Il faut faire un village autour des enfants adoptés conclut une recherche

La professeure Patricia Germain de l’UQTR a commencé ce projet de recherche il y a cinq ans.

En 2019, Patricia Germain, professeure au département des sciences infirmières de l’UQTR, se voyait confier un mandat du Secrétariat aux services internationaux à l’enfant (autrefois le Secrétariat à l’adoption internationale) afin de vérifier comment s’est déroulée l’expérience des familles qui ont adopté des enfants provenant d’autres pays entre 1990 et 2016 et comment ces enfants s’en sont tirés en matière de santé, de soins et de services sociaux.


Jeudi, la chercheuse et ses collègues du Centre d’études interdisciplinaire sur le développement de l’enfant et la famille de l’UQTR ont présenté publiquement leurs conclusions, notamment que les pays qui mettent des enfants en adoption devraient leur créer un carnet de santé. Ce document devrait être confié aux parents adoptifs qui le rendraient ensuite à leur enfant adopté à l’âge adulte.

«Ce serait mon rêve», confie la chercheuse. «Des fois, les gens ne réalisent pas combien ces informations sont précieuses, tant pour la personne que pour la famille», fait-elle valoir.

Elle se souvient notamment d’un projet qu’elle avait fait au Vietnam. Une nounou avait raconté, au sujet d’une petite fille: «Elle pleure beaucoup quand on la dépose, mais telle et telle musique la calme énormément.» Si les parents adoptifs avaient eu cette bribe d’information, «ça les aurait tellement aidés», illustre-t-elle en insistant sur l’importance de tout documenter.

La recherche de la professeure Germain démontre que les enfants adoptés à l’international «peuvent présenter plus de défis» que les autres, fait-elle valoir.

Vers 1996, «on avait des enfants qui arrivaient à l’âge d’un an et qui allaient très bien. Toutefois, quand la Convention de La Haye est arrivée, on a voulu faire en sorte que l’adoption internationale soit le dernier recours», rappelle-t-elle.

Des défis plus grands

«Les pays ont donc commencé à donner plus de temps pour essayer de trouver des familles proches à ces enfants en orphelinat et tout cela a entraîné beaucoup d’attente pour eux. Comme c’est la dernière mesure, les enfants qui sont proposés (à l’adoption internationale) sont ceux qui vont avoir des besoins particuliers et qui ont attendu plus longtemps que les autres. Donc ils sont plus âgés. Par rapport au début des années 1990, où l’on était un petit peu en bas d’un an d’âge, maintenant, on retrouve à l’adoption des enfants qui ont une moyenne d’âge de 4 ans ou 5 ans», dit-elle.

Il y a donc des enjeux de santé physique, de santé mentale «du fait de ne pas avoir eu une famille, un soignant ou quelqu’un qui est là pour vous rend difficile de comprendre ce qu’est une famille, tout l’aspect comportement, relationnel», résume-t-elle en précisant qu’en orphelinat, certains enfants deviennent également plus susceptibles aux maladies chroniques.

Si certains parents adoptifs arrivent à dénicher les ressources pour les aider ici, ce n’est pas le cas pour tous, constate-t-elle. Pour eux aussi, il y a des listes d’attente.

Déjà en action

Avant même de révéler ses conclusions publiquement, jeudi, Patricia Germain indique que ces dernières sont déjà bien reçues par les instances gouvernementales et que de travaux sont en cours pour faire en sorte que ces familles obtiennent le soutien nécessaire.

En bref, l’analyse des cinq dernières années réalisée par la professeure Germain et son équipe met en lumière la nécessité de l’accompagnement pour les familles et leurs enfants adoptés de même qu’être bien informé, tant du côté de la famille que du côté des intervenants médicaux et sociaux qui encadreront l’enfant adopté tout au long de son enfance et même plus tard dans sa vie.

«Ce jeune enfant qu’on adopte va un jour devenir un ado qui va avoir des questionnements qui pourraient être un peu plus prononcés, notamment au niveau identitaire», rappelle la chercheuse.

Ces questionnements pourraient se poursuivre à l’âge adulte.

Il est donc important, souligne-t-elle, «de créer des liens dans la communauté, des liens entre les différents services, que ce soit l’éducation, les CPE, la santé, les services sociaux et faire un village autour de ces familles-là.»