Pendant presque 15 ans, le Sherbrookois Nicolas Ouellet a combattu les feux de forêt pour la SOPFEU. Il a travaillé sur les incendies de Fort McMurray, sur plusieurs en Colombie-Britannique et a même pratiqué son métier en Australie en 2020. «C’est une année record, c’est du jamais vu, décrit-il en faisant référence aux brasiers du nord du Québec. Je me mets à la place des collègues qui sont encore là-bas et on sait qu’ils vont travailler longtemps. C’est assez impressionnant comme saison. Ils ne verront pas leur famille de l’été, probablement.»
Même si les pilotes d’avions-citernes voulaient faire mieux ou plus vite, la fumée est actuellement trop dense à la tête de l’incendie, estime Nicolas Ouellet, qui travaille aujourd’hui en prévention pour une mutuelle.
Pour combattre des feux de cette envergure, «il faut faire des coupe-feu», lance-t-il, expliquant que des lisières d’arbres seront abattues afin de limiter la propagation du brasier.
«S’il y a des étincelles qui vont de l’autre côté, il n’y a que quelques endroits où on doit intervenir», partage l’ancien chef de lutte qui a mis un terme à cette carrière en mai 2022 pour des raisons familiales.
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Les pompiers pourraient également combattre le feu... par le feu. «Parcs Canada, l’entité canadienne qui fait du brûlage, pourrait faire brûler le combustible [les arbres] avant que le brasier arrive», analyse l’ex-pompier forestier qui n’est cependant pas au courant des stratégies qu’adopteront ses anciens collègues dans les prochaines heures.
Le remède miracle pour les pompiers? La pluie. «Ça travaille comme des milliers de soldats. Présentement, on fait des attaques ponctuelles. On fait de la planification et des coupe-feu, mais on ne peut pas éteindre le feu tant que la pluie n’arrive pas. »
Même si la pluie aidera les pompiers à maîtriser le feu, il ne sera éteint officiellement qu’à l’arrivée de l’hiver.
«Éteindre, ça veut dire qu’il n’y a plus une bûche qui brûle dans le bois. C’est là que c’est plus complexe de dire que le feu est éteint. Par contre, s’il reste des foyers d’incendie dans un milieu de feu, il n’y a plus de combustible autour. Il n’est donc plus dangereux. On veut contenir et maîtriser la bordure du feu, ce qui sera fait lorsqu’il y aura de la pluie.»
Moral
Peu importe l’ampleur du brasier, le moral des soldats du feu est bon, pense M. Ouellet. «Ces gens-là, c’est leur vie les feux, décrit l’ancien pompier. Ils aiment ce qu’ils font. Chaque jour, les gens se lèvent vers 3h30 pour aller déjeuner. Et la journée ne se termine pas avant 19h, 20h ou 21h pour la planification. Et ça recommence le lendemain. La fatigue va s’installer progressivement. Après un mois, la fatigue s’installe. Des gens vont prendre des pauses.»
«C’est du travail d’équipe. L’esprit d’équipe est très fort. Si la pluie tombe, ils vont raccourcir les journées de travail», continue l’ancien pompier, précisant que les équipes de travail sont de quatre ou cinq personnes de travail qui composent une section de 21 personnes.
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Les travailleurs n’ont pas l’occasion de regarder les prévisions météo. «Souvent, ils n’ont pas de réseau cellulaire. On n’a aucune idée des prévisions à long terme, se rappelle Nicolas Ouellet. On vit au jour le jour en accomplissant nos tâches.»
«C’est très exigeant. Les journées commencent tôt et finissent tard. Présentement, même les avions-citernes sont obligés de rebrousser chemin parce que la capacité de la force d’intervention n’est pas assez grande. Le brasier est trop important.»
Impossible dans le sud du Québec
La situation que vivent actuellement les résidants du nord du Québec ne devrait jamais se reproduire au sud du fleuve Saint-Laurent, estime Nicolas Ouellet.
«Ça ne pourrait pas arriver en Estrie, puisque la concentration de feuillus est trop grande. Il peut y avoir des plantations de conifères, mais jamais des feux de cette ampleur. Un feuillu va agir comme un coupe-feu dans la forêt nordique: il y a beaucoup trop d’eau et la concentration chimique n’est pas là», rassure-t-il.
«La composition de la forêt ne permet pas ce genre d’incendie dans le sud du Québec», résume-t-il.
Offrir son aide... à 75 ans
Depuis 52 ans, le Buryen Robert Bishop combat des incendies de forêt. L’homme de 75 ans a commencé sa carrière en Ontario en 1967 et a «occupé tous les postes possibles» dans les différents boisés du pays. Il propose maintenant ses services à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) pour prêter main-forte à la coordination des hélicoptères.
«J’ai appelé la SOPFEU [lundi], affirme-t-il en entrevue téléphonique avec La Tribune. Une besogne que j’ai accomplie notamment avec la SOPFEU, c’est celle de la gestion des hélicoptères. Tu as cinq, dix ou quinze hélicoptères sur ces feux. Quelqu’un doit les organiser : s’assurer qu’ils ont de l’essence et qu’ils font ce qu’ils ont à faire», explique le vétéran, qui estime que la clé du succès est de réduire le feu le plus vite possible.
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Dans un message téléphonique laissé à La Tribune, la Société de protection des forêts contre le feu a admis avoir «un beau problème». «On a tellement eu de volontaires qu’on a rapidement comblé les places qu’on a demandées en renfort. [...] On a eu trop de candidatures pour engager tout le monde, même les candidats de qualité comme Robert Bishop», confirme l’agente à la prévention et aux communications à la SOPFEU, Karine Pelletier.
Les candidatures sont cependant gardées en banque.
Longue carrière
La carrière de pompier de l’homme de Bury a commencé il y a plus de cinq décennies. Dans ses premières expériences, il est resté sur une même intervention durant trois semaines. À cette époque, quelque 115 kilomètres de boyau d’arrosage avaient été nécessaires pour combattre le brasier.
Dans ses fonctions de pompier, Robert Bishop a également formé quelques milliers de pompiers qui œuvrent en forêt. «J’ai entraîné des étudiants en Ontario, mais également en Chine, en France et en Suède», énumère-t-il.
Selon lui, les très gros feux comme celui qui fait rage dans le nord du Québec «ne sont pas différents des plus petits». «Il ne faut pas oublier que tous les gros feux commencent petits! lance l’anglophone. Après, un gros feu est vraiment plus compliqué dans l’organisation et dans l’attaque. Au bout de la ligne, c’est comme des pièces de feu. Tout le monde travaille sur sa partie.»