Horaire des infirmières: «Le statu quo n’est plus une option» [VIDÉO]

Le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Interpellé au sujet des infirmières de la Mauricie et du Centre-du-Québec qui ont rejeté en bloc les aménagements d’horaire proposés par le CIUSSS et qui envisagent de démissionner et de déclencher une grève, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé a pris la part des patients, jeudi, à l’Assemblée nationale, et a demandé aux syndiqués de faire les choses différemment. Des propos qui ont bouleversé les infirmières qui s’étaient déplacées pour se faire entendre.


«Quand on pense aux patients, il faut mettre de côté les différents intérêts de tout le monde et voir ce que l’on peut faire pour les patients», a-t-il dit en réponse à une question du porte-parole en matière de Santé, André Fortin, soutenant que les mesures forçant les infirmières à travailler une fin de semaine sur trois en poussent plusieurs à reconsidérer leur choix de carrière, ce qui risque de faire diminuer des services dans la région.

S’adressant aux infirmières, le ministre Dubé a défendu la décision de la nouvelle PDG du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, Nathalie Petitclerc qui, par manque de personnel, aurait d’abord envisagé de faire faire du temps supplémentaire obligatoire (TSO) cet été.



«Elle s’est dit, il y a déjà beaucoup de monde qui fait des horaires défavorables, est-ce qu’on peut partager ça avec le plus grand nombre?», a indiqué le ministre Dubé, soutenant qu’il y a 80% des employés du CIUSSS MCQ qui ont des heures défavorables alors que 20% n’en ont pas.

«Est-ce que ce ne serait pas plus logique de considérer autre chose, qui est d’ailleurs prévu aux conventions collectives, que dans des situations urgentes. C’est de dire est-ce qu’on pourrait travailler autrement? Est-ce qu’on pourrait regarder une autre façon de faire les choses et c’est exactement ce qu’elle a fait, a soulevé le ministre. Ce n’est pas facile la gestion du changement. On le sait qu’on doit parfois mettre de l’eau dans notre vin. C’est exactement ce qu’elle a demandé aux employés.»

«On va continuer de travailler ensemble, avec la présidente du Conseil du Trésor, pour être capable de trouver des solutions innovantes. On va présenter un plan dans les prochaines semaines où tout le monde va devoir contribuer et regarder une façon différente de donner nos services en santé. Ce n’est pas facile, mais je pense qu’on le doit aux Québécois qui nous disent que le statu quo n’est plus une option. On doit regarder pour faire les choses différemment et je salue ceux qui sont ouverts à travailler différemment», a-t-il conclu.

Des propos préoccupants pour André Fortin

Invité à réagir aux propos de son vis-à-vis à la sortie de la période de questions, le libéral André Fortin a quant à lui invité le ministre de la Santé à travailler différemment. «Je l’invite à écouter et entendre les préoccupations des gens qui sont sur le terrain, a-t-il insisté. Le ministre donne l’impression qu’il est dans sa tour d’ivoire à Québec, qu’il regarde des colonnes de chiffres, mais la réalité est complètement différente.»



Après avoir rencontré un groupe de 16 infirmières qui s’étaient déplacées au Salon bleu, le député de Pontiac, qui est sur le dossier depuis plusieurs semaines, estime que les propos qu’a tenus le ministre Dubé sont extrêmement préoccupants, dans un contexte où plusieurs infirmières ont manifesté leur intention de quitter le réseau de la Santé.

«Aujourd’hui, pour la première fois, il nous a donné l’impression que la Mauricie, c’était un projet-pilote pour le reste du Québec. Qu’il allait exporter cette avenue-là aux autres régions», soutient André Fortin qui rappelle que, la semaine dernière, le ministre Dubé a promis de déposer un projet de loi qui allait faire «shaker» les colonnes du temple.

«Ce qu’on en comprend, moi et les infirmières qui ont assisté à la période de questions, c’est que de faire travailler les infirmières de fin de semaine c’est sur la table partout au Québec.»

—  André Fortin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de Santé

Le porte-parole du premier groupe d’opposition en matière de santé comprend pour sa part les infirmières de refuser les demandes de l’employeur et d’envisager la grève à compter de cet été.

«Ce n’est pas soutenable la façon dont le CIUSSS MCQ et le ministre administrent le réseau, plaide-t-il. Elles se sentent, à juste raison, comme des chiffres. Des pions que l’on peut déplacer d’un secteur à l’autre, alors qu’elles méritent beaucoup mieux.»

Des infirmières en noire au Salon bleu

La présidente du Syndicat des professionnels en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Patricia Mailhot, est ressortie fâchée et encore plus inquiète du Salon bleu où elle s’était déplacée avec une quinzaine d’infirmières de la région pour interpeller le ministre Christian Dubé.

«Je voulais qu’il sache qu’on était là. Les professionnelles en soins veulent se faire entendre, veulent apporter leurs solutions et il ne veut rien entendre, souligne Patricia Mailhot. Depuis le début de la crise qu’on invite M. Dubé et il ne se présente pas. Il y a beaucoup d’infirmières qui ont écrit aux députés de la CAQ de la Mauricie. Il n’y a eu aucune réponse. Aucune d’entre elles n’a vraiment eu de rencontre. Pourtant, ils sont là pour écouter la population.»



«J’aurais aimé ça que [le ministre Dubé] dise, je vais y aller les rencontrer. Je vais aller discuter avec eux pour voir ce qui a été essayé et ce qui n’a pas été essayé. C’est un minimum. C’est quand même lui qui dirige la Santé, plaide Patricia Mailhot. Viens nous voir minimalement quelques heures pour qu’on t’explique notre point de vue et peut-être que tu verras la situation autrement.»

Elle rappelle que l’enjeu n’est pas le travail de fin de semaine, mais le déplacement du personnel dans les différents départements où les infirmières n’ont pas pratiqué parfois depuis des années. Des déplacements qui font craindre aux professionnels en soins pour la qualité des services à la population.

«Si on leur demande de faire des fins de semaine dans leur département, il n’y aura pas de problème. Le problème c’est qu’ils font de grosses fusions et ils les promènent d’une spécialité à l’autre. Il nous avait promis que ce serait des soins apparentés, et ce n’est pas ça au final», indique la présidente du syndicat.

Patricia Mailhot soutient que le ministre est beaucoup axé sur les chiffres et qu’il risque de se rendre compte par lui-même que de laisser durer la crise n’aidera en rien les services dans la région.

«Comme on n’impose pas cette fusion-là ailleurs, tranquillement, il y en a des démissions. Il y a des départs à la retraite qui sont plus hâtifs. Il y a des CV qui ont été déposés dans les pharmacies, dans le privé. Il y a même d’autres CIUSSS qui ont appelé en Mauricie pour leur dire ‘‘veux-tu venir travailler chez nous, on ne fait pas ça ici’'. Il y a même des étudiantes qui ont donné leur nom pour venir en Mauricie et quand elles ont vu cette crise-là, avec les conditions, elles ont dit que finalement elles ne viendront pas», énumère-t-elle.

La conclusion du ministre Dubé, comme quoi il déposerait quelque chose dans quelques semaines, n’avait d’ailleurs rien pour rassurer les infirmières. «Est-ce que l’on est un projet-pilote et qu’il appliquera ça partout au Québec? Est-ce que c’est en lien avec la négociation nationale, parce que nos conventions tombent à échéance et qu’ils vont vouloir mettre des choses là-dedans?», soulève Patricia Mailhot.