Répétition publique de Reset²: classe de maîtres en rigueur créative

C'est avec bonne humeur que la chorégraphe Véronique Giasson (première à gauche) et son équipe ont répondu aux questions du public au terme de leur répétition publique de mercredi qui lançait les activités de l'édition 2023 du festival international DansEncore.

Le Festival international DansEncore 2023 a débuté officiellement mercredi et ce, sur le bon pied. On présentait dès 13h une nouveauté avec une répétition publique du spectacle de danse contemporaine Reset² de la chorégraphe Véronique Giasson.


Cette première avait valeur de test, et le constat qui s’impose, c’est que l’initiative a généré un intérêt plutôt surprenant. Presque tous les 220 billets mis à la disposition du public ont trouvé preneur notamment grâce à la présence de deux groupes scolaires d’élèves en danse qui ont eu la chance de voir des professionnels se consacrer au travail de préparation d’un spectacle.

Rappelons que Véronique Giasson et son équipe de quatre interprètes et quatre concepteurs ont été invités à une semaine de résidence de création dans le cadre du festival trifluvien. Ils ont donc investi la salle Anaïs-Allard-Rousseau de la Maison de la culture dès lundi pour travailler sur leur création originale qui sera présentée en grande première ce vendredi, 19h.



La répétition publique se voulait notamment une façon de démystifier la danse contemporaine en montrant l’envers du décor et l’aspect méconnu du travail de répétition qui mène à un spectacle. Or, ce travail, il est ardu et impressionnant. Pendant l’heure de répétition dont le public a été témoin avant une période de dialogue, les créateurs ont travaillé comme inconscients de la présence d’yeux indiscrets.

Sous la direction méticuleuse de la chorégraphe, mais également du dramaturge Mathieu Leroux, qui s’avère être une constante ressource, les interprètes ont travaillé une séquence d’environ cinq minutes de Reset² en recalibrant une multitude de détails invisibles à l’oeil profane. On a compris pourquoi Véronique Giasson parle de son travail comme d’un labeur de grande précision à la limite de la mathématique.

Le public a répondu présent à cette première d'une répétition ouverte à tous.

La mémoire

Ce qui ressort peut-être le plus de l’exercice pour l’auteur de ces lignes, c’est la découverte de la minutie dans le boulot et de la part insoupçonnée de la mémoire des artistes dans le processus. Ils connaissent dans chaque portion de leur corps l’inlassable succession des plus infimes mouvements. La chorégraphe agit comme Jacques Lacombe qui dirige par cœur une symphonie en ayant en mémoire, à la note près, la partition de chaque instrument et chacune des nuances qui lui semblent pertinentes.

La différence c’est qu’ici, pour cette pièce de 45 minutes, les interprètes jouent aussi de mémoire, ce qui leur permet de modifier un tant soit peu chaque geste, chaque intention, pour le rendre plus conforme à la vision de la chorégraphe.



Or, surprise, dans ce travail de direction d’une folle précision, la créatrice demeure constamment ouverte à des nuances inattendues qui viendraient enrichir sa vision.

«C’est de l’art vivant, a-t-elle commenté lors de la période de questions, et c’est toute la beauté de l’exercice. On corrige un paquet de détails et on sait que les interprètes les ont enregistrés mais après, ça évolue. Ça prend toujours un certain temps avant que l’interprète intègre complètement chaque élément et ça peut prendre une forme quelque peu différente lors de la représentation. Ça rend la pièce plus vivante, plus riche.»

Les 45 minutes d’efforts inspirés de vendredi seront l’aboutissement de quelque trois ans de travail et de quelque chose comme 500 heures de répétition. Si elles ont toutes été marquées par le sérieux et l’ardeur que le public a pu voir mercredi, on s’incline humblement devant la ferveur de ces artistes.

D’autant que le boulot implique parfois des épisodes aussi athlétiques que délicats, comme le public a pu le constater en voyant l’ajout d’un tout nouveau mouvement impliquant qu’un des danseurs prenne appui sur le dos d’un partenaire pour se projeter dans les airs par la force de ses jambes. L’intuition créative n’a pas trouvé sa forme définitive pendant la répétition, mais les vertèbres d’un des danseurs ont été sérieusement sollicitées. Il faut parfois souffrir pour offrir de la beauté.

Il est par ailleurs réjouissant de constater que d’éventuelles interprètes (il s’agissait essentiellement de filles en provenance du Collège Marie-de-l’Incarnation et de l’école secondaire La Découverte) ont pu vivre ce moment privilégié et apprécier le travail de professionnels de haut niveau. L’intérêt démontré par les spectateurs et la pertinence des questions posées aux artistes ont prouvé la valeur de cette répétition publique savourée également par les professionnels.

Véronique Giasson, chorégraphe, et les danseurs.

Satisfaction

La directrice générale de DansEncore, Maria Juliana Vélez, s’en est réjouie. «Pour une première, c’est très satisfaisant. Les gens étaient très concentrés, très intéressés; c’est vraiment une très belle expérience pour nous et ce, devant une très belle salle. Le fait qu’une grande partie du public était jeune et connaisseur en danse ajoute à notre satisfaction. Cela dit, on avait aussi plusieurs adultes, des gens du grand public que ça intéressait.»



«C’était un test que nous faisions, et il m’apparaît que c’est une activité qu’il serait très intéressant de reprendre dans le futur. Véronique [Giasson] est une excellente pédagogue, très ouverte au dialogue, tout comme ses danseurs, d’ailleurs.»

Pour ce qui est de l’organisation globale de DansEncore, la dg semblait remise du pépin de dernière minute qui a privé l’évènement de la présence de la troupe AAINJAA et elle se montre même confiante que les solutions de rechange élaborées vont être très appréciées du public.

«L’organisation va rondement et on est très fébriles. La météo est de notre côté parce qu’on n’annonce de la pluie que pour jeudi alors qu’il devrait faire beau à partir de vendredi et jusqu’à dimanche alors qu’on aura des activités à l’extérieur. Tout ça est très encourageant.»

Rappelons que jeudi, l’événement se poursuivra à sa vitesse de décollage avec la présentation d’une seule activité, soit DansExpérience, pour des écoliers de la région. Vendredi, les choses vont prendre leur intense rythme de croisière avec des spectacles gratuits sur la scène extérieure du port dès 20h, de l’animation rue des Forges, le spectacle de danse contemporaine à 19h à la salle Anaïs-Allard-Rousseau ainsi que la première de deux représentations du traditionnel gala.

On peut prendre connaissance de la programmation complète, comme on peut se procurer des billets pour la portion des évènements payants au dansencore.ca.