Commission municipale à Trois-Rivières: «Oui, c’était mérité»

Après bien des plaintes touchant le conseil de ville de Trois-Rivières, voilà que la Commission municipale du Québec sévit.

La décision de la Direction des enquêtes de la Commission municipale du Québec (CMQ) de sévir contre trois conseillers de Trois-Rivières a eu l’effet d’une bombe à l’hôtel de ville. Pour certains élus, après des mois de conflits et bien des plaintes, il était temps que la Commission mette son poing sur la table.


«Ça fait des mois que la Commission entend parler de Trois-Rivières. Il était temps qu’on accouche de quelque chose», mentionne Pierre Montreuil, conseiller du district du Carmel.

Pierre Montreuil, conseiller du district du Carmel.

«On était plusieurs à demander qu’il y ait enquête. On a eu l’enquête. Je suis content qu’on voie tranquillement apparaître les résultats de ces enquêtes-là, mais je ne pourrai pas commenter les décisions en tant que telles», a déclaré Jean Lamarche, maire de Trois-Rivières.



Même son de cloche du côté de René Martin, conseiller du district des Carrefours. «Il était temps. Je suis surpris que ça ne soit pas arrivé avant.»

Comme Le Nouvelliste l’indiquait dimanche, la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) de la Commission municipale du Québec estime que trois conseillers de la Ville de Trois-Rivières, Alain Lafontaine, Luc Tremblay et Richard W. Dober, ont contrevenu à leur code d’éthique pour des propos tenus au cours des derniers mois. Si M. Lafontaine va acquitter une amende, MM. Tremblay et Dober pourraient être suspendus pendant 15 jours s’ils ne contestent pas les conclusions de la DEPIM.

Est-ce qu’ils méritaient que la Commission s’intéresse à eux? «Assurément», répond M. Montreuil. «Ce sont des gens qui, je l’espère, vont reconnaître leurs torts et s’amender. […] Moi, j’ai été témoin de gestes déplorables, de paroles inappropriées. Il faut s’intéresser aux dossiers, pas attaquer les personnes. C’est aussi simple que ça. Alors oui, c’était mérité. La hauteur des sanctions, je laisse aux gens le soin de juger, à la population de juger. Mais les chicanes de cours d’école, ça suffit», poursuit le conseiller du district du Carmel.

Défendre des dossiers, oui, mais dans le respect, plaident des élus. «L’important, et notre code d’éthique le dit bien, c’est de respecter les idées, mais aussi de respecter l’humain qui est en arrière de ces idées. Pour moi, c’est important», souligne Maryse Bellemare, conseillère du district de Chavigny.



Maryse Bellemare, conseillère du district de Chavigny.

De son côté, M. Martin salue le mea culpa d’Alain Lafontaine qui a admis avoir tenu des paroles inappropriées et qui s’est excusé. Il a accepté de payer une amende. «Il a réglé ça, c’est fait. À partir de demain, on avance. Je ne connais pas la situation des deux autres, mais plus vite on arrête d’en parler, plus vite on va avancer. Pour que ça marche, il faut que tout le monde réalise qu’il y a un problème, et ce n’est peut-être pas tout le monde qui le fait. Je suis tanné que chaque fois qu’on entend parler du conseil de ville, il soit question de chicane. Je suis tanné qu’on nous mette tous dans le même bateau. »

René Martin, conseiller du district des Carrefours.

Pierre-Luc Fortin, qui est l’élu qui a été insulté par M. Lafontaine, précise qu’il a fallu qu’il demande des explications au conseiller du district des Forges pour que celui-ci s’excuse. «Je me sentais comme un prof qui fait une intervention auprès d’un élève», raconte M. Fortin, dont le métier est enseignant.

Pierre-Luc Fortin

Est-ce que cette intervention de la CMQ va calmer le jeu au sein du conseil municipal de Trois-Rivières? M. Montreuil le souhaite. «Je l’espère. Oui, j’ai des doutes, mais je l’espère.» «Je souhaite surtout que les gens concernés mais aussi tout le conseil prennent acte de tout ça, et qu’enfin, on puisse davantage respecter le code d’éthique qui est là depuis toujours. Soyons réalistes, si on ne revient pas à la base et qu’on ne met pas plus de respect dans nos échanges, le climat va être le même jusqu’au mois de novembre 2025», craint-il.

M. Fortin a aussi des doutes. «Les gens vont sûrement faire attention aux mots qu’ils utilisent, mais les relations ne seront pas plus cordiales, malheureusement.»

«L’avertissement est fait. Je pense qu’on peut s’améliorer pour les deux prochaines années», estime pour sa part M. Martin.

M. Fortin aurait préféré un accompagnement de la part de la Commission plutôt que des sanctions. «Ils vont faire quelque chose, mais est-ce que le problème va être réglé? Non. De façon superficielle, en surface, il y a des choses qui vont changer, mais en profondeur non. La Commission aurait dû aller davantage vers ce qu’on demande depuis le début, c’est-à-dire qu’on revoie notre gouvernance.»



Même si certains craignent que cette image de zizanie perpétuelle contamine la réputation de Trois-Rivières, M. Lamarche mentionne que les autres villes ne sont pas épargnées par les conflits. «Depuis deux semaines, que ce soit pour le pacte fiscal ou l’itinérance, j’ai côtoyé les maires des grandes villes. […] Je vous dirais que ce qu’on vit à Trois-Rivières est à l’image de ce qui se vit dans plusieurs grandes villes du Québec.» Selon lui, les maires sont solidaires par rapport à ce que leurs confrères vivent. «On est tous conscients aussi qu’il y a un contexte qui rend la vie politique municipale pas facile.»

Luc Tremblay, conseiller du district de Châteaudun.

Luc Tremblay pourrait contester

Luc Tremblay attend de discuter avec son avocat pour confirmer si oui ou non, il va contester la décision de la DEPIM. À l’écouter parler, il semble prêt à en découdre.

Rappelons que la DEPIM lui reproche des propos qu’il a tenus sur les ondes de Radio-Canada Mauricie dans le dossier de la mise en demeure envoyée à la citoyenne Joan Hamel pour des commentaires qu’elle a formulés sur Facebook au sujet d’un fonctionnaire. «C’est qui l’innocent qui a décidé d’envoyer une mise en demeure comme ça à une citoyenne?», avait alors déclaré M. Tremblay.

«Le mot n’était peut-être pas adéquat, convient le conseiller de Châteaudun, mais je n’ai visé personne en particulier. Moi, j’ai défendu une citoyenne. Mon but d’être conseiller municipal, c’est de travailler pour le citoyen.»

Ce dernier estime qu’il y a un problème d’imputabilité à la Ville de Trois-Rivières, c’est pourquoi il a formulé cette question en ondes, explique-t-il. Il donne comme exemple une piste cyclable qui a été mal construite sur le boulevard des Forges. «C’est le bout qui m’agace. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des dossiers comme ça, mais il n’y a personne d’imputable à la Ville de Trois-Rivières.»

Malgré ces derniers développements, il n’a pas l’intention de cesser de s’exprimer sur les dossiers qui lui tiennent à coeur. «Il n’y a personne qui va me bâillonner à Trois-Rivières c’est certain. Je vais continuer à défendre les citoyens, je vais continuer à défendre mes idées. Je vais sûrement faire un peu plus attention à mes mots, mais quand on est émotif par rapport à un sujet, ça se peut qu’on n’utilise pas toujours le bon mot. Mais ça, c’est rien qu’humain. Est-ce que je mérite une sanction parce que je n’ai pas choisi le meilleur des mots?»

Richard W. Dober n’a pas retourné nos appels.