Je ne l’ai pas trouvé.
Pour la simple et bonne raison qu’il ne sera pas disponible en ligne avant le 1er juin. Par contre, les recensements précédents sont déjà disponibles sur le site de Bibliothèque et Archives Canada : ceux de 1921, 1911, 1901, 1891, 1881, 1871… Alors pourquoi faire tout un plat de celui de 1931 Vous lirez l’article de mon collègue Antoine Trépanier pour le savoir.
Moi, c’est surtout que j’adore fouiller dans les vieilles archives écrites à la main. Que ce soit un recensement ou des archives militaires. Je ne saurais trop vous expliquer pourquoi. L’exercice m’émeut. Encore aujourd’hui, je suis incapable d’écrire proprement avec un crayon ou un stylo. Alors ces colonnes de noms et de chiffres écrits patiemment à la main, qui s’alignent de manière régulière sur des centaines et des centaines de pages en papier, en vrai papier qui plie et qui craque…
J’admire ces registres comme on admire une œuvre d’art.
Et puis je suis toujours curieux d’y trouver trace de mes ancêtres.
C’est d’autant plus facile qu’une dame m’a fait gentiment cadeau de mon arbre généalogique, il y a quelques années. En le consultant, je peux remonter jusqu’à Denis Duquet, premier du nom au Canada, arrivé dans les tout premiers instants de la colonie, peu après Samuel de Champlain. J’ai donc ressorti mon arbre généalogique. En quelques clics sur le site de Bibliothèque et Archives Canada, j’ai retrouvé le nom de mes arrière-grands-parents maternels dans le recensement de 1921...
Comme toujours, l’exercice m’a ému sans que je sache trop pourquoi.
Après tout, un recensement n’est qu’un registre sans âme. De bêtes infos factuelles, retranscrites sous la forme de fines pattes de mouche. Il faut parfois s’arracher les yeux pour déchiffrer un nom ou une information…
Mais c’est aussi, et surtout, une fascinante plongée dans le passé.
J’ai retrouvé mes aïeux, Eusèbe, Malvina et leurs dix enfants sur une terre à Eastman. De même que Michel, Luce et leurs 11 enfants dans le fond d’un rang, à Stukely Sud. Juste le nom des enfants fait voyager dans le temps : Viateur, Eustache, Blandine, Éloi, Flore, Rose-Louise, Marie-Jeanne…
Selon le recensement de 1921, mes arrière-grands-parents maternels étaient tous des catholiques romains. Tous cultivateurs de profession : c’est indiqué comme tel devant la mention «chef» de famille. Sous profession de la mère, c’est inscrit : aucune. Comme si élever 10 enfants sur une ferme n’était pas digne de mention. Mes ancêtres de 1921 savaient parler et lire le français. Mais pas l’anglais. Sauf, of course, les trois fils aînés d’Eusèbe.
Parmi les voisins de Michel et Luce à Stukely Sud, dans les Cantons de l’Est, j’ai trouvé des gens originaires des États-Unis. Rien d’étonnant quand on sait que des loyalistes ont colonisé une bonne partie de l’Estrie.
Je lisais les vieux documents jaunis par le temps, et je me suis mis à rêver.
J’imaginais le censeur — il s’appelait Ed Poirier, selon les documents officiels. Le voilà qui marche, son registre sous le bras, dans les grands champs près d’Eastman. En arrivant chez les gens, Ed Poirier s’assoie à la table de la cuisine, essuie la sueur qui perle sur son front. Puis il déploie son registre sur la table, avant de mouiller la pointe de son stylo.
Donc Eusèbe Bourbonnais, vous dites? Quel âge avez-vous? 50 ans. Métier? Cultivateur. Revenus annuels : autour de 40000 $. Et vous, madame, votre nom? Malvina? Quel joli nom! Profession? Mère à temps plein, vous dites? Ce n’est pas un métier ça, madame. Je vais écrire : aucune.
C’était une époque sans Internet, sans courriel, sans ordinateur pour tout faire vite, à notre place. Il fallait retranscrire les informations à la main, un nom à la fois, une adresse à la fois, en parcourant les villes et les campagnes. J’ai déjà hâte au recensement de 1931.