Mais avant tout, il souligne que la compagnie Kruger fournit environ le tiers de la production canadienne de papiers, avec une dizaine d’usines et 10 500 employés, et que la division Wayagamack, la doyenne des usines Kruger, est «une survivante d’un passé lointain» avec des installations inaugurées en 1912.
Selon lui, trois questions sont au cœur du litige actuel, qui touche près de 240 syndiqués: les salaires, les congés et le malaise relationnel entre la direction et les salariés.
«Le vote unanime des deux groupes de salariés concernés en faveur de la grève révèle une solitude relationnelle entre la direction et les salariés. En clair, lorsqu’un vote de grève est unanime, il s’agit d’un cri du cœur qui indique que quelque chose d’essentiel, dans le parcours habituel, fut oublié quelque part», soutient-il.
D’abord, les salaires. Actuellement, la rémunération horaire oscille de 27 $ à 45 $ selon l’ancienneté et la catégorie d’emploi.
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«Certes, ce n’est pas du niveau de l’industrie de l’aluminium ou de la pétrochimie, mais c’est un niveau de salaire qui correspond au modèle observable dans l’industrie papetière. Mais les travailleurs, à la Wayagamack, comme ailleurs, veulent des augmentations salariales susceptibles de limiter leur appauvrissement collectif face à l’inflation», fait remarquer M. Bernatchez.
Ensuite, les congés. À son avis, la journée de travail de 12 heures est venue compliquer les choses. «En effet, à partir du moment où l’employeur applique la règle des 12 heures par jour aux congés payés, cela a pour effet de réduire leur nombre, ce qui va à l’inverse d’une nouvelle tendance dans les milieux de travail», soulève-t-il.
Or, à ses yeux, le troisième enjeu est peut-être le plus important, soit le malaise relationnel dans l’usine.
«Un tel malaise ramène à l’interaction des personnalités. Ce n’est pas de la compétence personnelle des intervenants dont il s’agit. C’est leur système d’insertion ou la façon dont ils communiquent entre eux.»
— Jean-Claude Bernatchez
Et pour lui, la durée potentielle de cette grève est en relation avec l’écart qui divise les parties. «Kruger autant que la centrale syndicale Unifor ont la force de deux colosses dans leur domaine respectif. Voilà deux parties qui ont la capacité de régler leur conflit promptement ou de le faire perdurer longtemps», croit M. Bernatchez.
«Est-ce que l’employeur peut fermer une troisième machine, c’est-à-dire l’usine, pour ramener sa production vers d’autres sites industriels? C’est possible. Mais la tradition chez Kruger n’encourage pas l’affrontement radical», renchérit-il.
Du même souffle, celui-ci indique que les travailleurs de l’usine Kruger-Wayagamack «savent comment faire un papier de qualité».
Par surcroît, dit-il, le caractère plus que centenaire de l’usine prouve que patrons et travailleurs ont eu la compétence requise pour s’adapter et traverser des crises sévères.
«Résoudre ce conflit exige toutefois de retourner à la table de négociation, ce que les parties se proposent à tous égards de faire. L’usine Wahagamack en a vu d’autres. Si les parties se réfèrent à leur histoire et choisissent la voie d’une négociation basée sur les intérêts communs, ils devraient remettre promptement leur usine sur la voie de la réussite, ce qu’ils ont, de diverses manières, appris à faire depuis plus d’un siècle», conclut M. Bernatchez.