Le système D pour se nourrir

Gaétane Guillot, Suzanne Poisson et Nathalie Parent apprécient les occasions de cuisiner au Centre de femmes Parmi Elles de Bécancour.

Au Cégep de Trois-Rivières, on a créé le Regroup-école qui achète de grossistes certains aliments en vrac. «On a de meilleurs prix. Le Regroup-école achète des aliments non périssables comme l’avoine, le riz, les pâtes, la farine, le sucre. On divise ça en petites portions pour ensuite le vendre à la communauté collégiale», explique Anne-Marie Lefaivre, nutritionniste et enseignante au département de technique de diététique. «Plus on achète en grande quantité, moins c’est cher», dit-elle.


À Bécancour, au Centre de femmes Parmi Elles, où l’on organise régulièrement des cuisines collectives et des séances de cuisine dépannage, on n’arrive malheureusement pas à créer ce genre de système. «Ça prend une ressource pour le développer», fait valoir la directrice, Geneviève Legault. «Il nous manque du temps et d’argent», explique-t-elle.

«Et quand on fait ça, on nuit au commerce local», dit-elle. Le village est en effet situé dans un désert alimentaire, indique Mme Legault, et l’on trouve important de soutenir les rares entreprises locales en mesure de vendre de la nourriture. «Toutefois, ça nous coûte plus cher en tant qu’organisme», fait-elle valoir.



Le Centre de femmes puise donc à même le financement de sa mission pour payer certains des aliments employés pour les cuisines collectives et les cuisines dépannage, explique Mme Legault.

Nathalie Parent, mère monoparentale de deux enfants de 7 et 10 ans, apprécie au plus haut point ce service auquel elle participe assidûment pour compléter son garde-manger. Elle travaille également au centre de femmes dans un programme qui vise à la réintégrer au travail, une perspective qu’elle envisage avec hâte et qui pourra se réaliser dès que ses enfants seront assez grands pour se garder eux-mêmes.

Les cuisines du Centre de femmes, pour elle, ça fait partie du système D. D pour débrouillardise. La jeune femme n’a pas le choix et multiplie les stratégies pour obtenir ce qu’il faut pour alimenter sa famille.

«La semaine passée, on a fait des muffins aux bleuets et des muffins choco-bananes. Je suis repartie avec trois gros sacs Ziploc», dit-elle, des gâteries santé dont se régalent ses enfants. Résidente du Plateau Laval, elle reçoit aussi des colis alimentaires pour 3$ la semaine qui lui permettent d’en avoir un peu plus dans son frigo.



Martine Dessureault, Danielle Boudreau et Gaétane Guillot s'affairent ensemble à la confection de galettes.

Gaétane Guillot, elle, est à la retraite. Elle est venue faire l’essai de l’atelier de cuisine du Centre de femmes. «Je ne suis pas bonne en cuisine», dit-elle en riant. «Je viens prendre des trucs.»

La dame ne cache pas son inquiétude face au prix de plus en plus élevé des aliments. «C’est l’enfer. À un moment donné, il va falloir que ça arrête», déplore-t-elle.

Pour l’aider à faire face à l’inflation, Mme Guillot a trouvé un emploi à temps partiel. «Ça va faire du bien au portefeuille», confie-t-elle. Et pour contrôler le coût de l’épicerie, «on achète moins. J’ai un congélateur. Quand c’est à rabais, je congèle beaucoup.»

«On achète moins. J’ai un congélateur. Quand c’est à rabais, je congèle beaucoup.»

—  Gaétane Guillot

Apprendre à cuisiner est une stratégie de plus qui, espère-t-elle, l’aidera aussi à abaisser la facture, car elle avait l’habitude d’acheter souvent des plats préparés, surtout les gâteries comme les gâteaux et biscuits. «Des fois, c’est parce qu’on n’a pas le goût de cuisiner. Et puis, mon mari et moi avons la dent sucrée», dit-elle. «On dirait que depuis que je suis à la retraite et que les enfants ne sont plus là, je n’ai plus le goût de cuisiner.»

La directrice du Centre de femmes Parmi Elles constate de que le nombre de participantes aux activités a augmenté depuis la COVID. «Même les familles de classe moyenne vont venir. Elles n’arrivent plus à joindre les deux bouts», constate Geneviève Legault.

Le Centre de femmes fait partie du Comité d’aide et d’action alimentaire de Bécancour qui regroupe plusieurs organismes en alimentation. Ces organismes ont déposé des projets «pour aider la population à bénéficier d’une alimentation plus saine», dit-elle.

«On tente présentement d’avoir une subvention du programme de Soutien aux organismes communautaires (PSOC) juste pour la cuisine. On a déposé un projet pour nous donner un volet particulier en cuisine collective. En ce moment, pour acheter les aliments pour ces cuisines, il faut se servir de l’argent réservé à la mission du Centre de femmes. Ça ne peut faire qu’un temps, «car il y a de plus en plus de demandes», indique Mme Legault en précisant que 12 groupes viennent déjà chaque mois faire de la cuisine collective. Il faudrait absolument avoir un fonds dédié pour faire face à la situation et une employée à temps plein, analyse la directrice du Centre de femmes qui, avec sa fille, est également famille d’accueil pour six enfants. S’il en est une qui peut comprendre la détresse alimentaire que vivent les familles en ce moment, c’est bien elle.

À suivre demain: Plus de bouffe dans mon frigo