Au ministère de l’Environnement, on souligne que «la situation de Shawinigan ne fait pas exception au Québec». Nombre de villes, dont les égouts ont été construits au milieu du siècle dernier et selon les normes de l’époque, drainent à la fois les eaux usées et les eaux pluviales dans un même réseau, explique-t-on.
Aussi par fortes pluies, le trop-plein que ne peut gérer le réseau «unitaire» est dirigé vers des «ouvrages de surverse» qui rejettent l’eau dans l’environnement, plutôt que de l’acheminer à la station d’épuration. «Bien que les déversements d’eaux usées ne soient jamais souhaitables, ceux-ci sont parfois inévitables et nécessaires», observe le ministère.
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Le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (ROMAEU) encadre cependant les surverses dans l’environnement. Celui-ci «interdit les débordements en temps sec et prévoit la transmission d’avis au ministre lors de certains événements de débordement (temps sec, urgence et travaux planifiés)», détaille encore le ministère.
Tant à Shawinigan qu’à Trois-Rivières, 90% des surverses observées au cours des dernières années l’ont été par temps pluvieux ou durant la fonte des neiges. Les autres surviennent lors d’urgence, de travaux planifiés, et dans une moindre mesure (1% des cas), par temps sec, toujours selon les données transmises au Nouvelliste par le ministère de l’Environnement.
Rien de réjouissant
À l’hôtel de ville de Shawinigan, le maire Michel Angers se dit tout à fait conscient de la problématique. «Y’a pas personne qui est content de cette situation-là!»
La Ville doit composer avec des infrastructures datant d’une autre époque, note à son tour le premier magistrat. Des millions $ ont déjà été engagés dans des travaux correcteurs, mais l’ampleur du chantier se heurte à la capacité financière des contribuables. «On commence au plus urgent», pointe Michel Angers.
«Le gouvernement nous dit que d’ici 2030, on doit avoir éliminé toutes les surverses... Et éliminer des surverses, ça veut dire faire la séparation des réseaux [sanitaire et pluvial] partout.»
— Michel Angers, maire de Shawinigan
Ambitieux, le projet ne se fera pas sans que Québec injecte les sommes nécessaires, plaide M. Angers. Même les programmes subventionnés à hauteur de 75% laissent la Ville avec un résiduel qu’elle ne peut assumer seule, maintient-il.
Aux enjeux financiers s’ajoutent les questions relatives aux entrepreneurs et soumissionnaires, qui risquent de faire face à une demande importante, tandis que l’ensemble des villes du Québec sont confrontées au même impératif, note par ailleurs le maire Angers.
Le bulldozer ou l’éponge?
À la Fondation Rivières, on apporte certaines nuances quant aux exigences du gouvernement et au resserrement de la règlementation annoncé. «Il n’y a pas de normes de déversements à atteindre, en réalité, ce que le ministère souhaite, c’est que les déversements n’augmentent pas», tempère ainsi André Bélanger, directeur général de l’organisme.
On explique que depuis 2014, Québec est engagé dans un vaste chantier, où l’ensemble des ouvrages de surverse municipaux font l’objet d’un examen et d’un rehaussement de leurs normes respectives. Lesdits ouvrages servent à évacuer les quantités d’eau qu’un système d’égout ne peut véhiculer. À terme, bien que l’exercice tarde à aboutir, la qualité de l’eau rejetée dans l’environnement ira en s’améliorant, convient la Fondation Rivières.
On note cependant que la situation particulière de Shawinigan – et de celle de toutes les villes qui composent avec un réseau construit au siècle dernier, – demeure problématique. André Bélanger observe que la Ville «est mal prise... chaque fois qu’il pleut, ça déborde, puis ça s’en va tout dans le même tuyau!».
Le directeur général de la Fondation Rivières avance toutefois que différentes solutions s’offrent à la Ville, et qu’elles ne passent pas toutes par de coûteux travaux d’infrastructures.
«Défoncer les rues pour séparer les réseaux, c’est du temps, de l’argent, puis des désagréments... ça n’a aucun sens de financer ça à l’échelle du Québec.»
— André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières
Stationnements dont la pente coule vers le gazon, végétalisations des trottoirs, programme municipal d’installation de gouttières, André Bélanger énumère une série de mesures simples et peu coûteuses qui envisagent le développement urbain sur un modèle de «ville éponge». Mises bout à bout, pareilles initiatives permettraient de dévier d’importantes quantités d’eau de pluie du réseau et de réduire de 10% les déversements d’eaux usées, soutient le gestionnaire.
«La question à se poser est “quelle est la stratégie pour réduire à la source les quantités d’eau qui aboutissent dans le réseau lorsqu’il y a des grandes pluies ?” Ça, on appelle ça de l’adaptation aux changements climatiques... Et il y a de l’argent du fédéral pour ça.»
— André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières
M. Bélanger déplore que certains politiciens s’entourent d’ingénieurs qui n’envisagent les solutions que dans une perspective d’ingénierie.
«Si la question c’est « comment on fait pour séparer les réseaux? », ben la réponse c’est « on ouvre les rues et on sépare les réseaux »... Si la question c’est « comment on fait pour réduire la pression des eaux de pluie sur nos systèmes », eh bien, il y a beaucoup d’autres réponses en plus de celle-là.»