Mais en plus de cibler la vitesse des trains, il faudrait considérer la vitesse d’exécution du projet. Construire le train à grande fréquence (TGF) sur des emprises ferroviaires existantes offrirait un service plus rapide et fréquent (12 à 15 départs par jour), en cinq ans. La construction d’un train à grande vitesse (TGV) prendra au moins 20 ans parce qu’elle exigera l’acquisition et l’expropriation de terrains, ainsi que le remplacement de centaines de passages à niveaux par des ponts et viaducs. Donc, on doit décider si on veut rapidement un service régional amélioré, moins en temps, mais plus en ponctualité, flexibilité et fiabilité ou, si on préfère attendre beaucoup plus longtemps pour un service interurbain rapide.
Le Canada n’est pas le seul pays du G7 à ne pas avoir de TGV. Il n’y a pas de TGV aux États-Unis. La Californie travaille sur un projet depuis 1996. Sa première phase, soit une ligne ferroviaire de 1300 km, devrait être mise en service après 2030. Aussi, le service Acela d’Amtrak prend 7 heures pour relier Washington et Boston (735 km), à une vitesse moyenne de 130 km/h.
Ensuite, il y a le coût de construction de l’infrastructure. Un TGV coûtera quatre à cinq fois plus cher. Par exemple, le budget de chacun des projets californiens et nord-est d’Amtrak s’élève à plus de 150 milliards de dollars.
Le temps de parcours d’un voyage en train est important, mais il n’est pas déterminant dans la décision du choix de moyen de transport par la majorité des gens voyageant en voiture. Pour ceux-ci, la flexibilité offerte par une fréquence accrue accompagnée d’une ponctualité assurée par la voie dédiée justifie de choisir le train, si son prix est abordable. Par exemple, entre 2014 et 2019, VIA Rail a doublé son nombre de passagers, passant de 2,4 millions à près de 5 millions en ajoutant fréquences et arrêts, et ce, malgré une détérioration de ses temps de parcours et de sa ponctualité, combinée à une augmentation de ses prix. Une population vieillissante et une nouvelle génération qui préfère la connectivité à la conduite automobile justifient en partie cette croissance.
Finalement, un TGF sera populaire auprès d’un plus grand nombre de voyageurs. Effectivement, il y a plus de 65 millions de voyages intercités qui se font en voiture dans le corridor Québec-Windsor. La majorité de ceux-ci sont pour une distance entre 100 et 250 km. Un TGF cible ces déplacements. Un TGV vise quant à lui à devenir une alternative aux voyages en avion. En 2019, moins de 3 millions de voyageurs ont choisi de se déplacer en avion.
En bref, le TGV cible les passagers aériens, tandis que le TGF vise les automobilistes. Afin de bien desservir les régions et les villes principales, nous devons commencer par améliorer les fréquences capables d’arrêts aux 100 à 125 km et, au fil du temps, lancer un service direct par TGV d’un centre-ville à l’autre.
Soyons clairs, Siemens Mobilité fabrique des TGV. Elle est donc favorable à ce type de train. Mais partout où ses TGV sont en service, il existe une infrastructure dédiée aux trains passagers et ses TGV complètent une offre de service ferroviaire où les trains à vitesse conventionnelle continuent de transporter la majorité des voyageurs ferroviaires.
Le gouvernement fédéral a annoncé sa décision d’aller de l’avant avec le projet de TGF, optant ainsi pour une infrastructure dédiée et un service à coût et prix abordables, réalisable rapidement, évolutif et populaire auprès d’un plus grand nombre de voyageurs. Malgré l’attrait du TGV à long terme, nous devons répondre aux besoins des automobilistes dans l’immédiat. Nous ne pouvons qu’espérer que ce débat créera l’élan nécessaire à l’achèvement de ce projet national de construction de trains, initialement à grande fréquence et, éventuellement, à grande vitesse.