
TDA/H : Au-delà du diagnostic
« Les études tendent à démontrer que plus on intervient dans la classe ordinaire, meilleures sont les chances, car l’enfant va avoir des modèles positifs. L’idée, c’est d’agir le plus possible en prévention, avoir des interventions concertées. Il s’agit aussi de sortir un peu des sentiers battus et de permettre à certains élèves, par exemple, de travailler debout à l’arrière de la classe. Certains enseignants vont l’accepter, ont plus de flexibilité et de créativité. Parfois, il peut aussi arriver qu’il y ait jumelage avec une autre classe pour que l’élève se rende dans un autre cours d’éducation physique, qu’il puisse bouger plus », affirme la Dre Fanny Trudel, psychologue œuvrant dans plusieurs écoles primaires du Centre de services scolaire des Draveurs, à Gatineau.
Affirmant qu’il y a un courant de pensée qu’elle appelle « la culture de l’identification » au sein du système d’éducation, celle qui a aussi agi comme psychoéducatrice durant une décennie insiste pour dire qu’en contexte scolaire, absolument rien n’oblige d’avoir un diagnostic pour offrir des mesures d’adaptation.
« C’est bien important, car les psychologues peuvent faire autre chose que de l’évaluation et je pense qu’on peut être encore plus utiles encore. Pour les élèves qui ont des symptômes reliés au TDA/H, on va mettre en place beaucoup de choses avant d’en arriver à l’évaluation. Celle-ci devient nécessaire seulement quand les parents souhaitent aller vers la médication. Mais avant d’en arriver là, il y a toute la portion où l’enseignant et les professionnels peuvent offrir du soutien. Il y a une panoplie d’outils à notre disposition, il y a des entreprises qui se spécialisent là-dedans. Il y a les bandes élastiques pour pattes de chaises, pour que l’élève puisse bouger sans que ça fasse de bruit, il y a des objets d’apaisement, il y a aussi des coussins gonflables (Movin’sit) pour que l’enfant puisse gigoter sas risquer de tomber, etc », explique la Dre Trudel.
Cette dernière affirme que non seulement les outils se sont raffinés au fil des ans, mais notre compréhension également.
« Je vois des enseignants qui ont des espèces de petits cartons sur lesquels on inscrit n’importe quoi, surtout s’il s’agit des plus jeunes qui ne savent pas encore lire, et quand l’élève a besoin de bouger, ils leur en donnent un pour qu’il aille le remettre à la secrétaire, qui comprend alors que l’enfant n’avait que besoin de s’activer un peu. La créativité n’a pas de limites. Il y a aussi le temps d’écran qui peut faire en sorte d’augmenter les symptômes et de réduire le temps de concentration. Ça peut être problématique. Même chez les adultes, on est tellement habitués de zapper que la durée d’attention fond comme neige au soleil », soutient la spécialiste.
Filles versus garçons
Mme Trudel affirme qu’en raison de leurs symptômes plus apparents dans la majorité des cas, les garçons aux prises avec un TDA/H ressortent davantage du lot à l’école, alors que les filles, qui tendent à être plus lunatiques, passent parfois un peu plus sous le radar. Les filles sont surreprésentées dans la présentation inattentive prédominante, tandis que les garçons sont surreprésentés dans la présentation hyperactivité et impulsivité prédominante.
« Ça fait en sorte que l’attention des enseignants et des adultes est plus portée vers les élèves qui vont bouger beaucoup, parce qu’ils sont plus dérangeants, parce qu’ils occupent plus d’espace et prennent plus d’initiatives. Ils sont plus dans le pétrin, ils se font plus attraper que les autres, aussi, car ils n’ont pas le temps de réfléchir et de planifier. Ce sont souvent des garçons. Ce sont ces élèves-là qui vont avoir un peu plus de services au niveau des techniciens en éducation spécialisée, parce qu’ils vont vivre des conflits plus régulièrement », note-t-elle.
La Dre Trudel souligne qu’on essaie de favoriser « une communication ouverte » entre le milieu familial et le milieu scolaire.
« Parfois, des parents vont instaurer une médication sans en parler à l’école. Je comprends jusqu’à un certain point, car ils ne veulent pas se faire influencer et avoir la perception de l’enseignant, mais en même temps, le problème à ce moment-là est qu’on ne fait que capitaliser sur la médication et non les autres interventions en amont. L’enseignant, ce sont les yeux des parents. Il pourrait par exemple dire que la médication est trop élevée, qu’il n’a plus le même petit bonhomme devant lui en classe ou encore que l’effet est de trop courte durée. Ce n’est pas simple, souvent les deux parties se sentent jugées et incomprises », raconte la psychologue.