L’histoire n’était pas encore sortie dans les médias. Exaspérés, des parents ont tenu une conférence de presse, lundi, pour dénoncer l’inaction de l’école et de la commission scolaire Eastern Township.
Le président de la commission scolaire, Michael Murray, se défend de n’avoir rien fait. « On a déployé toutes les interventions requises selon notre plan dans ces circonstances similaires », a-t-il déclaré à mon collègue.
Peut-être que le plan est à revoir à ce moment-là. Le plan manque visiblement des étapes ou des procédures. Il ne fonctionne pas.
L’élève a été suspendu la semaine dernière, souligne-t-on, mais les premières dénonciations ont eu lieu il y a un an et demi. Qu’est-ce qui a été fait entre les deux?
Comme par hasard, la suspension coïncide avec trois dépositions faites à la Sureté du Québec, ce qui en fait cinq au total, concernant le même élève.
Selon les parents, la direction a regroupé le présumé agresseur et les victimes dans une même pièce. Comme si c’était une chicane entre élèves, comme si c’était juste un malentendu.
Les actes commis par l’élève, que certaines étudiantes de l’école surnomment « le prédateur », incluraient de suivre les victimes jusqu’à la salle de bain, de les coincer dans un coin, des attouchements (les seins, les fesses, l’entrejambe), du harcèlement sexuel et même le viol.
« On lui disait d’arrêter et il ne le faisait pas », a témoigné une jeune, « et on sentait que la direction le croyait davantage que nous. »
Selon une autre élève, « c’est comme si l’école cherchait à normaliser une situation qui ne devrait pas l’être. » Ça ne devrait pas être normal, en effet.
Prévenir
Dès la première plainte, il y a un an et demi, la direction de l’école aurait dû suspendre l’élève le temps d’offrir du soutien aux victimes, de mener une enquête et de s’assurer que l’élève ne fera pas d’autres victimes.
J’entends déjà des voix s’élever : comment puis-je oser parler de suspendre un jeune sans jugement de culpabilité?
Parce que c’est une procédure assez familière dans bien des cas.
Ici, la suspension n’est pas tant punitive que préventive. Au même titre qu’un policier peut être suspendu le temps qu’une enquête aux affaires internes se fasse, ou qu’un ministre est exclu du caucus le temps qu’une enquête détermine s’il a suivi les règles déontologiques, ou qu’un joueur va être suspendu le temps de vérifier s’il triche ou non.
Dans tous les cas, si l’enquête ne trouve rien de suspect, la personne est réintégrée dans les équipes. Mais le temps qu’on fasse la lumière, on prévient et limite les possibles dégâts avec une suspension. C’est de la simple prévention.
Pourquoi ne fait-on pas la même chose dans le cas de violences sexuelles? Surtout que là, ce n’est pas juste un cas éthique ou moral, on parle de gestes violents qui peuvent traumatiser ou blesser des gens. C’est la moindre des choses de s’assurer que s’il y a un problème, il n’y aura pas d’autres victimes le temps de comprendre et d’agir. Surtout quand agir prend un an et demi.
Resserrer la loi
Le collectif La voix des jeunes compte a aidé les parents à organiser la conférence de presse, lundi. Ce groupe, entièrement bénévole, fait de la sensibilisation et tente d’améliorer les lois concernant les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires.
Je rappelle que plus de la moitié des victimes d’agressions sexuelles ont moins de 18 ans. Concrètement, ça veut dire que ça ne se passe pas juste dans les bars, mais aussi dans nos écoles secondaires.
Pourtant, on ne cesse de faire comme si ça n’existait pas. Quand un agresseur est dénoncé, les écoles préfèrent régler ça en catimini, pour ne pas nuire à leur réputation. Peu de ressources vers où les jeunes peuvent se tourner.
Ce n’est pas en traitant ces histoires comme si c’était des chicanes entre élèves qu’on va améliorer la prévention, aider les victimes ou conscientiser les agresseurs. Il faut nommer les choses, pas les glisser sous le tapis.
La direction de la commission scolaire explique que leurs actions ne sont simplement pas publiques. Mais elle n’explique pas ce qu’elle fait. Si elle mène des actions pour lutter contre violences sexuelles, pourquoi ne sont-elles pas publiques?
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C’est justement pour que le processus soit clair et connu que la députée de Québec solidaire, Ruba Ghazal, et que la porte-parole du Parti québécois, Méganne Perry Melançon, étaient sur place, lundi, pour appuyer les revendications du collectif et des parents.
La députée solidaire compte d’ailleurs redéposer un projet de loi qui obligerait les écoles secondaires et primaires à encadrer ces situations, comme c’est le cas pour les cégeps et universités. Un projet de loi que la députée de Sherbrooke, Christine Labrie, avait proposé et qui avait été refusé.
Ce projet de loi servirait à prévenir et à combattre les violences sexuelles dans les écoles, qu’elles soient commises par des élèves ou des membres du personnel. L’idée est aussi de mieux soutenir les victimes et les agresseurs, avec de l’aide psychologique adaptée. Améliorer l’éducation sexuelle et donner des formations au personnel pour savoir quoi faire.
Qu’est-ce que le gouvernement attend exactement? D’autres cas d’entraineur de soccer avec 33 présumées victimes comme on voit en cour cette semaine?
Comme l’a souligné une des mères lundi : « Je m’attends que ce que ma fille soit en sécurité quand je la dépose à l’école. »
Une attente plutôt légitime.
Le problème n’a jamais été et ne sera jamais la largeur des bretelles des camisoles des adolescentes ou la hauteur de leur jupe. Le problème est dans l’éducation sexuelle, dans la normalisation de la culture du viol et dans l’omerta lorsqu’une dénonciation atterrit sur le bureau de direction d’une institution.