Feux de forêt: le combat se poursuit sur le terrain pour sauver Clova

Un avion de la SOPFEU.

Si la situation en Haute-Mauricie n’est pas aussi critique que dans d’autres régions du Québec, elle n’en demeure pas moins préoccupante alors que les feux de forêt continuent leur progression. Le premier ministre François Legault a même laissé entendre qu’on pourrait devoir «être obligé de laisser brûler Clova», un village situé en Haute-Mauricie, mais sur le terrain le combat se poursuit et on garde espoir.


Les propos du premier ministre n’ont toutefois pas déstabilisé le maire de La Tuque qui garde espoir et affirme que le travail est toujours en cours.

«À l’heure actuelle, les interventions se font toujours dans le secteur. On a parlé avec quelqu’un à Clova, et la SOPFEU est toujours là. Ils ne pensent pas, si les vents restent ainsi, que Clova va y passer, mis à part peut-être certains chalets dans le secteur», indique Luc Martel.



«On est directement sur le terrain, je ne sais pas où il [le premier ministre] prend les informations, mais nous ce sont les informations qu’on a. Ce sont les informations des dernières minutes», a-t-il ajouté en milieu d’après-midi lundi.

La SOPFEU a également nuancé les propos du premier ministre. On a précisé que «l’intensité du feu a dépassé la capacité de combat des avions-citernes», mais qu’on tentait toujours de protéger le village «par du travail au sol et de l’arrosage héliporté».

«Cependant, la situation est critique et la SOPFEU pourrait éventuellement être obligée de retirer ses équipes pour leur sécurité», indique la SOPFEU via Facebook.

La Ville de La Tuque souligne par ailleurs que les yeux sont actuellement rivés sur le secteur du lac des Neiges où une trentaine de chalets sont menacés.



Rappelons que plus d’une trentaine de résidents de Clova sont actuellement pris en charge à Parent après avoir été évacués il y a quelques jours.

Le village de Clova est situé en Haute-Mauricie.

Chez Air Tamarac, une pourvoirie située à Clova, cela s’ajoute aux inquiétudes qui persistent déjà depuis une semaine, mais on affirme qu’on n’abandonne pas le combat et que le feu n’avait toujours pas atteint le village et qu’il n’y a pas de maisons brûlées.

«Ils tentent de sauver la ligne [hydro-électrique]. C’est près, mais en ce moment ça ne brûle pas», souligne-t-on au téléphone.

Dominic Vincent, un citoyen qui a pris la décision de demeurer à Clova afin de combattre le feu, a affirmé à La Presse avoir confectionné des camions-citernes artisanaux. Il s’agirait de pick-up rehaussés de réservoirs contenant de 3000 à 5000 litres d’eau.

«On arrose le bord des chemins pour ne pas que le feu traverse», a-t-il expliqué.

Posted by Marc Sigouin on Sunday, June 4, 2023

Au camp de base de Casey, toujours dans le secteur forestier de la Haute-Mauricie, on indique sur les réseaux sociaux que l’aérodrome CSQ4 est fermé pour toutes activités récréotouristiques jusqu’à nouvel ordre et que les «ressources et équipements sont réservés et mis à la disposition des services d’urgences au sol au besoin».



Actuellement, une quinzaine de feux sont toujours actifs en Haute-Mauricie selon la carte interactive de la SOPFEU.

On compte plus d'une quinzaine d'incendies de forêt à La Tuque.

Dans l’ensemble du Québec, on compte aux alentours de 160 feux de forêt actifs. Au total depuis le début de l’année, on dénombre 417 incendies qui ont affecté 160 745 hectares de forêt alors que la moyenne des dix dernières années est de 199 incendies pour 247,3 hectares.

Rappelons que plusieurs restrictions sont toujours en vigueur à l’heure actuelle, dont l’interdiction de faire des feux à ciel ouvert partout dans la province, la suspension des travaux en forêt et l’interdiction de se rendre en forêt sur les terres du domaine de l’État dans plusieurs régions, incluant La Tuque.

Arrêt des travaux forestiers

Depuis lundi matin, c’est l’ensemble des travaux en forêt qui sont mis en pause. À la Coopérative forestière du Haut Saint-Maurice, ce sont plus de 170 travailleurs qui en subissent les conséquences.

«Tout est à l’arrêt», note Marc-André Despins, directeur général de la Coopérative.

Ce précieux temps en forêt ne reviendra pas; il est impossible de prolonger la saison. Chaque heure, chaque jour qui passe se solde avec des pertes financières pour les entrepreneurs forestiers.

