Des interruptions de classes difficiles pour les élèves

Les salles de cours seront encore vides pour quelques jours cette semaine, alors que s'amorce une grève de trois jours du front commun.

En pratiquement quatre ans, les écoliers québécois auront eu une seule année scolaire dite normale. Au commencement de trois jours de grève du personnel scolaire, et le spectre d’un débrayage illimité, les jeunes doivent une fois plus faire preuve d’adaptation et pour plusieurs, la motivation en prend un coup.


Depuis mars 2020, l’école et toute la vie parascolaire ont été mises sur pause plus souvent qu’à leur tour. « Même l’année dernière, la seule année normale, les gens étaient tellement malades et il y avait tellement de virus en circulation que la fréquentation scolaire a été aussi perturbée, indique la psychoéducatrice, Sarah Hamel. C’est documenté, on le voit qu’il y a beaucoup d’anxiété chez les jeunes depuis la pandémie en raison des facteurs de stress. »

Elle nous ramène aux recherches de la neuroscientifique Sonia Lupien qui démontrent l’existence de quatre caractéristiques qui font augmenter les hormones de stress : la perte de contrôle, l’imprévisibilité, la nouveauté et le sentiment d’avoir l’ego menacé. « Là, on parle de grève illimitée et c’est insécurisant. La stabilité et la prévisibilité sont encore menacées. On ne peut pas s’organiser à l’avance, alors il y a un impact. »

Sarah Hamel est une psychoéducatrice qui s'est fait connaître par des capsules ludiques pour les parents.

Les interruptions scolaires n’ont jamais été aussi nombreuses que depuis 2020. « C’est vraiment cette accumulation de stress qui vient épuiser nos ressources et la capacité d’adaptation a des limites. De façon générale, les jeunes vont le vivre à court terme et ensuite ça va aller, mais il faut être à l’écoute. Pour certains, c’est plus tard qu’ils vont réagir », souligne Eve Pouliot, professeure à l’unité d’enseignement en travail social de l’UQAC.

Avec sa collègue Danielle Maltais, elles ont documenté en 2021 les effets de la pandémie chez les jeunes par une série d’entrevues avec du personnel enseignant, des parents et des élèves des centres de services scolaires De La Jonquière ainsi que du Lac-Saint-Jean.

Un manque de motivation

« Il y a eu de grosses répercussions chez les jeunes et l’engagement scolaire a diminué. Ils ont moins envie d’y aller et ils aiment moins leur école », constate la chercheuse. Ça peut donc devenir très difficile pour les parents de continuer à motiver leur enfant avec ces années scolaires ponctuées de congés imprévus.

De plus, les congés forcés vont déranger la routine à la maison. « Dans notre recherche, les adolescents nous le disaient qu’ils mangeaient moins bien, passaient plus de temps devant leur écran et dormaient moins bien. L’école va amener une meilleure stabilité à ce niveau parce que c’est un milieu où l’on prône les saines habitudes de vie. »

Sarah Hamel souligne pour sa part que la motivation scolaire est grandement liée au contact physique et à la connexion avec l’enseignant. Ces années perturbées ont affaibli ce contact qui se fait à l’école.

Des profs épuisés

Pendant la pandémie, les enseignants sont allés au-delà de leur rôle habituel, poursuit Eve Pouliot. « On l’a documenté. Il y a eu beaucoup d’épuisement. Donc toute cette situation est aussi démotivante pour le personnel scolaire. La pandémie a été difficile et eux aussi sont dans l’accumulation. »

Une grève demeure toujours un moment stressant pour un employé qui se retrouve sans salaire et sur la ligne de piquetage, rappelle Sarah Hamel. « Ce n’est pas le fun pour eux non plus la grève. Ils le savent que c’est un autre retard académique qui va être difficile à rattraper. En plus, les conditions actuelles ne leur permettent pas de bien faire avec nos enfants. »

Eve Pouliot, professeure titulaire en travail social à l’UQAC oriente ses recherches sur les événements traumatiques, la santé mentale et la résilience des individus.

Faire preuve d’indulgence

Les deux expertes sont du même avis : il faut faire preuve d’indulgence, envers nos jeunes, le personnel scolaire et les parents. « Les enfants ont des capacités adaptatives, mais ils ont besoin de parents pour traverser cette incertitude », souligne la psychoéducatrice.

Elle propose au cours de ces journées de grève de faire le travail qui sera remis par les enseignants, mais sinon, un repos fera du bien à nos enfants. « Ils peuvent en profiter pour simplement faire des choses qu’ils aiment et ne pas avoir besoin d’être dans la performance. »

Le conseil d’Eve Pouliot est le même. « On ne se met pas trop de pression. On garde une certaine routine, mais ça peut être plus relaxe. »

Elle fait d’ailleurs remarquer qu’au cours de son étude, des jeunes ont fait ressortir des aspects positifs à la pandémie, comme le rapprochement avec les membres de sa famille et le fait que la vie était moins stressante.