Un budget qui déçoit le milieu communautaire: «On prend le problème à l’envers»

Claude Jalette (Infologis Mauricie), Sylvie Tardif (COMSEP), Olivier Tardif Bellemare (COMSEP), Diane Barrette (Cuisine Collective Francheville), Marc Benoit, (REOPAM), Alain Dumas (économiste) et Pierre Blanchet (Groupement pour la défense des droits sociaux de Trois-Rivieres).

Les visages étaient longs et plusieurs questions demeuraient sans réponses, mardi soir, alors que des représentants du milieu communautaire de la Mauricie s’étaient réunis pour une écoute collective du budget du gouvernement du Québec. La lutte à la pauvreté et la réduction des inégalités sont pour eux les deux grandes oubliées en cette période de crise du logement, d’inflation, d’insécurité alimentaire et de sous-financement des organismes communautaires.


Les baisses d’impôts seront pour eux un coup d’épée dans l’eau, car elles ne profiteront pas aux personnes qui ont des revenus trop bas pour payer des impôts et qui représenteraient environ le tiers des contribuables. «C’est très inquiétant dans le sens où, dans un contexte de baisse d’impôt, en bonne majorité pour un si faible pourcentage de contribuables au revenu au plus haut, ça ne peut qu’avoir des effets inflationnistes, alors que ce sont les plus bas revenus qui sont pénalisés», analyse l’économiste indépendant Alain Dumas.

L'économiste indépendant Alain Dumas estime que le tiers des contribuables, qui ont des revenus trop bas pour payer des impôts, seront pénalisés par le budget du gouvernement.

La réduction de 7,4 milliards $ d’impôts sur un horizon de quatre ans lui fait d’ailleurs craindre que l’austérité revienne rapidement par la porte d’en arrière et qu’on assiste à des coupes importantes en éducation et en santé. Selon lui, pour vraiment aider les classes moins aisées, le gouvernement aurait dû renoncer à sa promesse de baisser les impôts pour mieux financer les services publics à court de ressources et augmenter les transferts de revenus aux personnes les plus affectées par l’inflation.



Sylvie Tardif, coordonnatrice générale de COMSEP, souhaitait que le budget laisse entrevoir une augmentation substantielle des montants de base à l’assistance sociale, ce qui n’a pas été le cas. «On considère que c’est un coup de pouce pour les plus riches, mais rien pour les plus pauvres. C’est une forme d’aveuglement du gouvernement par rapport aux personnes assistées sociales», déplore-t-elle.

«On prend le problème à l’envers. L’orientation du ministère qui s’occupe de l’aide sociale, même si ce n’est pas écrit dans le budget, c’est de dire, on va mettre les gens en emploi. C’est de ne pas comprendre la réalité des personnes à l’aide sociale qui doivent lutter chaque jour pour leur survie», ajoute Pierre Blanchet du Groupement pour la Défense des Droits Sociaux de Trois-Rivières.

Avec plus d’un million de personnes au Québec vivant de l’insécurité alimentaire et l’explosion du recours aux banques alimentaires, Diane Barrette, coordonnatrice des Cuisines Collectives de Francheville, aurait quant à elle souhaité des mesures pour contrôler le prix des aliments de base qui a augmenté de 10,1% au cours de la dernière année, avec l’implantation d’une loi-cadre.

Claude Jalette, la coordonnatrice d'InfoLogis Mauricie était consternée de constater que les annonces sont insuffisantes pour faire face à la crise du logement.

Les mesures pour faire face à la crise du logement sont jugées insuffisantes selon la coordonnatrice d’Infologis Mauricie, Claude Jalette. «On est scandalisé», lance-t-elle. «On est à moins d’un quart de ce qu’on demandait. C’est insuffisant.»



Si les besoins actuels exigeraient un investissement de 2 milliards $ sur cinq ans, le gouvernement offre en effet 650 millions $ sur six ans. Alors que la CAQ s’était engagée à construire 1750 logements sociaux et abordables sur quatre ans, l’engagement prévu est de 1208 sur six ans, ce qui représente une perte nette de 542 logements par année. Une situation choquante, affirme Mme Jalette.

Le coordonnateur du Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie, Marc Benoît, rappelle l’importance de mieux soutenir financièrement les organismes communautaires qui vivent un exode important de leur main-d’oeuvre, n’étant pas capables de concurrencer les salaires offerts par le réseau public.

Or, le budget demeure plutôt flou sur le financement des groupes communautaires. Il faudra attendre encore quelques jours pour préciser la hausse qu’ils pourront recevoir, estiment les représentants qui étaient réunis à la Maison de la solidarité (COMSEP), mardi.