La cordonnière : facture classique, personnage moderne

Rose-Marie Perreault interprète le rôle titre du film La cordonnière.

CRITIQUE / Avec La cordonnière, François Bouvier propose un mélodrame classique, mais très beau, bien épaulé d’une direction artistique soignée. À l’avant-scène d’une distribution où évoluent plusieurs visages connus, Rose-Marie Perreault incarne avec une présence envoûtante celle qui a été une pionnière à plus d’un égard.


En revisitant la série de romans de Pauline Gill, le film de François Bouvier met en exergue l’histoire, inspirée de faits vécus, de Victoire Du Sault (Rose-Marie Perreault, Élise Guilbault), première femme à avoir exercé le métier de cordonnière au Québec, au milieu du XIXe siècle.

Après son mariage, ses succès professionnels ont propulsé la fortune et la renommée de la famille Dufresne à Montréal. À une époque, ajoutons-le, où le nom de sa profession ne se prononçait même pas encore au féminin.

Passionnée pour la confection de chaussures, dans un monde où l’entrepreneuriat au féminin sonne comme une absurdité pour à peu près tout le monde qui l’entoure, Victoire poursuit ses ambitions avec un talent et une détermination inspirants.

L’épopée romanesque de La cordonnière s’ancre toutefois surtout dans un triangle amoureux peu orthodoxe dans lequel cette femme moderne avant l’heure a tenu les commandes.

La vie sentimentale de Victoire ne sera pas plus conventionnelle que ses visées d’affaires. Elle entretiendra des sentiments réciproques envers un voisin, Georges-Noël Dufresne (Pierre-Yves Cardinal), un homme plus âgé, déjà marié et père de famille.

Follement éprise, mais devant une histoire sans issue, Victoire mariera finalement le fils de ce premier amour, Thomas (Nicolas Fontaine), avec qui elle fondera une famille.

Mais comme Georges-Noël demeure aussi dans les parages, on devine d’emblée les secrets et le parfum sulfureux (ou incestueux...) qui planent sur le clan…

Et les tentations qui vont venir avec.

Nicolas Fontaine et Rose-Marie Perreault dans La cordonnière de François Bouvier.

Signature élégante

La cordonnière nous arrive avec une facture soignée et une équipe chevronnée.

À la réalisation, François Bouvier (Paul à Québec, La Bolduc, etc.) en a vu d’autres, tout comme Sylvain Guy à la scénarisation (Louis Cyr, Confessions, Mégantic, etc.).

Dans ce drame historique très élégant, mais pas nécessairement surprenant, la modernité du personnage de Victoire sert de liant. Elle est bien servie par celles qui l’interprètent à différents moments de sa vie : une Rose-Marie Perreault magnifique de vibrance et de ténacité; une Élise Guilbault digne, posée, qui porte les secrets du passé.

Autour d’elles, toute une galerie s’anime au milieu du XIXe siècle. On retrouve notamment ce brouhaha pittoresque de magasin général, puis de belles scènes mettant à profit des chevaux.

Le récit brode avec nuances ces discussions avec des parents (Jeff Boudreault, Annick Lemay) qui ne comprennent pas d’emblée les projets de leur fille, cette épouse qui a toutes les raisons d’être jalouse (Madeleine Péloquin), ce fils dont on peut visualiser le sentiment d’outrage (Henri Picard).

La cordonnière offre surtout des scènes à la fois fortes et fragiles où les sentiments des protagonistes résonnent intensément, mais s’expriment tout en retenue. C’est sans doute là que le film atteint le mieux sa cible.

La cordonnière est présenté au cinéma.

(Les films Opale)

Au générique

  • Cote : 7/10
  • Titre : La cordonnière
  • Genre : Drame historique
  • Réalisation : François Bouvier
  • Distribution : Rose-Marie Perreault, Pierre-Yves Cardinal, Élise Guilbault
  • Durée : 1h44