Au lendemain de l’ordre d’évacuation pour les quelque 7000 résidents de Chibougamau, les forêts du Québec continuent de brûler et la qualité de l’air s’en ressent dans plusieurs régions. De nouvelles évacuations ont eu lieu, dans divers secteurs de l’Abitibi-Témiscamingue.

En point de presse en fin d’avant-midi, le premier ministre du Québec, François Legault, a souligné que la situation s’était améliorée sur la Côte-Nord. Les résidents évacués la semaine dernière à Sept-Îles ont pu retourner chez eux « là où ça va moins bien », c’est pour le Nord-du-Québec et l’Abitibi-Témiscamingue.

La nouvelle est tombée mardi soir pour les résidents de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec. La mairesse Manon Cyr a annoncé que la ville devait être évacuée en raison de la présence de plus en plus rapprochée des flammes. Les citoyens n’ayant pas de proches chez qui se rendre à l’extérieur de Chibougamau devaient se diriger vers l’aréna de Roberval, 250 kilomètres plus loin. Les résidents de la communauté crie d’Oujé-Bougoumou ont aussi dû quitter leur coin de pays. François Legault a tenu à souligner la « solidarité exceptionnelle » des gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean , qui ont été nombreux à offrir de l’hébergement et de l’aide aux évacués du Nord-du-Québec. Il a également remercié les policiers de la Sûreté du Québec qui parcouraient la route 167 avec des bidons d’essence pour s’assurer que tous les évacués puissent se rendre en lieu sûr.

L’incendie qui menace Chibougamau est le plus vaste de tous ceux qui sont présentement recensés par la SOPFEU. Les autorités estiment que ce feu – le 334 – couvre une superficie de plus de 78 000 hectares, ce qui équivaut à 780 kilomètres carrés.

La Ville de Chibougamau a indiqué, mercredi en fin d’avant-midi que « les conditions semblent favorables pour que les équipes de la SOPFEU puissent effectuer une intervention, à la pointe du feu ». « Les travaux se poursuivent au nord-ouest de la ville pour l’aménagement de tranchées coupe-feu, ont ajouté les autorités chibougamoises. Le but étant de protéger le secteur. Il n’y a pas de retour prévu, dans vos maisons, pour le moment. »

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Le premier ministre a aussi rappelé que les ordres d’évacuation doivent être respectés par tous les citoyens concernés. « Je comprends que c’est angoissant de laisser sa maison, mais il faut penser à sa propre sécurité d’abord, a-t-il insisté. Ne mettez pas votre vie en danger. Quand on vous demande d’évacuer, c’est parce qu’il y a un risque réel. »

Jusqu’ici, 11 400 citoyens ont été évacués, auxquels devaient s’ajouter les 4000 membres de la communauté crie de Mistissini. François Legault avait d’ailleurs été clair à cet effe t: « On demande d’évacuer Mistissini, une communauté crie. Il y a un risque », avait-il dit.

Mistissini refuse pour l’instant

La communauté crie de Mistissini, toutefois, refuse d’évacuer pour l’instant. Dans une allocution à la radio locale et diffusée sur les réseaux sociaux, le chef Michael Petawabano a commencé la portion anglaise de sa déclaration en affirmant que « nous sommes en sécurité ici dans la communauté. Nous vous demandons d’attendre nos rapports provenant de la communauté. »

Puis, il a dit avoir pris connaissance des propos du premier ministre, ajoutant aussitôt que « Legault ne dirige pas notre communauté. La communauté est dirigée par le leadership d’ici. Nous prenons les décisions ici. »

Le chef Petawabano a précisé que le Conseil de bande travaille « en étroite collaboration avec la SOPFEU, qui sont ici à tous les jours, qui survolent le feu, qui évaluent la situation et nous utilisons ces rapports ».

Des renforts en route et des pauses pour les pilotes

Le Québec attend des renforts « dans les prochains jours » en provenance de la France et du Nouveau-Brunswick afin de pouvoir intensifier la lutte contre les flammes. En ce qui concerne les demandes d’aide faites auprès des États-Unis, du Mexique, de l’Espagne et du Portugal, « c’est encore en négociation », a indiqué François Legault.

Deux avions-citernes de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, et quatre appareils américains sont venus en renfort mercredi. Ces avions, qui combattaient les incendies de la Nouvelle-Écosse, ont été libérés de la province maritime. En contrepartie, deux appareils prêtés par Terre-Neuve-et-Labrador ont dû être rapatriés par la province qui doit elle aussi affronter des incendies de forêt.

En termes de personnel, quelque 520 employés de la SOPFEU et 150 militaires sont à pied d’œuvre sur le terrain. L’objectif est de porter à 1200 le nombre de sapeurs forestiers sur le terrain au cours des prochains jours.

