Groupes difficiles dans les écoles: les enseignants réclament des solutions

Une manifestation s'est tenue devant les bureaux du Centre de service scolaire du Chemin-du-Roy.

Des enseignants et des enseignantes ont mené une action de visibilité à Trois-Rivières et à Nicolet, mardi, afin de dénoncer la composition de plus en plus difficile de groupes alors que près d’un élève sur deux n’a pas un cheminement normal pour son âge et son niveau scolaire, selon une vaste enquête menée par la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).


C’est qu’avec des groupes de plus en plus hétéroclites, les enseignants doivent composer en moyenne avec six plans d’intervention, six élèves en difficulté et quatre élèves ayant des mesures d’adaptation, ce qui a un impact important et régulier sur le fonctionnement de leur classe.

Le Syndicat de l’enseignement des Vieilles-Forges a parti le bal mardi matin en demandant de «mettre fin à la loterie des classes difficiles» en posant des rubans de différentes couleurs représentant les divers profils des élèves qui composent les classes préscolaires, du primaire et du secondaire au Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy.

«La ségrégation scolaire s’est accentuée à tel point que la classe ordinaire fera bientôt partie de notre imaginaire collectif au même titre que la chasse-galerie! Tant le privé que les projets pédagogiques particuliers, tels qu’ils sont organisés, écrèment ces classes de leurs élèves les plus performants», a déclaré Stéphan Béland, président du Syndicat de l’enseignement des Vieilles-Forges (FSE-CSQ), par voie de communiqué.

«Concrètement, on exige dorénavant du personnel enseignant de multiplier les mesures d’adaptation comme s’il avait la charge d’une classe d’adaptation scolaire. On souhaite tous pouvoir contribuer pleinement à la réussite de nos élèves, mais il faut nous offrir des conditions d’enseignement qui y sont favorables», a-t-il ajouté.

Après l’école, quelques membres du Syndicat des enseignantes et enseignants de La Riveraine se sont réunis sur le terrain de soccer à l’avant de l’école secondaire Jean-Nicolet. Ils en ont profité pour illustrer la réalité avec laquelle les enseignants doivent composer en disposant des personnes portant des ponchos aux couleurs des différents profils d’élèves.

Le Syndicat des enseignantes et des enseignants de La Riveraine a mené une action de visibilité sur le terrain de l'école secondaire Jean-Nicolet.

«On n’est pas contre l’intégration des élèves, c’est juste qu’il faut que ce soit bien fait, parce que dans la Loi sur l’instruction publique, ça dit que quand on intègre un élève dans une classe normale, il faut se demander si c’est bon pour lui et savoir si ça nuit au bon apprentissage des autres élèves», fait valoir le président du Syndicat des enseignantes et enseignants de La Riveraine, Jean-François Duval.

«C’est un gros problème, parce qu’il y a des élèves qui ont de graves problèmes de comportement. Si tu en as deux ou trois avec d’autres qui ont des TDAH, qui ont d’autres difficultés, des allophones, le professeur doit s’adapter à toute cette clientèle-là. Les classes ordinaires ressemblent de plus en plus à des classes d’adaptation scolaire.»

C’est que pour des questions budgétaires, il y a moins de classes de cheminement particulier. Les élèves en difficulté ne sont pratiquement plus transférés dans les plus grandes écoles pour y recevoir des services de professionnels, indique-t-il. «De plus en plus on veut les garder dans leur milieu et souvent, les petites écoles n’ont pas les services, pointe Jean-François Duval. Si l’on remonte à il y a dix ou 15 ans, il y avait beaucoup plus de transferts dans les points de service.»

«Il faut dire qu’il n’y a pratiquement plus de dédoublement non plus. Ce sont les parents qui décident si l’enfant monte ou ne monte pas. Ça fait qu’il y en a qui se retrouvent en quatrième année avec un enfant qui a des acquis de première ou de deuxième année. C’est une autre chose qui devient difficile», ajoute Jean-François Duval.

Sur place, Annie Frohlich, qui est enseignante depuis 29 ans, indiquait que la composition des classes a des impacts pour tout le monde. «Il y a beaucoup d’élèves qui devraient être en adaptation scolaire, mais qui ne le sont pas. Il faut travailler avec ces jeunes-là, sauf que mes élèves qui vont bien ont besoin de l’enseignante aussi», rappelle-t-elle.

«Des fois, les élèves vont vivre des échecs parce qu’ils devraient être en adaptation scolaire. C’est ça qui est inacceptable. […] On est limité dans les places. C’est un peu comme les lits dans les hôpitaux, illustre-t-elle. Si je dis que cet élève-là a deux ans de retard et qu’il devrait être en adaptation scolaire ou en cheminement particulier, mais qu’il n’y a plus de place...»

«Ça veut dire que ça prend des profs d’adaptation scolaire, mais il y a une pénurie. Ça prend des techniciennes en éducation spécialisée (TES), mais il y a une pénurie aussi. Là, on veut mettre plus d’élèves par classe parce qu’il y a une pénurie, mais combien d’élèves on va échapper?», soulève Annie Frolich.

«C’est qui qui paye? C’est l’élève qui paye. Les enseignants aussi, parce que quand on dit que les profs partent en burn-out, qu’ils sont en maladie, mais c’est ça... C’est ça qui mine le travail des enseignants, leur moral et leur mental, plaide-t-elle. La surcharge qui nous fait nous demander si on est à la hauteur.»