Il y a un an survenait le balayage caquiste au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Nancy Guillemette, François Tremblay, Yannick Gagnon, Andrée Laforest et Éric Girard ont été élus le 3 octobre 2022 sous les couleurs de la CAQ, réalisant ainsi un balayage au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Il y aura un an, le 3 octobre, la Coalition Avenir Québec (CAQ) réalisait un balayage au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les députés Andrée Laforest (Chicoutimi), François Tremblay (Dubuc), Éric Girard (Lac-Saint-Jean) et Nancy Guillemette (Roberval) ont été réélus, tandis que Yannick Gagnon, dans Jonquière, est venu compléter la vague caquiste entamée en 2018, mettant ainsi fin à la présence du Parti québécois dans la région depuis 1973.


Est-ce que le Saguenay-Lac-Saint-Jean est avantagé par cette présence de cinq députés sur cinq au pouvoir ou, au contraire, serait-il plus bénéfique de pouvoir compter sur un parti d’opposition? Pour analyser la situation, Le Quotidien s’est entretenu avec Christian Bélanger, Ph.D, chargé de cours au département des sciences humaines et sociales de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

D’entrée de jeu, M. Bélanger rappelle que ce n’est pas Montréal qui a fait élire la CAQ, mais bien les régions. «La CAQ a eu besoin de tout ce qui était régions hors métropole pour se faire élire», dit-il, ajoutant toutefois que même sans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le parti aurait malgré tout été amené au pouvoir avec une forte majorité.

«Oui, on a cinq élus de la CAQ sur cinq, c’est intéressant. Ça peut donner l’impression qu’on va être plus près du pouvoir. La réalité, je vais ramener ça un peu sur le plancher des vaches, c’est certain que les députés de la CAQ et la ministre ont fait leur travail. Maintenant, ils ont fait le travail que n’importe quel autre élu aurait fait et auquel la population est en droit de s’attendre», nuance le chargé de cours.

Christian Bélanger, Ph.D, chargé de cours au département des sciences humaines et sociales de l’Université du Québec à Chicoutimi, rappelle qu’un an, en politique, c’est court, et qu’il reste encore trois ans à l’actuel mandat.

Selon lui, les élus en place ont fait leur travail «d’une façon très honnête», mais au-delà de l’idéologie politique, rien qui ne se démarque «de ce à quoi on aurait été en droit de s’attendre de n’importe quel autre parti».

«On bénéficie d’une table au pouvoir, d’une écoute, on bénéficie de plus d’attachés politiques pour faire le travail de représentation. Les députés, à mon avis, font leur travail de député, qu’on le considère bon ou pas, ils font le travail. Mais est-ce qu’on se démarque d’une façon exceptionnelle avec le pouvoir? J’ai des réserves là-dessus.»

Mobilisation autour d’un projet commun

Ce qui pourrait être intéressant pour la région, c’est que les cinq députés se mobilisent autour d’un projet commun. Il y a certes celui de l’amphithéâtre à Saguenay, qui fait énormément jaser, mais il se limite à un seul endroit, nuance M. Bélanger.

«Est-ce qu’un nouveau projet d’infrastructure régional vers lequel l’ensemble des acteurs régionaux pourrait se tourner, et pour lequel la ministre pourrait se faire l’ardente défenderesse, pourrait être mis en place ? Oui, on a des projets dans l’aluminium, des projets de recherche, mais un projet d’infrastructure, je le cherche.»

—  Christian Bélanger

Christian Bélanger est convaincu que le Saguenay-Lac-Saint-Jean a un potentiel énergétique à développer et croit que le développement d’une filière énergétique régionale pourrait être un «chantier» intéressant.

«Économiquement parlant, j’irais vers ça, vers les énergies renouvelables, le développement solaire, l’éolien, la biomasse forestière. Il y a des choses à faire et j’irais vers cette filière-là, justement pour permettre d’avoir, au niveau forestier, quelque chose qui va utiliser le champ de compétence [des travailleurs]», avance M. Bélanger, en lien avec les forestiers qui pourraient éventuellement être touchés par le plan de protection du caribou forestier du gouvernement du Québec.

«Je ne suis pas dans leurs dossiers, je ne sais pas s’ils travaillent déjà cet élément-là, parce qu’avec cette volonté de développer de nouvelles infrastructures hydroélectriques, je pense que les députés sont quand même conscients du potentiel de leur région.»

