayon/From the Tip of My Pen, raconte la poétesse, j’ai travaillé avec Annie Létourneau. Elle me disait qu’elle a dressé une liste des choses qu’elle tenait à faire avant de mourir et le rêve qu’elle considérait le plus irréaliste était celui de lancer un livre et de le dédicacer pour son lancement.»
Pas si inaccessible, apparemment. Il reste que ça a inspiré Nancy Montour. «Quand j’ai vu combien c’était extraordinaire pour elle que de lancer un livre, ça m’a fait réfléchir à mon propre parcours et à la chance que j’ai. J’en suis franchement très fière et j’ai le goût de le célébrer.» Elle va donc faire de ce lancement une petite fête le 24 août prochain à la bibliothèque municipale Simone-L.-Roy de Pointe-du-Lac. Dès 13h, la Trifluvienne Annie Létourneau va offrir un atelier de peinture aux petits. À 15h, au tour de Nancy Montour de s’adresser aux enfants dans le cadre d’un atelier de haïkus. Puis, à 17h, les artistes vont célébrer dans la joie le lancement des deux nouveaux bouquins avec leurs petits et grands amis ainsi que le public en général.
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Précisons que pour les ateliers, gratuits, il faut s’inscrire à l’avance en contactant l’une ou l’autre des bibliothèques de Trois-Rivières ou en appelant au (819) 377-4289.
La cinquantaine
La publication de 51 bouquins en 20 ans de littérature jeunesse nous dit d’emblée combien Nancy Montour est entêtée. On serait tenté de croire que tous ses projets ont été acceptés par les éditeurs, ce qui n’est évidemment pas le cas. On serait même très loin du compte. «Au début, les refus me décourageaient, confie-t-elle, mais avec le temps, j’ai appris à ne pas trop me laisser affecter. Je suis chanceuse, j’ai toujours plein d’idées, de nouveaux projets en tête.»
Il faut dire aussi qu’elle a un truc. Un bon. Elle a conservé dans un précieux cahier des commentaires élogieux reçus de la part de toutes sortes de gens: lecteurs évidemment, éditeurs, journalistes, etc. «Quand je doute, je vais relire mon cahier et ça m’encourage.»
Plus précieuse encore est sa passion pour les mots, l’écriture, le processus de création. Elle la résume en peu de mots : «Quand j’écris, j’y mets vraiment tout mon cœur.»
On ne sait jamais à quel autre cœur cela va la connecter. «Un jour, raconte-t-elle, j’ai reçu une invitation pour aller à Whitehorse, au Yukon, pour présenter des ateliers. Très surprise, j’ai demandé au responsable comment il avait pu penser à moi et il m’a expliqué que la responsable de la bibliothèque scolaire là-bas aime beaucoup mes livres et m’a recommandée. Je me suis rendu compte que ce que je fais, c’est comme une petite pierre qu’on lance dans l’eau et qui crée des vaguelettes qui peuvent voyager très loin et avoir des effets insoupçonnés.»
«Ça m’a parlé très fort, cette image. Moi qui ne suis pas très bonne pour faire de la promotion, j’ai pris conscience que tout ce que je peux faire, en somme, c’est de lancer mes petites pierres à l’eau. C’est donc ce que je fais, un livre à la fois. J’ai un projet en tête? Je l’écris, je l’aime et je le lance. J’aime profondément écrire alors, je continue tout simplement à créer puisque quelque part, il peut se trouver quelqu’un qui aime ça.»
«Je ne peux créer qu’avec ce que je suis, à ma manière. J’écris avec mes mots, mes images, ma sensibilité, ma poésie à moi. J’aime les mots, les images fortes. Je dirais que je suis un peu comme une peintre impressionniste... avec les mots.»
Mijoté
Malgré son indéniable sens de l’organisation, son énergie et sa ténacité, l’auteure jeunesse sait laisser au temps le soin de faire son œuvre. Comme pour Le choix de Malina, une histoire née dans sa tête il y a dix ans.
