Heure du conte: tout est bien qui finit bien

La lecture du conte a été faite devant une trentaine d'enfants.

Un important dispositif policier était déployé vendredi soir dans le secteur de la bibliothèque Hélène Pedneault de Jonquière, où se déroulait la lecture de conte en pyjama de la drag-queen Karine O’Kay. Ce qui n’a pas empêché à de nombreux parents de venir avec leurs enfants.


Au micro de KYK, le militant anti-vaccin et contre les drag-queens François Amalega avait affirmé qu’il serait présent ce vendredi soir avec une centaine d’autres personnes pour manifester contre la lecture de ce conte.

Le Service de police de Saguenay était donc présent pour éviter tout débordement. « Le SPS a fait ses devoirs et sera prêt à réagir s’il se passe quoi que ce soit, la sécurité sera au rendez-vous », a pour sa part assuré le porte-parole, Carl Tremblay.



Plus d’une heure avant le début de l’événement, une quarantaine de policiers entourait la bibliothèque en prévision de manifestations. Quelques minutes avant l’arrivée de Karine O’kay, les policiers ont tous enfilé un casque et ils se sont munis d’une matraque.

D’un côté figuraient les manifestants contre l’événement, et de l’autre, des contre-manifestants, qui soutiennent la diversité et les drag-queens. Ces derniers étaient représentés par une trentaine de personnes une heure avant l’événement. Deux lignes de policiers ont été formées et séparaient les deux camps. Le SPS avait reçu des informations comme quoi des membres de La Meute, des Farfadas et du Parti Libertarien seraient éventuellement présents.

Plusieurs rues ont été bloquées par les policiers. Il n’était pas possible de circuler dans le secteur de la rue de la Fabrique et la rue Saint-Dominique. C’était également bloqué au niveau des rues Saint-Thomas et du Vieux-Pont.

L’événement s’est terminé vers 20h et avec lui, les manifestations aussi. La soirée a été plutôt calme selon Carl Tremblay, même si un constat d’infraction a été remis à un des manifestants parce qu’il a bousculé volontairement un policier.



Karine O’kay sereine malgré tout

Si la situation tourmentait légèrement Marc Boily quelques semaines auparavant, il était dans un tout autre état d’esprit quelques heures avant l’événement, et s’apprêtait à rentrer dans son personnage.

« Moi je me prépare, et tout ce qui va se passer à l’extérieur, je vais probablement être le seul à ne pas en être témoin, confie-t-il, en pleine préparation pour devenir Karine O’Kay. Ça ne me stresse pas plus que ça, c’est surtout quand je vais voir après ce qu’il s’est passé sur la rue. Mais là je suis dans mon travail et je veux donner le meilleur spectacle possible pour les enfants. »

À l’annonce de la manifestation, qui a parfois été violente dans d’autres municipalités, Ville de Saguenay a souhaité changer de lieu, mais s’est finalement ravisée.

Pour limiter les risques de dérapage, la bibliothèque a permis à Marc Boily de se préparer à l’intérieur de ses locaux, « comme ça, je n’aurais pas à arriver en drag devant la porte d’entrée », mentionne-t-il.

Le choix de la salle où le conte sera lu a également été modifié. « On était dans une salle plus ouverte à tous dans un endroit commun, là on sera dans une espèce de petit théâtre où il y a une seule porte d’entrée qui sera contrôlée par la sécurité, ce ne sera pas accessible à tout le monde », précise la drag-queen.

Parents et enfants présents en nombre

L’annonce des manifestations n’a pas empêché les parents de venir en grand nombre avec leurs enfants.



« On avait décidé de venir en famille dès le départ et on s’est dit que si on changeait d’avis, on allait donner raison aux manifestants, alors on est venu quand même. Mais on se sent quand même en sécurité avec tous ces policiers », a commenté un couple avec ses deux enfants.

L’événement a réuni une soixantaine de personnes, dont 35 enfants, venus vêtus de leurs pyjamas ou de robes de princesse, un grand sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux, fins prêts à écouter des contes qui traitent de la diversité et de l’acceptation de la différence.

(Le Quotidien / Michel Tremblay)

« Toute ma famille fait partie de la communauté LGBTQ+, je suis lesbienne, ma fille est bi, alors c’était l’occasion de lui montrer qu’elle n’était pas toute seule », de mentionner une mère de famille.

Une autre maman avait complètement oublié qu’il pourrait y avoir des manifestations lors de cette lecture de conte, si bien qu’elle a eu la surprise en arrivant sur place. « Je me suis juste demandé ce que j’allais bien pouvoir expliquer à ma fille, mais je ne suis pas trop rentrée dans les détails », explique-t-elle.

Pour commencer son heure de lecture, Karine O’Kay a souhaité expliquer ce qu’était une drag-queen.

« Je suis un garçon dans la vie de tous les jours, et pour le travail, je m’habille en fille, mais c’est toujours extravagant et excentrique. Est-ce que vous avez déjà vu une vraie fille s’habiller comme ça ? » questionne-t-elle à l’unisson, provoquant des éclats de rire dans l’assemblée.

Karine O’Kay est la seule à avoir vécu une soirée à peu près normale et sans tourmente, vendredi. À la fin de sa lecture, les enfants venaient vers elle pour prendre des photos et lui dire qu’elle était belle.

« Je n’ai pas trop l’habitude avec les enfants, mais c’était une belle soirée, j’ai senti que les enfants ont bien apprécié le conte, raconte-t-elle en entrevue téléphonique. C’était impressionnant de voir autant de policiers en sortant. »



Lors de sa sortie de la bibliothèque, les manifestants d’un bord et de l’autre s’en étaient retournés. Marc Boily a quand même été escorté à sa voiture par les services de l’ordre, par précaution.

La prochaine histoire en pyjama aura lieu en septembre et sera lue par un policier ou une policière.

Les commerçants inquiets

L’inquiétude des commerçants était palpable pendant les manifestations. À l’Érudit, le mobilier urbain de la terrasse avait été rangé par peur qu’il y ait du grabuge. « C’est certain qu’on craigne que ça s’anime. Pour l’instant, ça semble contrôlé. Il y a une belle mobilisation policière, c’est rassurant », commente Francis Labrecque, propriétaire du café.

De l’autre côté de la rue, Marc Tremblay, propriétaire de la boutique de mode masculine Cinque est très nerveux. « On a cassé 19 fois les vitres de mon commerce par le passé. J’ai fait des rénovations sur la façade de mon commerce pour mieux la protéger, mais j’ai encore eu des ennuis avec du vandalisme dans les dernières semaines », raconte-t-il.

Voyant que des opposants à l’activité se sont massés à quelques mètres de son commerce, M. Tremblay a avoué qu’il craignait pour l’intégrité de son bâtiment. « J’ai rien contre les manifestations, tant que c’est fait de façon pacifique. Ce qui me chicote un peu, c’est que j’ai appris que ça avait lieu un peu à la dernière minute », ajoute-t-il.

En pleine entrevue avec Le Quotidien, le propriétaire du magasin a dû s’éclipser quelques instants pour intercepter un passant qui déambulait vers l’entrée de sa bâtisse. « On saute par-dessus les clôtures nous, on va s’occuper de ça ce soir », a lancé l’individu qui semblait visiblement sous les effets de l’alcool.