Kuma Breaks n’entend pas freiner son élan

«Il fallait être un peu naïf pour penser que, dès le départ, une entreprise de la Gaspésie pourrait faire sa marque à l’international en faisant ses preuves auprès d’un géant mondial», avoue d’entrée de jeu Christian Babin, président fondateur du fabricant de plaquettes de frein pour éoliennes Kuma Breaks.


Si la naïveté a bien servi cet entrepreneur de Gaspé, c’est aussi parce qu’il avait une vision et fait ses classes. Longtemps enseignant en technique de maintenance d’éoliennes au Cégep de la Gaspésie et des Îles, Christian Babin a mis plusieurs années à peaufiner son projet d’entreprise et, surtout, la technologie qui allait faire de Kuma Breaks le seul fabricant de plaquettes de frein d’éoliennes en Amérique du Nord certifié par General Electric (GE).

Lancée en 2010, l’entreprise aura mis cinq ans avant de commercialiser ses produits fabriqués à partir de poudres métalliques qui sont fusionnées à haute température et pression. Ces années de démarrage ont justement été consacrées à la recherche d’une recette et d’un procédé de fabrication, qui lui permettraient de concevoir des plaquettes de frein plus résistantes à la chaleur et d’une durée de vie plus longue. Et ainsi pouvoir rivaliser avec la concurrence, principalement européenne.



«On est une petite entreprise mais, comme la compétition est internationale, il faut donc réfléchir comme une grande pour se donner les moyens de ses ambitions», souligne M. Babin.

Des appuis de taille

Pour y parvenir, «on a eu un très bon coup de pouce de plusieurs partenaires», indique Christian Babin, en soulignant avoir profité entre autres de la collaboration du Conseil national de recherches Canada (CNRC) et de l’Université Laval, ainsi que d’experts en matériaux industriels de Berlin et Détroit, où l’entreprise a pu réaliser plusieurs tests de performance. L’entreprise Cartier énergie éolienne, acquise depuis par Innergex, a aussi contribué en lui permettant de faire des tests sur ses éoliennes.

Kuma a aussi pu compter sur l’aide du Cégep de Jonquière, qui a développé une expertise dans le développement de système de freinage hydraulique pour les trains. Sans compter que les liens qu’entretiennent des chercheurs du Cégep avec GE, notamment avec son chef de l’ingénierie des systèmes de frein, lui ont aussi ouvert les portes de ce conglomérat américain qui exploite également des parcs éoliens. Des partenaires financiers, notamment Desjardins, BDC, DEC et Fondaction, ont aussi cru en son projet et lui ont permis de le concrétiser.

Le statut de fournisseur officiel de GE lui a permis d’obtenir de nombreux contrats auprès de grands propriétaires de parcs d’éoliennes et d’entreprises spécialisées en opération et maintenance d’éoliennes aux États-Unis. Kuma, qui exporte 90 % de sa production et estime détenir plus de 30 % des parts de marché, a ainsi vu ses revenus passer de 75 000 $ en 2017 à plus de 2 M$ en 2022.



Des éoliennes aux chemins de fer

Même si l’industrie éolienne tourne à plein régime, la PME de Gaspé souhaite explorer de nouveaux secteurs d’activité et planche sur un projet de développement de plaquettes de frein pour l’industrie ferroviaire. «C’est un marché 1000 fois plus important», fait valoir M. Babin qui souhaite aussi créer des systèmes de freinage dans le domaine industriel, pour des convoyeurs miniers et des broyeurs par exemple.

L’entreprise compte seulement 12 employés mais son usine automatisée est prête à faire face à la musique. «On peut facilement augmenter notre capacité de production sans avoir à engager un grand nombre d’employés», souligne-t-il. Kuma mise aussi sur l’embauche récente d’un ingénieur, spécialisé dans la méthode de gestion Lean Sigma, et la collecte de données. L’entreprise est également en train d’implanter un système ERP qui lui permettra d’optimiser sa gestion des opérations.

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3 questions à Christian Babin

Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu ou que vous aimeriez avoir reçu?

«J’ai lu un jour, avant le démarrage de mon entreprise, un livre de motivation sur l’entrepreneuriat qui donnait quatre grandes clés pour parvenir au succès, sans toutefois en être assuré. La bonne idée: il faut observer l’environnement. Le bon timing: une opportunité est presque toujours fixée dans une période de temps. Les bons contacts: avoir de bons partenaires, soit des compétences complémentaires en affaires et financières. La bonne personne: être entrepreneur ou vouloir le devenir, donc posséder de la résilience, être capable de prendre la pression, avoir beaucoup d’énergie et être un peu visionnaire.»

Qu’est-ce qui vous motive, comme entrepreneur, comme dirigeant?

«C’est de prouver que même au bout du monde, on peut être compétitif au point de vue technologique et s’introduire dans les chaînes d’approvisionnement des plus grands manufacturiers d’équipement d’origine au monde. C’est aussi d’essayer d’être à l’avant-garde ou de voir des opportunités qui se dressent sur le parcours. Ma motivation de départ était de redonner à la vie un peu de ce que j’avais reçu: ma connaissance, mes contacts, mes idées.»



Quel souvenir souhaitez-vous laisser de votre parcours d’entrepreneur?

«Le message qu’on peut se permettre d’essayer, même en région (très) éloignée, de mener à terme ses rêves d’entrepreneuriat dans des domaines techniques où la compétitivité est internationale. Ce sont les individus qui font la différence et non l’endroit où est située l’entreprise. Le souvenir aussi qu’il faut être persévérant et bien s’entourer pour mener à terme un projet à partir d’une idée. J’aimerais voir l’entreprise continuer de croître à l’international pour en assurer la pérennité, au-delà de ma présence.»