Elle raconte. «Au lendemain d’un très gros orage, je suis allée faire une randonnée de vélo et j’ai vu un arbre tombé sur la route. Par sa chute, il avait dégagé un petit pont menant vers un chemin qui m’était inconnu. Dans ma tête, j’ai imaginé qu’au bout de ce chemin se trouvait une cabane cachée entourée de gros tournesols et j’ai écrit un roman autour de ça. Je l’ai envoyé à deux éditeurs qui l’ont refusé. C’en est resté là.»
«Dix ans plus tard, sur Facebook, une enseignante a demandé si quelqu’un aurait une histoire d’amour pour des jeunes de 5e ou 6e année. J’ai pensé à mon petit roman que j’ai repris complètement en y intégrant une histoire d’amour impliquant des jeunes de cet âge. Ça s’est écrit très naturellement comme si le temps avait rigoureusement placé les idées dans ma tête. C’est une bonne chose que ça n’ait pas été accepté la première fois, finalement, parce que c’est bien mieux dans sa nouvelle forme.»
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Cette fois, Soulières éditeur a saisi l’occasion et inscrit ce roman destiné aux jeunes de 9 ans et plus dans sa collection Chat de gouttière. L’auteure s’y révèle avec son sens du récit dynamique, son amour des phrases simples mais joliment ciselées, sa volonté de présenter des valeurs phares pour des adultes en devenir.
«On dit toujours que notre dernier livre est notre préféré mais dans ce cas-ci, pour moi, c’est totalement vrai. Il offre ce que j’aime le plus: la beauté des mots, laisser une fenêtre ouverte aux enfants pour suggérer une vision différente et leur donner espoir. C’est la toute première fois que j’écris une romance et j’ai beaucoup aimé ça.»
Poésie
Autre coup de cœur dans une vie qui en compte quelques-uns: le haïku. Encore une passion dévorante mais lente à éclore. «J’ai suivi un atelier d’écriture de haïkus il y a vingt ans, se souvient-elle, et je n’y comprenais rien. J’ai conclu que ce n’était tout simplement pas pour moi.»
Pourtant, en 2021, Andrée Poulin, écrivaine franco-ontarienne, a écrit sur sa passion pour ce genre poétique. Sur Facebook, encore. Encore habitée par sa déconvenue, Nancy Montour lui a répondu qu’elle aimerait bien qu’on lui explique les règles du genre. L’écrivaine s’est empressée de lui envoyer des notes et la Trifluvienne, intriguée, s’est mise à bouffer des manuels d’initiation pour finalement avoir la piqûre. «Le haïku, c’est comme une façon toute simple de capturer un moment qui est dans notre mémoire. Ça s’adresse aux sens et ça peut nous faire revivre les sensations derrière un souvenir. C’est comme un petit moment que tu gardes vivant en toi. C’est tout simple mais c’est très puissant pour cultiver des souvenirs.»
Pour son recueil, les vers ont été inspirés par les œuvres visuelles d’Annie Létourneaux, toutes en douceur par la magie de l’aquarelle. «Je suis allée voir son site Internet sous le nom d’ALETTO (alettoart.com) et j’ai adoré ses couleurs pleines de fraîcheur. Son œuvre correspondait en tout point à l’essence du haïku pour moi. Comme elle le dit sur son site: c’est la magie du moment présent, un petit moment dans la journée où tu t’arrêtes pour te sentir joyeux.» Le mariage s’est donc imposé naturellement.
Le bouquin vise la jeune clientèle. L’écrivaine assure que c’est un genre poétique qui sied aux tout-petits, très branchés sur leurs sens. Elle le sait pour leur offrir des ateliers sur une base régulière. Pour ce qui est de cette incongruité des poèmes en deux langues, elle tient à l’initiative de Nancy Montour d’aborder l’écriture en anglais histoire de s’ouvrir des marchés.
L’auteure a encore toutes sortes de projets en tête. Le cap de la cinquantaine de livres publiés ne signifie pas un ralentissement du rythme. La passion n’est pas un véhicule à vitesse variable.