François Legault a précisé qu’il faudra aussi considérer que les pilotes et les mécaniciens doivent avoir des périodes de repos, ce qui empêchera que toutes les ressources soient dans les airs chaque jour.

La SOFEU comptait mercredi midi 149 incendies en activité. La grande majorité d’entre eux sont « hors-contrôle ».

Pas de pluie avant lundi

Les prévisions météorologiques ne sont pas encourageantes pour les deux régions les plus menacées par les incendies, puisqu’il n’y a pas de pluie prévue avant le début de la semaine prochaine. François Legault invite donc les citoyens évacués à ne pas se faire «trop d’attente» avant lundi soir. « Je veux qu’on soit tous réalistes, qu’on ne mette pas de lunettes roses », a ajouté le premier ministre.

Dans le cas de Lebel-Sur-Quévillon, les autorités sont aussi préoccupées par la présence de l’usine Nordic Kraft, où se trouve une grande quantité de mazout. « C’est très important que les gens ne retournent pas à Lebel-sur-Quévillon », a insisté M. Legault.

Pas d’évacuation à Chapais pour l’instant

À Chapais, les autorités municipales ont diffusé mardi soir une « alerte pré-évacuation », afin que les quelque 1500 citoyens se préparent à quitter la ville en cas de besoin. Mercredi matin, la Ville de Chapais a indiqué qu’elle attendait toujours un état de situation de la SOPFEU. Vers 8h, la Ville de Chapais a annoncé que le réseau téléphonique n’était plus fonctionnel.

« Il n’est donc pas possible de passer des appels à partir d’une ligne dure, ont précisé les autorités. Les appels effectués via la fonction APPELS WiFi de votre cellulaire sont fonctionnels si vous avez accès à un réseau pour le paramétrer. Également, la ligne 9-1-1 est fonctionnelle en cas de besoin, ça signalera directement à l’hôtel de ville. »

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En Abitibi-Témiscamingue

La situation demeure aussi inquiétante en Abitibi-Témiscamingue. Les autorités indiquent que l’évacuation de Normétal est complétée. « Des évacuations préventives sont en cours pour les secteurs de Beaucanton, de Val-Paradis et de Saint-Lambert-de-Desmeloize », ajoute-t-on.

À Senneterre, l’état d’urgence a été décrété «en raison de la qualité de l’air et de la proximité d’un feu», tandis qu’une portion de la route 113 est fermée à la circulation, à l’exception des véhicules d’urgence. La municipalité a annoncé, vers 10h, mercredi, que certains résidents devaient quitter leur domicile « de façon préventive ».

Du côté de Val-d’Or, divers secteurs ont été évacués « en raison de deux feux hors de contrôle qui font rage du côté est du secteur de Louvicourt ».

Qualité de l’air

Un avertissement de smog demeure en vigueur pour plusieurs régions du Québec, même pour des secteurs éloignés des flammes. Les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, l’Outaouais, les Laurentides et Montréal sont notamment touchées par le smog.

Pour consulter la carte intéractive des concentrations de particules de fumée au pays (en anglais seulement).

Compensations aux évacués

Par ailleurs, François Legault a donné l’assurance que les personnes évacuées seront indemnisées pour les dépenses additionnelles encourues. « On devrait dans les prochains jours être capables de sortir un programme. Notre objectif, c’est de couvrir toutes les dépenses extraordinaires que vous avez eues, des dépenses que vous n’auriez pas eues si vous n’aviez pas été évacués. »

Triste record

Aux côtés du premier ministre, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, a expliqué que le Québec a déjà, en tout début de saison, fracassé tous les records depuis la création de la SOPFEU, il y a près de 50 ans. « C’est une situation que nous n’avons jamais vue. Les feux, les hectares brûlés, ce n’est pas terminé, mais on a dépassé le record de la pire année à ce moment-ci », a-t-elle précisé.

Le directeur du Centre provincial de la SOPFEU, Luc Dugas, a d’ailleurs reconnu n’avoir jamais vu pire en 23 ans de carrière. Avec autant d’incendies qui font rage présentement, les pompiers forestiers doivent prioriser, a-t-il répété à quelques reprises. « C’est réellement la protection des vies, des communautés et des infrastructures. » En d’autres termes, on ne se préoccupe pas du bois ou de « la matière ligneuse » dans le jargon forestier. « Quand la pluie va arriver, on va pouvoir commencer à avoir une planification plus grande pour la matière ligneuse », a-t-il dit.

Ressources étirées

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a tenu un point de presse entouré de trois de ses ministres au cours duquel il a assuré que le Canada disposera de suffisamment de pompiers et de matériel pour répondre aux urgences pendant tout l’été. Il a néanmoins admis que les « ressources sont étirées », alors qu’à l’échelle du pays 414 feux brûlent, dont 239 considérés hors de contrôle, et que 20 183 personnes demeurent évacuées.