« C’est difficile pour tout le monde qui est épuisé », raconte Romeo Ottereyes, rencontré jeudi matin à ExpoCité. Les traits tirés par la fatigue, le sinistré de la communauté crie de Waswanipi témoigne du long voyage de près de sept heures qui l’a mené en urgence jusqu’à Québec, au petit matin, jeudi.
Il était déjà venu dans la capitale, mais jamais dans ces circonstances. Cette fois, prêt à toute éventualité, il avait rempli sa remorque d’accessoires de camping, d’une génératrice et de nourriture.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/SXLSDIICHRF7DOARPTTO4PDQH4.jpg)
Comme un millier de ses voisins, Romeo, sa femme et leurs enfants ont été évacués de leur chez-eux, de plus en plus menacé par les feux de forêt. Dans le Nord-du-Québec, les incendies qui font rage gagnent du terrain aux alentours.
Périple obligé
Le conseil de Waswanipi, sous les ordres des autorités de la Sûreté du Québec, a exécuté l’ordre de sortir des citoyens de la communauté. Les personnes qui nécessitent des soins, les aînés, femmes enceintes et les enfants ont été priorisés.
« C’est la fumée qui est dangereuse, on a des feux des deux côtés qui s’en viennent, alors le conseil a décidé qu’on devait évacuer la communauté. Si le feu avançait près de la route 113, on aurait été coincés. »
— Romeo Ottereyes
« On part de notre communauté, on laisse tout derrière nous. [Quand] tu ne sais pas ce qui arrive en avant, [c’est] quelque chose de vraiment stressant », rapporte Rhonda Oblin-Cooper, vice-cheffe de Waswanipi.
Il leur fallait se mettre en route rapidement. « Il restait juste un chemin pour sortir de la communauté vers le nord, précise-t-elle. Nos voisins sont déjà évacués et c’est plus sévère pour eux, les feux sont vraiment proches. [Pour nous, la question, c’était] est-ce qu’on pourrait sortir si on attend trop longtemps? »
Malgré des lignes téléphoniques instables, les citoyens ont été informés via les médias sociaux et le porte-à-porte qu’ils devaient quitter leur domicile.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/RMHU6UIREVCLRHUJ2DOD2XTBAI.jpg)
C’est un scénario déjà vu pour la petite population d’environ 2000 personnes. En 1987, les feux de forêt l’avaient forcée à se déplacer temporairement vers Lebel-sur-Quévillon.
« Je pense aux familles, aux gens, aux animaux qui sont restés. C’est difficile pour tout le monde. À la maison, les pompiers, policiers et premiers répondants sont restés dans la communauté pour surveiller le feu », soutient Romeo, qui s’exprime en anglais. Il se fait une mission de rester au courant de ce qui se passe là-bas et de tenir ses proches informés avec des photos et des vidéos en direct sur Facebook.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/TA2TXF3Y5NCKHPIG2YKKSZ7GP4.jpg)
Pour ceux qui restent, la communauté attend les consignes de la SOPFEU.
Québec « lève la main »
Des sinistrés de Waswanipi partis mercredi à bord d’une dizaine d’autobus ou de leur voiture, quelque 700 ont abouti à Québec, dans des hôtels ou chez des proches. Quelque 200 ont passé la nuit au Centre de foires d’ExpoCité.
Un nombre encore plus important est attendu dans le grand complexe transformé en centre d’accueil d’urgence.
À la suite d’une demande d’assistance, les équipes de la Ville de Québec sont mobilisées depuis 22h, mercredi. La requête est passée par la communauté de Wendake, à la recherche d’un lieu pour héberger ses « frères et soeurs ».
« On n’avait pas nécessairement les infrastructures, donc on s’est tourné vers la Ville de Québec », précise le Grand Chef Rémy Vincent.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/DDU6LCCFS5AYHAJ2OXQFU65RQQ.jpg)
Les employés aux dossards orange se sont activés pour ouvrir le site aux réfugiés: traiteur, café, jeux pour enfants, tout a été mis en place pour les accueillir « dans une ambiance qu’on veut bienveillante », pointe la directrice du bureau de la sécurité civile de la Ville de Québec, Mylène Gauthier.
« Québec a levé la main pour répondre présent à la demande du Grand Chef par solidarité et par humanité pour permettre à ces gens de retrouver un peu de stabilité, le temps que les feux de forêt, on l’espère, épargnent leur communauté », explique le maire de Québec.
Les 1400 lits de fortune fournis par la Croix-Rouge sont arrivés vers 1h du matin et ont été assemblés dans les heures qui ont suivi. Pas moins de 250 pointes de pizza ont même été commandées un peu plus tard.
« Si on veut leur donner un tant soit peu de répit, ça suppose un accueil qui est digne de ce nom. »
— Bruno Marchand, maire de Québec
La capacité du Centre de foires d’ExpoCité pourrait encore être augmentée. « On est prêt à se déployer si on devait accueillir plus de gens », exprime Mylène Gauthier.
D’autres sites pourraient même être ouverts si les besoins explosent dans les prochains jours, ajoute le maire Bruno Marchand. Et ce, tant et aussi longtemps qu’il le faudra. « On a déjà des plans B et C. On ne retournera pas les gens dans une situation qui est critique. On va faire tout ce qu’il faut pour répondre à la somme des besoins. »
Jeudi matin, au passage des médias, le moral général semblait bon, dans les circonstances. Après une courte nuit, certains déjeunaient en discutant de la suite, tandis que les enfants jouaient au ballon ou dessinaient.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/W7CPT2Y76ZHIVAEUL6RVVXA4NU.jpg)
Outre le « bon café, les collations » et l’accueil souligné malgré la barrière de la langue, les Cris ont une demande pour raviver l’humeur du groupe éprouvé. Ils aimeraient recevoir la visite de Patrick Roy et de ses Remparts, qu’ils ont encouragé pendant les championnats, pour prendre des photos avec les enfants et discuter avec les joueurs.
Romeo lance l’idée dans l’univers. « On veut qu’ils viennent nous visiter pour nous remonter le moral », espère-t-il.
Parce que les Remparts sont à même de pouvoir comprendre: ils ont eux aussi carburé à l’espoir et à la résilience ces derniers temps.