
Cafouillage du programme de parrainage d'immigrants: un Trifluvien aux premières loges
«Je n’ai aucune idée de quand on me confirmera si ma demande a été acceptée ou non. Le messager m’a confirmé qu’il a livré ma demande, mais il ne sait pas à quel rang il se trouvait», souligne M. Fortin.
En effet, le MIFI avait indiqué que dans le cadre de son programme de parrainage collectif, il ne recevrait que 750 demandes, dont 100 provenant de particuliers. Ces demandes ne sont d’ailleurs pas sélectionnées selon la qualité du dossier et des garanties offertes par les parrains, mais selon la règle du «premier arrivé, premier servi». Une façon de faire que M. Fortin trouve injuste, puisqu’elle ouvre la porte à des tractations avec les messagers puisque ceux-ci pouvaient, selon ce qu’il a compris, livrer plus d’une demande à la fois.
«Quand je suis arrivé dans la salle où les gens attendaient, il y avait une ambiance vraiment désagréable. Ça chuchotait dans la salle, ça se parlait, on ne savait pas qui était qui. On se demandait si des personnes n’essayaient pas d’en soudoyer d’autres pour faire passer leur demande», témoigne-t-il.
Au cours de la fin de semaine, plusieurs parrains potentiels ont d’ailleurs dénoncé des tentatives d’intimidation et de corruption dont des messagers auraient été la cible.
Révolté par la façon de procéder du MIFI, M. Fortin s’est adressé à son député, Jean Boulet, qui est également ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de la Mauricie. Dans un courriel envoyé lundi, il lui demande d’augmenter le nombre de demandes acceptées dans le cadre de ce programme, pour qu’à tout le moins, toutes les demandes reçues lundi matin soient considérées.
«Avec ce programme de parrainage, il n’y a aucuns frais pour le gouvernement, parce que c’est nous qui assumons les frais pendant un an, qui leur trouvons un loyer et les soutenons. La formule, je trouve, est bonne pour intégrer les gens qui arrivent d’un autre pays», affirme M. Fortin.
Un emploi garanti
Les gens que souhaite parrainer M. Fortin sont les proches d’une famille de réfugiés syriens arrivée à Trois-Rivières en 2015. Par le biais d’une activité organisée par le Service d’accueil aux nouveaux arrivants de Trois-Rivières (SANA), le Trifluvien a fait leur connaissance et les deux familles se sont liées d’amitié.
«On suivait un peu les péripéties de leur famille qui est restée là-bas. Ça allait bien jusqu’à l’automne dernier, quand leur village a été bombardé. Ils ont dû se réfugier ailleurs et finalement, ils se sont ramassés dans un camp de réfugiés en Irak. Quand on a su ça, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire, les possibilités qu’on avait de les aider. C’est là qu’on a découvert le programme de parrainage», relate M. Fortin.
Selon lui, la famille syrienne qu’il côtoie régulièrement est un modèle d’intégration. Dans sa lettre au ministre Boulet, M. Fortin indique que les parents travaillent aujourd’hui en français et que leurs enfants s’intègrent très bien à l’école, en français également. Il ne voit aucune raison pour laquelle l’intégration de la famille qu’il veut parrainer se passerait mal.

«Lui (le père de la famille qu’il souhaite parrainer), si la demande est acceptée, il a un emploi garanti dans une usine de meubles de la région. C’est son beau-frère, qui travaille là lui aussi, qui me l’a annoncé», soutient M. Fortin.
Ce dernier mentionne d’ailleurs les arguments de la pénurie de main-d’œuvre et des nombreux postes à pourvoir au Québec dans son courriel envoyé au ministre Boulet. «Moi-même, je travaille chez Hydro-Québec et on a de la misère à trouver de la main-d’œuvre pour déboiser les lignes», illustre-t-il, considérant que d’accueillir davantage de réfugiés serait une façon efficace de contrer la pénurie de main-d’œuvre.
M. Fortin indique avoir reçu un accusé de réception de son courriel du bureau de Jean Boulet. On lui a indiqué qu’il serait acheminé au ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barette.
La méthode revue
Lundi, en fin de journée, le ministre Jolin-Barrette s’est engagé à revoir les règles du jeu, mais mardi, ni le ministre ni le premier ministre ne pouvaient dire pourquoi la façon actuelle de procéder n’avait pas été modifiée plus tôt. Simon Jolin-Barrette a toutefois indiqué que le controversé système de coursiers serait aboli. Les aspirants parrains n’auront donc plus à débourser des centaines de dollars à un messager simplement pour déposer leur demande à leur place, comme c’est le cas présentement.
Le ministre n’a par ailleurs pas exclu l’idée de ne plus obliger les gens à se présenter en personne. Une hypothèse envisagée: les futurs parrains pourraient déposer leur demande par voie électronique.
L’idée d’une loterie sera une autre avenue explorée.
Le ministre Jolin-Barrette et le premier ministre ont rejeté le blâme sur le précédent gouvernement libéral pour expliquer la tournure des événements. «On est en train de changer la plupart des programmes des libéraux qui ne fonctionnaient pas», a commenté M. Legault.
Au total, cette année, 750 dossiers de réfugiés seront acceptés, dont seulement 100 provenant de particuliers, qui peuvent former un groupe comptant au maximum cinq personnes. Les autres réfugiés seront parrainés par des organismes.
Le petit nombre de dossiers acceptés par le Québec, qui privilégie l’approche «premier arrivé, premier servi», a contribué au désordre observé au cours des derniers jours et à la frustration des demandeurs, qui devaient jouer du coude pour augmenter leur chance de favoriser leur dossier.
Mais il n’est pas question pour autant d’augmenter le nombre de réfugiés accueillis au Québec, a tranché le premier ministre.

«On ne pourra jamais accepter tous les réfugiés de la Terre au Québec», a commenté M. Legault.
- Avec La Presse canadienne