
75 ans après la Deuxième Guerre mondiale: «C’est bien qu’on se souvienne»
Paul-Émile Beaumier n’avait pas plus de 20 ans le jour où il a pris part au raid sur Dieppe, cette importante mission militaire qui marquera un tournant dans la Deuxième Guerre mondiale, les 18 et 19 août 1942. Le jeune Canadien fait partie des 6000 soldats, dont près de 5000 de son pays, qui iront prêter main-forte aux Alliés pour tenter de vaincre l’ennemi allemand, ou à tout le moins de le faire reculer.
Dans cette grande bataille, 916 Canadiens perdront la vie. Paul-Émile Beaumier y a vu mourir son cousin, Roméo Gélinas, tombé au combat à seulement 26 ans. Mais pas le temps d’arrêter pour le pleurer, il fallait continuer d’avancer et surtout ne pas regarder derrière car la moindre inattention pouvait se solder par une balle ennemie qui pourrait transpercer l’uniforme et faucher une autre jeune vie.
Quelques années plus tard, il est retourné à Dieppe, sur les lieux du cimetière aménagé pour rendre hommage aux soldats tombés au combat. C’est là qu’il a pu pleurer son cousin et le saluer une dernière fois. C’est là aussi que plusieurs souvenirs ont rejailli à sa mémoire.

«Je me souviens qu’on pouvait passer des jours dans les tranchées. Le jour, la nuit. On dormait par terre, on mangeait quand on le pouvait. Et il ne fallait surtout pas regarder un peu trop en dehors, parce que si on se montrait, on risquait toujours de recevoir une balle», raconte le vétéran avec un aplomb déconcertant.
Le jour de sa rencontre avec Le Nouvelliste, Paul-Émile Beaumier a eu un flash, qu’il a partagé avec sa nièce, avec qui il habite à Louiseville. Il avait été fait prisonnier. Combien de temps? Difficile pour lui de le dire. À 99 ans, les souvenirs, même aussi importants que celui-là, s’étiolent peu à peu.
«Je me souviens que la prison, c’était la mort ou la vie», dira-t-il simplement, nous laissant imaginer le scénario. Pour lui, c’est la vie qui a finalement triomphé. Il a pu quitter la guerre, quitter l’Europe et rentrer au Canada, là où il est ensuite allé travailler sur des bateaux, avant de partir pour les États-Unis où il a passé une bonne partie de sa vie.

Ce n’est qu’il y a quatre ans que l’homme est revenu au pays et s’est installé à Louiseville chez sa nièce, Francine Gignac, qui tenait à prendre soin de lui. Lorsqu’il a voulu assister aux célébrations du jour du Souvenir, cette année-là, il s’est rendu au monument du soldat inconnu à Trois-Rivières pratiquement incognito, les autorités locales ignorant qu’ils avaient affaire à un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale.
Les responsables de la Légion canadienne, filiale 35, auront finalement pris l’initiative de l’inscrire dans leurs registres. Depuis, il partage de bons moments avec eux et a même pu célébrer son 99e anniversaire cette année, malgré la pandémie, avec une visite spéciale de leurs représentants en respect des mesures sanitaires.
Pour la filiale 35, Paul-Émile Beaumier est le dernier survivant de la Deuxième Guerre mondiale. Un trésor national à chouchouter en ce jour du Souvenir. En Mauricie et au Centre-du-Québec, il ne sont plus qu’une poignée de vétérans ayant connu 39-45, Dieppe ou le débarquement de Normandie. En cette année du 75e anniversaire de la Deuxième Guerre mondiale, chaque filiale s’applique à leur rendre hommage dès qu’ils en ont l’occasion, à souligner leur anniversaire et à continuer d’écouter les paroles de ceux qui y étaient, même s’il n’en reste plus beaucoup.
À 99 ans, Paul-Émile Beaumier arrive à se souvenir de plusieurs détails, mais confie lui-même que la mémoire lui joue parfois des tours. À son veston, il a accroché le coquelicot, comme tous ses camarades. Car si lui n’arrive plus à tout bien raconter, la mémoire se perpétue à travers les paroles de ceux qui l’ont écouté durant sa vie.

«C’est bien qu’on se souvienne», confie celui qui prépare déjà les célébrations de son centième anniversaire, prévues pour octobre 2021.