Le gouvernement Legault envisage de hausser les seuils d’immigration permanente à près de 70 000

Pour sa planification de l’immigration au Québec de 2024 à 2027, le gouvernement Legault jongle avec deux scénarios. Dont celui de hausser la cible du nombre d’immigrants permanents accueillis au Québec à près de 70 000 par année.

Pour sa planification de l’immigration au Québec de 2024 à 2027, le gouvernement Legault jongle avec deux scénarios. Dont celui de hausser la cible du nombre d’immigrants permanents accueillis à près de 70 000 par année. Dans les deux cas, une plus grande proportion parlera français.


En campagne électorale l’automne dernier, le premier ministre du Québec, François Legault, avait qualifié de « suicidaire » l’idée de hausser les seuils d’immigration annuels au-delà des 50 000 permanents actuels.

M. Legault s’exprimait alors dans une perspective de protection du français, a-t-il tenu à préciser d’entrée de jeu, jeudi. Il a présenté la réforme de l’immigration permanente proposée par son gouvernement en conférence de presse.



Il était accompagné par la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, et le ministre responsable de la Langue française, Jean-François Roberge.

« Si on dit qu’on a un scénario pour aller à plus que 50 000, mais en ajoutant seulement des gens qui parlent français, dans le fond, on atteint l’objectif que je visais », a fait valoir le premier ministre, pour justifier ce revirement.

Car voilà que l’augmentation possible s’appuie sur une hausse concentrée uniquement parmi les immigrants économiques. Permission obtenue auprès du gouvernement fédéral d’Ottawa, à la plus grande surprise de M. Legault.

La ministre de l'Immigration du Québec, Christine Frechette.

Donc, l’entièreté de l’augmentation sur quatre ans de la cible de base de 50 000 à 60 000, avec des échelons à 54 000 et 57 000 en 2025 et 2026, se retrouvera chez les immigrants économiques. Ceux-ci sont choisis par le Québec et représentent déjà près des deux tiers des immigrants permanents accueillis chaque année.



Le gouvernement leur exigera dorénavant un minimum de connaissance du français avant d’arriver au Québec. Et leur proportion passera de 64 % à 70 % des immigrants permanents accueillis.

Fini, les grilles de pointage où la connaissance du français s’avérait un atout, mais pas une exigence.

Les « talents d’exception » dans leur domaine d’activité, comme les artistes, sportifs et scientifiques de renom, pourront obtenir une exemption et immigrer ici sans avoir le minimum requis en français. Mais la preuve de la valeur professionnelle de la personne devra être faite par un organisme indépendant.

M. Legault a lui-même ajouté le cas des médecins comme possibles exceptions.

Le gouvernement de la CAQ prévoit ainsi porter de 71 % à 79 % la proportion d’adultes déclarant connaître le français à l’admission sur les 60 000, qui comprennent aussi les réunifications familiales et les réfugiés.

Sans compter que ces chiffres n’incluraient plus les étudiants diplômés des institutions d’enseignement francophones québécoises et passant par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), qui étaient au nombre de 8000 à ses bonnes années de 2020 et 2021.

On retrouve donc ici une cible globale avoisinant plus ou moins 68 000 immigrants permanents reçus au Québec en 2027.



Consultation à venir

En vue de la consultation publique à venir dans les prochains mois, deux scénarios sont sur la table. L’autre est celui de maintenir à 50 000 les admissions permanentes par année.

Option que le duo Legault-Fréchette n’écarte pas d’emblée, mais les signaux reçus jeudi pointent en direction d’une hausse des seuils.

Le maintien des seuils d’immigration permanente à 50 000 personnes admises par année s’avérait une promesse importante de la CAQ au cours de la dernière campagne électorale, l’automne dernier. En 2018, avant d’accéder au pouvoir, al CAQ promettait une cible de 40 000 immigrants permanents par année.

La ministre Fréchette a pour sa part parlé d’un « bouquet de mesures » servant à freiner le déclin du français au Québec. D’autres mesures seront bientôt annoncées pour intervenir auprès des immigrants temporaires, qui sont au nombre de plus de 300 000 sur le territoire du Québec.

Le premier ministre Legault a renchéri que d’autres interventions sont à venir en culture et en enseignement supérieur, entre autres.

Ce qu’ils ont dit :

« La réforme de l’immigration annoncée par François Legault démontre, une fois de plus, le décalage entre son discours en campagne électorale et celui qu’il tient une fois qu’il est élu. »

—  Monsef Derraji, porte-parole du Parti libéral du Québec en immigration

« Le plan de la CAQ ne propose aucune mesure concrète pour favoriser une meilleure régionalisation de l’immigration, notamment de mettre en place un programme pour donner la résidence permanente aux milliers de travailleurs temporaires qui contribuent déjà au développement des régions. »

—  Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de Québec solidaire en immigration

« Depuis la dernière élection, malgré 90 députés, le gouvernement du Québec n’obtiendra pas tous les pouvoirs [en immigration]. Ce qu’il nous présente aujourd’hui, c’est ce qu’il peut faire avec ce qu’il a. Ça n’empêche pas le Canada d’arriver avec 500 000 immigrants par année. Et pour suivre, le Québec devra augmenter de façon significative, avec tous les défis que cela représente. »

—  Pascal Bérubé, porte-parole du Parti québécois en immigration

« Les mesures annoncées aujourd’hui sont costaudes et prometteuses pour aider les PME québécoises et répondre à la pénurie de main-d’œuvre. »

—  François Vincent, vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

« C’est un signal positif qui était vivement attendu. [...] Nous souhaitons que les impacts de ces mesures puissent amener aux manufacturiers la flexibilité et la marge de manœuvre nécessaire pour demeurer compétitifs et soutenir leur croissance. »

—  Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers exportateurs du Québec

« Le gouvernement s’est rendu à l’évidence en modifiant les règles du jeu pour les rendre plus flexibles et adaptées au marché du travail. [...] C’est en plein la vision du milieu des affaires qui se tournait vers l’immigration temporaire, à défaut de meilleures alternatives pour combler leurs besoins. »

—  Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec