Une demi-douzaine de citoyens, des opposants à l’épandage de Bti, s’étaient déplacés pour entendre les élus prendre leur décision. Déçus, ceux-ci ont néanmoins réservé une main d’applaudissement au dissident, le conseiller Hould, du district des Montagnes. Pour le reste, la période de questions a donné lieu à des échanges et des éclats de voix qui laissent peu de doute sur le mécontentement d’une frange de la population, bien que les élus disent agir au nom d’une majorité de Shawiniganais.
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Tandis que Christian Hould évoque le principe de précaution et les études les plus récentes sur le sujet, le maire Michel Angers s’en remet au ministère de l’Environnement pour justifier sa décision. L’autorisation ministérielle d’aller de l’avant pour l’épandage du larvicide aurait été reçue au cours des derniers jours, semble-t-il.
«On n’est pas des experts de tout, on est des hommes et des femmes qui proviennent de plusieurs milieux», fait valoir le maire Angers lorsque talonné sur les tenants et aboutissants de la décision du conseil municipal. Si les mises en garde au sujet de l’utilisation du Bti à grande échelle se font de plus en plus audibles, les élus shawiniganais se rabattent sur les avis des experts qui gravitent autour de l’hôtel de ville, comprend-on.
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Devant l’instance de l’opposition citoyenne, évoquant la santé du milieu et la protection de la biodiversité, Michel Angers finit par trancher.
«Si vous avez des récriminations, allez voir le ministère de l’Environnement, allez voir le ministre de l’Environnement, faites vos représentations là. Nous, [on] vous l’a mentionné bien clairement, il nous ont donné l’autorisation de pouvoir le faire.»
— Michel Angers, maire de Shawinigan
Les deux conseillères municipales siégeant à la Commission sur l’aménagement du territoire, Josette Allard-Gignac et Nancy Déziel, ont également été appelées à s’expliquer.
Mme Déziel a convenu que la question du Bti n’avait pas été abordée en réunion, mais que le comité se penchera éventuellement sur le sujet.
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Pour Christian Hould, sa prise de position se veut un écho à une volonté entendue dans son secteur, de même que le reflet des plus récentes données publiées par Québec, explique-t-il.
Orientation du ministère et lobbying
La décision de Shawinigan survient au moment où le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs vient d’avaliser, coup sur coup, une revue de littérature et un document d’orientation visant à encadrer les demandes d’autorisation délivrées aux municipalités.
Les deux documents avaient déjà fait l’objet de versions préliminaires, notamment évoqués dans nos pages. Si la version finale de la revue de littérature réitère que «l’utilisation de Bti à grande échelle dans des milieux humides afin de réduire les nuisances causées par les insectes piqueurs pourrait affecter des espèces non ciblées, le fonctionnement des réseaux trophiques ainsi que l’intégrité de l’écosystème», il apparait que la version finale du document d’orientation du ministère a été modifiée de manière plus significative.
Ainsi, le principe de précaution prôné par la version préliminaire du document se voit désormais appliqué de manière plus restreinte. Seuls les territoires plus sensibles, où la présence d’espèces au statut précaire est avérée, sont au final visés par ledit principe.
Des documents de correspondances entre la firme GDG et le ministère de l’Environnement, obtenus par Le Nouvelliste, donnent par ailleurs à constater que le principal joueur du secteur a suivi de près les fonctionnaires dans la rédaction de l’orientation. Ces derniers finissent même par exprimer un certain malaise quant à la proximité de l’industrie et du processus décisionnel.
«La présentation d’études sur les effets indirects du Bti ne doit pas se limiter à quelques petites études négatives. La littérature positive est pourtant beaucoup plus abondante. Le document doit être impartial», plaide GDG dans une correspondance de novembre 2020.
«Je suis désolé d’insister mais il faut se rappeler que dans le contexte actuel, nous sommes tous à tenter de récupérer une situation et de minimiser les torts causés par le document de 2019. Ce prochain document d’orientation aura une portée publique, politique et économique énorme», note encore l’entreprise à l’adresse du ministère.
Tandis que GDG Environnement s’inquiète de la promotion de méthodes alternatives de contrôle des insectes et de la mention du principe de précaution dans le document d’orientation, les fonctionnaires verbalisent entre eux leur malaise devant l’insistance de la compagnie. «Personnellement, je trouve un peu malsain de transférer l’orientation au complet. Ça fait un peu trop de proximité. Je ne vois toutefois pas de problèmes particuliers à leur transférer les sections de texte sur les deux éléments en question», écrit ainsi un employé du ministère à ses collègues.
Il faut croire que la version finale du document trouvera grâce aux yeux de GDG Environnement. Dans un communiqué transmis aux médias dans la foulée de la publication des deux écrits il y a quelques jours, la firme disait qu’elle allait pouvoir «travailler l’esprit tranquille avec les solutions biologiques disponibles et reconnues mondialement».
Exceptionnelle dissension
À Shawinigan, il demeure que le vote d’opposition du conseiller Christian Hould constitue une première depuis que Jean-Yves Tremblay s’était prononcé contre un investissement de 3,6 millions $ pour la réfection de l’aréna Émile-Bédard, en mai 2019.
Isolé dans sa décision, le conseiller Tremblay a un peu vu le temps lui donner raison. Devant la flambée des coûts, la Ville finira en effet par abandonner le projet.
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Dans le cas actuel, le conseil municipal pourrait aussi se raviser. L’idée de consulter à nouveau la population sur son désir de poursuivre le programme de contrôle des insectes piqueurs a été évoquée par les élus. Les Shawiniganais pourraient être appelés à se prononcer au cours des prochains mois, en vue de la saison 2024, laisse-t-on entendre.
On se souviendra que la mesure avait d’abord été rayée de l’agenda cette année pour des raisons budgétaires, avant que la Ville se rétracte et réintroduise le programme, à la surprise générale. La volte-face et ses délais ont eu pour effet de soustraire la tarification de la mesure du compte de taxes des citoyens pour l’année en cours, tandis qu’on a puisé dans les surplus non affectés pour éponger la note. La façon de faire ne saurait être récurrente, a-t-on déjà prévenu.
Quant aux impacts d’un (exceptionnel) vote d’opposition sur l’esprit qui prévaut au sein du conseil municipal, le maire Angers se montre magnanime et salue le travail du conseiller Christian Hould. «Le principe de précaution, ça le concerne un peu plus... Il est très respectueux de la position du conseil, puis nous, on est très respectueux de ce qu’il mentionne, observe le premier magistrat. Nos rapports sont très cordiaux... Je l’aime bien, en plus.»