«La prochaine génération d’entrepreneurs, c’est les Thomas de ce monde; c’est pour ça qu’il faut commencer à les intégrer à nos entreprises», prétend le propriétaire de 1200 °, une entreprise familiale en forte croissance.
«C’est rare que je manifeste mes opinions. Là, c’est venu me chercher», explique le propriétaire de l’entreprise spécialisée en distribution et entretien d’équipement en sécurité incendie, notamment les camions de pompiers.
Sa publication sur le réseau social Facebook fait «boule de neige», depuis vendredi.
«Grâce au ministre du Travail Jean Boulet, mon garçon Thomas ne pourra plus travailler dans mon entreprise, car nous avons plus de 10 employés. Quelqu’un pourrait m’expliquer pourquoi le gouvernement se mêle de nos décisions parentales de cette façon? Pourquoi un propriétaire d’entreprise de 9 employés ou moins peut faire travailler ses enfants? Est-ce qu’on devient irresponsable lorsqu’on a plus de 10 employés?», questionne-t-il dans sa publication.
La nouvelle loi interdit en effet l’embauche de jeunes de moins de 14 ans, au Québec, à une dizaine d’exceptions près (gardiennage, travail artistique, livraison de journaux, etc.). En ce qui concerne le travail dans une entreprise familiale, il n’est autorisé que dans celles comptant moins de 10 employés. L’entreprise de François Proulx emploie environ 70 personnes dans ses succursales de Trois-Rivières et Saint-François-du-Lac.
Un travail éducatif
Depuis l’hiver dernier, François Proulx avait commencé à initier son fils aux tâches de l’entreprise lors des journées pédagogiques en le faisant participer au travail d’expédition des pièces, sous la supervision de son directeur de département. Alors qu’il termine sa sixième année, on souhaitait donner du travail à Thomas, un ou deux jours par semaine. Le petit-fils du directeur des ventes qui devait se joindre à lui se retrouvera, lui aussi, sans emploi.
«Je donne un travail à mon garçon pour le valoriser et lui apprendre la vie», souligne le père. Une activité que le jeune Thomas aime et qui le rend fier, selon lui. François Proulx raconte le jour où celui-ci a participé à l’expédition urgente d’une pièce pour un camion de pompier en panne, à Rimouski. «C’est important ce que tu as fait pour protéger les gens de Rimouski», lui a reflété son père, en bon éducateur.
Après avoir dénoncé sa propre situation familiale, François Proulx a reçu une avalanche d’exemples qui, selon lui, n’ont «aucun sens». «S’ils veulent protéger les enfants, ils devraient le faire par dangerosité des métiers. Sinon, on rate la cible», plaide le père de famille.
Il donne l’exemple d’une jeune fille de 13 ans qui ne pourrait plus être hôtesse ou caissière dans un restaurant St-Hubert détenu par sa famille, quand en revanche, elle pourrait travailler à la friteuse d’un casse-croûte familial. «Mon garçon n’a pas le droit de travailler dans mon entreprise, mais si j’avais une compagnie d’émondage avec six employés, il aurait le droit d’être sur le “chipper”», illustre-t-il encore.
Ce qu’il conteste surtout, c’est l’ingérence du gouvernement dans ses décisions à titre d’entrepreneur et de parent.
«Je me considère comme un bon père de famille et un bon gestionnaire d’entreprise. Qu’il [le gouvernement] vienne se mêler à la fois de l’éducation de mon fils et de la gestion de mon entreprise, je trouve qu’il n’est pas à sa place.»
— François Proulx
«Ce que je trouve anormal, c’est que quelque chose d’aussi banal que d’amener son gars travailler une fois par semaine devienne illégal.» Pour les employeurs, une première infraction à cette loi est en effet passible de sanctions financières de 1200 $, multipliées par 10 à 12 000 $, pour une deuxième.
François Proulx admet que la Loi 19, dans son ensemble, est fondée sur de bonnes intentions. «C’est correct d’encadrer le travail des enfants et je ne suis pas contre ça. Je ne suis pas contre le fait de protéger les enfants des accidents du travail. C’est correct de limiter les heures de travail, c’est correct qu’ils ne travaillent pas pendant les périodes scolaires. Je suis d’accord avec tout ça!»
Mais il veut être pris au sérieux, comme père et comme employeur.
«Nous, les entrepreneurs, notre but ce n’est pas de blesser nos employés! C’est quoi ce discours-là, du ministre, qui dit que son but c’est de protéger les enfants et les employés?», clame-t-il. Il estime en outre que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a déjà un mandat en matière de sécurité. «On ne commencera pas à empêcher les gens de travailler pour ne pas qu’ils se blessent!», lance-t-il.
François Proulx n’a pas prévu d’autres initiatives que de répondre aux entrevues générées pas sa publication dans laquelle il a néanmoins «tagué» le ministre du Travail, Jean Boulet, qu’il connaît personnellement. Mais les multiples encouragements qu’il reçoit des ses pairs l’incitent à penser que son raisonnement est bel et bien fondé.