Rappelons qu’à la conclusion du caucus présessionnel de la CAQ, tenu à Jonquière au début du mois de septembre, le premier ministre François Legault avait en effet annoncé la tenue de «grands travaux». «On va voir l’Hydro-Québec des belles années», avait-il déclaré.

François Legault, premier ministre du Québec.

Pour en revenir au caribou forestier, M. Bélanger est catégorique: il faudra «du doigté et de la diplomatie» et «un accompagnement clair devra être fait» si les zones de protection sont étendues sur de plus grandes superficies de territoire.

«Pour ces gens-là, travailleurs et travailleuses du milieu de la forêt, je les comprends de s’inquiéter, c’est leur gagne-pain, c’est ce qui remplit leur frigo. Je suis convaincu que ces gens-là ont une préoccupation environnementale. Mais qu’est-ce qu’on va leur proposer comme travail? […] C’est aux députés et à la ministre de saisir ces enjeux-là et de mettre en place de nouvelles initiatives de développement. Ils ont fait un travail très honnête avec l’aluminium, maintenant il s’agit d’ouvrir de nouvelles voies. Il leur reste trois ans pour nous étonner. Un an, c’est très court en politique.»

PAFIRSPA, décret et autres financements

L’actualité des derniers mois a été marquée par le dépôt de projets – ou non – au Programme d’aide financière aux infrastructures, récréatives, sportives et de plein air (PAFIRSPA) par les élus de Saguenay. La question d’un décret est revenue sur la table à quelques reprises, tout comme la possibilité «d’utiliser» un autre programme de financement. Christian Bélanger apporte toutefois des nuances dans ce dossier.

«On a toujours l’espèce d’image mythique rêvée qu’on a des députés au pouvoir, alors nous allons avoir de l’argent. Il faut quand même savoir que les députés ont des contraintes, des programmes, des initiatives. Ce sont toutes des choses qui existent, qui sont normées. Par exemple, à Saguenay, avec le nouvel aréna, on veut le faire financer par le gouvernement. On ne passe pas par le PAFIRSPA, alors ça nécessite la mise en place d’un nouveau programme. Et ça ne sera pas juste un programme pour Saguenay, ce qui veut donc dire que d’autres régions vont demander de l’argent, alors on sera en compétition pour obtenir les mêmes sommes d’argent», explique M. Bélanger.

Et supposant que des élus militent pour que la ministre Laforest demande un décret au gouvernement, d’autres régions vont se considérer comme légitimées de demander la même chose, prévient le chargé de cours.

La ministre des Affaires municipales et députée de Chicoutimi, Andrée Laforest.

«Je ne crois pas que la CAQ va vouloir jouer dans ce scénario de décret. La CAQ va faire un travail de gestionnaire, les députés vont faire valoir leurs intérêts, mais encore là, il faudrait demander un nouveau programme pour financer des projets qui pourraient être très particuliers à la région. Je serais bien embêté que la CAQ mette un programme sur mesure pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean parce qu’elle doit tenir compte qu’il y a aussi d’autres régions qui ont voté pour la CAQ», pense-t-il.

Pas d’opposition

Le fait d’avoir la totalité des députés au pouvoir vient inévitablement avec celui de ne pas avoir de député dans l’opposition, rôle qu’a joué de façon «très intègre» Sylvain Gaudreault avec le Parti québécois, durant ses dernières années en politique. Christian Bélanger reconnaît qu’avoir un discours contraire, quelqu’un qui va «lancer une forme de défi et amener une autre façon de penser», peut effectivement développer le souci de répondre adéquatement à la population. Toutefois, la région possède tous les outils pour se faire entendre au sein du gouvernement, selon lui.

Sylvain Gaudreault lors du lancement de sa campagne à la chefferie du Parti québécois, le 25 novembre 2019.

«Il est possible que ça manque, mais maintenant, est-ce que c’était à un seul député de l’opposition d’être porteur de l’ensemble du discours qui questionne, qui lance des défis? Pas forcément. Encore faut-il que les organisations, la communauté, fassent part de leurs doléances, de leurs revendications, de leurs idées, le tout sur une base d’honnêteté intellectuelle. Il ne faut pas uniquement s’opposer pour s’opposer. Il y a sans doute une voix discordante qui manque, mais ce n’est pas forcément au député de l’opposition d’être systématiquement en désaccord», mentionne M. Bélanger, faisant référence aux préfets, maires, industries, centrales syndicales et acteurs du milieu de l’éducation, notamment, qui peuvent être porteurs d’enjeux.