Le fringant message de Jérôme Dupras pour l’environnement

Membre fondateur des Cowboys Fringants, Jérôme Dupras est d'abord un scientifique et il était l'invité de l'UQTR à l'occasion de la Journée sur le développement durable tenue vendredi dans le cadre des Journées internationales de la francophonie en Mauricie.

Certes, on le connaît en tant que bassiste et membre fondateur des Cowboys Fringants, mais Jérôme Dupras est d’abord un scientifique et ses principaux travaux de recherche au département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais portent sur l’évaluation économique des services que nous rendent les écosystèmes naturels et sur la relation entre ces derniers.


Vendredi matin, il était le conférencier vedette de la Journée sur le développement durable qui se déroulait à l’UQTR dans le cadre de la 11e édition des Journées internationales de la francophonie en Mauricie.

Son message est clair. Le climat se réchauffe. Les écosystèmes sont perturbés. L’activité humaine exerce une telle pression que les espèces disparaissent à une vitesse alarmante.



On a déjà atteint plusieurs points de non-retour, par exemple, des changements de direction de courants marins, des patrons d’incendies de forêt dans la ceinture boréale, la fonte des pergélisols. Cela veut dire que ces éléments ne reviendront plus à leur état précédant, malgré nos actions pour tenter de freiner les changements climatiques. Tout cela prendra vite un visage humain, prévient le chercheur. «Dans une cinquantaine d’années, quelque cinq milliards d’êtres humains auront un accès précarisé à l’alimentation», illustre le professeur Dupras.

Y a-t-il de l’espoir? Oui, si l’on se tourne vite vers la nature, explique-t-il, qui demeure le meilleur et le plus efficace puits de carbone. Plantation d’arbres, reforestation, diversification des forêts, plantation de bandes riveraines et verdissement urbain comptent parmi les solutions.

Il y a aussi la protection des milieux naturels déjà existants qui offrent déjà «une panoplie de services écosystémiques» : amélioration de la qualité de l’air, contrôle des ravageurs, contrôle de l’érosion, séquestration de carbone, opportunités récréotouristiques, cycle des nutriments et prévention des inondations, dit-il.

La forêt fait économiser les villes

Les scientifiques sont d’ailleurs en mesure, maintenant, d’estimer la valeur monétaire de ces services rendus par les écosystèmes naturels. «Pour la région de Québec, les bénéfices naturels gratuitement offerts par la nature totalisaient l’équivalent de 1,1 milliard $ chaque année. Ça veut dire que grâce à une forêt qui vient augmenter la qualité de l’eau, je ne suis pas obligé de construire des capacités augmentées de mon usine de filtration. Je ne suis pas obligé de mettre en place des digues et des barrages parce que j’ai des milieux humides complexes qui vont faire une capture des eaux lors des crues printanières ou des étiages en été.»



«Pour la région de Québec, les bénéfices naturels gratuitement offerts par la nature totalisaient l’équivalent de 1,1 milliard $ chaque année.»

—  Jérôme Dupras

Cette valeur des écosystèmes n’est pas mesurée que par les chercheurs», dit-il. «Les grandes banques et les assureurs commencent à réfléchir de cette façon-là.»

«À Québec, les services écosystémiques sont une trousse à outils disponible pour les aménagistes. Lorsqu’on veut construire un plan de développement de la zone agricole, un schéma d’aménagement d’une MRC, un plan d’urbanisme, on peut maintenant se référer à de la production de services écosystémiques pour aligner des décisions d’aménagement du territoire», explique le professeur Dupras.

Et le carrefour 40-55?

En marge de sa conférence à l’UQTR, on a demandé à Jérôme Dupras ce qu’il pense du grand débat qui a cours au conseil de Ville de Trois-Rivières au sujet de l’avenir des milieux naturels du Carrefour 40-55.

«Est-ce qu’on peut considérer d’autres options» que la construction d’un parc industriel à cet endroit?, se demande-t-il. «Je pense à des initiatives que j’ai vues ailleurs au Québec où l’on a fédéré des parcs industriels entre des municipalités, entre des MRC, pour ne pas les multiplier, même s’il y a des avantages au niveau des redevances fiscales», suggère-t-il. Chaque municipalité peut alors bénéficier d’une forme de péréquation. Ça, c’est avoir une vision holistique du territoire, de ne pas le scinder, le découper sur des limites administratives et légales avec chacun ses colonnes de chiffres. Il faut regarder des options qui sortent de la boîte», propose-t-il.

Jérôme Dupras rappelle que le comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec, sur lequel il siège et «qui est un comité scientifique indépendant, a fait une série d’avis, l’an dernier, dont un sur l’aménagement du territoire dans lequel on a demandé de mettre en place un moratoire sur la transformation des écosystèmes naturels».

«C’est qu’il y a de l’irréversibilité ensuite», fait-il valoir.