Affaire Jonathan Roy/Bobby Nadeau: à la bonne place, au bon moment

Jonathan Roy a «salué» la foule à sa façon après avoir attaqué Bobby Nadeau, le 22 mars 2008.

Ils étaient 4724 spectateurs au Centre Georges-Vézina le 22 mars 2008, quand Jonathan Roy a attaqué Bobby Nadeau, lors du deuxième match de la série de première ronde entre les Remparts de Québec et les Saguenéens de Chicoutimi. Si toutes et tous avaient sans doute un bon siège pour assister à l’événement tristement célèbre, le photographe Jeannot Lévesque était à la bonne place au bon moment, appareil photo à la main, quand il a capté toute la séquence tristement célèbre.


Photographe au Quotidien depuis cinq décennies, il était du match quand le gardien des Remparts et fils de Patrick Roy, Jonathan, a traversé la patinoire pour s’en prendre au cerbère des Sags, sous le regard éberlué des partisans, avec 28 secondes à écouler à la deuxième période. Jeannot, lui, ne travaillait même pas cette journée-là. Il assistait au match en compagnie de son beau-frère, descendu de Montréal pour la longue fin de semaine de Pâques.

Il allait vivre la plus récente version du match du Samedi saint, après le légendaire rendez-vous du Vendredi saint, en avril 1984, entre les Canadiens de Montréal et les Nordiques de Québec.



«J’avais dit à mon beau-frère que j’allais aller chercher une bière après la deuxième période, au bar du Centre Georges-Vézina placé dans un coin, en haut des sections [23 et 25], raconte Jeannot Lévesque. En attendant qu’on me serve, je me retourne et la première chose que je vois, c’est Jonathan Roy s’avancer vers Bobby Nadeau. J’avais ma lentille 70-200mm sur mon appareil, j’ai pointé en direction de Roy et j’ai pris des photos. J’ai toute la séquence, du moment où il se rend jusqu’à Nadeau, quand il le frappe et finalement, les doigts d’honneur en direction des spectateurs.»

Bobby Nadeau est resté de glace lorsque Jonathan Roy s'est avancé vers lui.

Jeannot Lévesque est bien conscient qu’une bonne photo est souvent une question de timing. D’être à la bonne place, au bon moment. Cet après-midi de mars 2008 est un des meilleurs exemples de sa longue carrière.

« J’étais là, mais je ne travaillais pas, précise-t-il. Mon beau-frère est un maniaque de hockey et il me demande si c’était possible d’aller voir le match des Sags contre Patrick Roy et ses Remparts. J’amène mon appareil, j’en prête un à mon beau-frère et on rentre dans le Centre Georges-Vézina. J’amène mon appareil, mais au fond, pourquoi ? Pourtant, je n’en avais pas besoin pour ce match. »

Ceux qui croient que le vétéran photographe a fait des affaires d’or avec ces célèbres clichés vont être déçus. En communiquant avec le pupitre du Progrès-Dimanche, le samedi soir, on l’invite à déposer ses textes dans un système de partage pour que la Presse canadienne ait accès aux photos, en lien avec l’entente de collaboration qui unit les deux médias.



Jonathan Roy a d'abord arraché le casque de Bobby Nadeau, avant de le ruer de coups.

Sans entrer dans les détails, ce n’est pas qu’il n’a pas essayé, mais Jeannot Lévesque n’est pas devenu riche après avoir capté le moment, qui revient de nouveau dans l’actualité, 15 ans plus tard.

« Habituellement, le samedi soir, il se passe toujours quelque chose, peu importe où dans le monde, qui va faire la Une des journaux, souligne Jeannot Lévesque. Mais cette soirée-là, c’était mort, il n’y avait rien d’autre. Des personnes m’ont dit que mes photos avaient passé dans 250 journaux, mais évidemment, c’est impossible de valider cette information. »

Le photographe est également fier qu’on puisse parfaitement identifier ce moment à Chicoutimi et au Centre Georges-Vézina, puisqu’on y voit notamment une publicité du restaurant-bar Le Stade sur la bande derrière Jonathan Roy, en train de « saluer » la foule, à sa manière.

Les habitués peuvent reconnaître sans problème l’enceinte du Centre Georges-Vézina, mais pour les autres, cette affiche permet de bien les situer.

Jonathan Roy a rué Bobby Nadeau de coups pendant plusieurs secondes.

Pour la petite histoire, les Saguenéens remportent cette partie par la marque de 10-1, pour créer l’égalité 1-1 dans la série. Les Remparts triomphent finalement en six joutes. Jonathan Roy fait partie des joueurs suspendus pour le reste de la série et Bobby Nadeau va jouer seulement 27 minutes en deux matchs, n’étant plus que l’ombre de lui-même. Il termine ensuite sa carrière junior avec le Rocket de l’Île-du-Prince-Édouard.

Jonathan Roy, lui, aura eu besoin de 20 minutes de temps de jeu pour changer l’allure de la série, mais surtout, marquer un changement important dans la réglementation des bagarres dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

Un coéquipier de Bobby Nadeau a tenté de lui venir en aide, mais un juge de lignes s'est interposé.