«La saison venait de recommencer […] Ce sont des temps très difficiles pour nos travailleurs. Je pense à ceux qui ont des travaux saisonniers du mois de mai au mois d’octobre. Quand tu perds une semaine, deux semaines, sur une durée aussi courte, c’est certain que les impacts sont grands», note-t-il.

«Sans être négatif, on ne pense pas avoir un retour en forêt cette semaine», ajoute M. Despins.



Marc-André Despins est directeur général de la Coopérative forestière du Haut Saint-Maurice.

Un arrêt complet des activités à ce temps-ci de l’année, c’est pratiquement du jamais vu pour le Coopérative. C’est déjà arrivé dans les 40 dernières années, mais en juillet et en août principalement. Par ailleurs, il n’est pas rare d’avoir des feux à cette période de l’année selon le directeur général de la Coopérative.

«On est en forêt boréale. Les feuilles des feuillus ne sont pas totalement sorties encore et l’indice d’inflammabilité du résineux est très fort à ce temps-ci de l’année», explique M. Despins.

Quant au bois qui est brûlé, il n’est pas complètement perdu selon les experts de la Coopérative. Dans certains cas, on peut même encore en faire des planches. Toutefois, c’est un enjeu de temps qui complique la récolte.

«On a environ un an de délai pour récolter avant que les insectes commencent à attaquer le bois», précise Marc-André Despins.

«Ça dépend à quelle force il a été brûlé, il y a des compagnies qui peuvent le passer dans certaines recettes pour en faire des copeaux. […] Lors des feux de 2010, la Coopérative avait récolté du bois qui avait été brûlé et il avait été vendu pour être broyé. Il y a des choses qui peuvent être faites avec ce bois-là», explique-t-il.

Alerte de smog

Environnement Canada a émis un avertissement de smog pour l’ensemble de la région vers 10h20 lundi matin. On indique que les conditions atmosphériques sont susceptibles d’entraîner une détérioration de la qualité de l’air.

«Des concentrations élevées de particules fines en raison des feux de forêt au Québec entraîneront une mauvaise qualité de l’air sur plusieurs secteurs aujourd’hui», peut-on lire.

Ces concentrations élevées de polluants devraient persister jusqu’à mardi.

État d’urgence préventif à Wemotaci

À Wemotaci, on a décrété l’état d’urgence préventif et on surveille toujours la situation de près le feu qui se situe à 25 km à vol d’oiseau du village, dans la région du lac Grand castor.

«L’état d’urgence nous permet d’être mieux préparés au niveau des ressources humaines et des ressources matérielles. Ça nous permet d’entreprendre déjà des démarches pour que si jamais ça arrive, on soit prêt à faire une évacuation partielle ou complète du village. Ça ne menace pas la communauté à l’heure actuelle, mais quand même. On surveille la situation et le feu de forêt le plus proche. Le comité des mesures d’urgence est mobilisé depuis jeudi», indique Yvon Dubé, porte-parole du Comité des mesures d’urgence. Plusieurs pompiers volontaires sont en action sur le terrain et aux abords du village.



Les membres vivant en milieu urbain ne peuvent plus visiter la communauté «pour éviter d’alourdir la prise en charge des gens» s’il devait y avoir une évacuation.

Il faut dire que même après 13 ans, on a encore en mémoire le feu de 2010 qui s’est arrêté derrière les maisons de la communauté.

«C’est certain que les gens en parlent. Une chose qui nous rassure, c’est qu’après avoir vécu cette expérience malheureuse, ça nous a permis d’approfondir nos connaissances en matière d’urgence en lien avec les feux de forêt. Maintenant, on est mieux préparé et on tient les gens au courant», assure M. Dubé.

La Tuque sur un pied d’alerte

À La Tuque, on est aux aguets. La collecte de sang qui devait avoir lieu à la caserne incendie a été déplacée au Colisée Denis-Morel afin de laisser les espaces libres au besoin.

«C’est une question de logistique. Si jamais on avait besoin de déployer les mesures d’urgence et qu’on avait besoin d’un plan de coordination, évidemment la caserne est un centre de coordination des mesures d’urgence. On est dans une période critique et on ne voulait pas prendre de chance. La situation change terriblement vite», explique André Vézina, directeur du service incendie de la Ville de La Tuque.

«Notre plan de mesure de sécurité civile a été établi […] Depuis vendredi, toutes les actions sont posées dans le territoire pour mettre d’emblée ce qu’il faut pour la gestion de la crise des feux de forêt dans notre territoire», ajoute M. Vézina.

Des effectifs ont aussi été envoyés par mesure préventive dans le secteur de Parent.