À ses yeux, il n’y avait aucun bon sens à accepter ce breuvage. Dans le meilleur des mondes, le jus aurait dû provenir d’une entreprise québécoise, plaide-t-il. En plus, il avait été commandé à l’autre bout du pays par le service des approvisionnements de l’hôpital parce qu’il coûtait trois sous de moins le litre, dit-il.
Si les gens qui ont fait l’achat pour cet hôpital connaissaient ce qu’est l’approvisionnement responsable, explique M. Villemure, «ils auraient calculé la distance parcourue par la matière et ils n’auraient pas accepté un contenant en PET opaque blanc dont personne ne sait quoi faire. Ils auraient opté pour du PET blanc transparent ou en HDPE» recyclables, plaide-t-il.
Guillaume Villemure était un des invités du tout premier Forum d’économie circulaire organisé jeudi à Shawinigan par le Conseil régional en environnement de la Mauricie et auquel une centaine de personnes, des entrepreneurs, des représentants de la Régie régionale des matières résiduelles de Portneuf, d’Énercycle, de divers organismes et même la directrice générale de RECYC-QUÉBEC, Sonia Gagné, participaient.
Le but de la journée, s’échanger de l’information au sujet d’une façon de faire des affaires tout en aidant l’environnement: l’économie circulaire. L’approvisionnement responsable est un des critères de l’économie circulaire.
Vous avez sans doute un bac bleu à la maison que vous utilisez assidûment. Malheureusement, il semble que nos efforts individuels ne soient pas suffisants. «On retrouve encore beaucoup dans la poubelle des matières qui ont un potentiel d’être recyclées. RECYQ-QUÉBEC, dans son bilan 2021 sorti il y a quelques semaines, indique qu’environ 38% du contenu de notre poubelle pourrait être remis dans le bac bleu», signale la directrice générale d’Environnement Mauricie, Lauréanne Daneau.
En ce moment, partout dans le monde, «on transforme la nature en déchets», a souligné Jennifer Pinna, conférencière et animatrice principale de la rencontre.
Conseillère en économie circulaire au Centre de transfert technologique en Écologie industrielle du Cégep de Sorel-Tracy, Mme Pinna a montré une charte pour le moins troublante sur laquelle on peut voir que certaines ressources naturelles deviennent de plus en plus rares et ne seront plus disponibles d’ici quelques décennies. Et ce sera un problème pour la société. «Depuis 150 ans, on a une économie linéaire», résume-t-elle. On exploite des ressources, on les utilise et on les jette ensuite. «Seulement 8% retournent dans la chaîne de valeurs», dit-elle. Le reste est jeté.
Pourtant, il y a moyen d’utiliser beaucoup plus sagement et efficacement nos ressources, car «elles ne sont pas infinies», rappelle Sonia Gagné. Fort heureusement, le milieu financier commence à s’y intéresser, signale la PDG de RECYC-QUÉBEC qui, l’an dernier, a justement donné une conférence au Cercle canadien en compagnie du président de Desjardins pour parler d’économie circulaire, un fait qu’on n’aurait sans doute pas pu imaginer il y a à peine quelques années, dit-elle.
«L’économie circulaire est un modèle d’affaires», explique-t-elle, un modèle d’affaires bon pour la planète en plus.
Des patates à la vodka
À l’occasion de ce premier forum, à Shawinigan, plusieurs entreprises de la région et du Québec ont pu expliquer comment elles ont introduit avec succès l’économie circulaire dans leur modèle d’affaires. L’histoire de Patates Dolbec de Saint-Ubalde est particulièrement éloquente. Josée Petitclerc, directrice marketing et processus continus, raconte comment son entreprise a réussi à faire de la limonade avec des citrons, si on peut utiliser l’expression. C’est que les patates récoltées chaque année sont loin d’être toutes parfaites comme celles qui sont vendues en sacs à l’épicerie.
Beaucoup n’ont pas l’apparence exigée par l’industrie, mais elles n’en sont pas moins nutritives et très bonnes à consommer. Au lieu de faire un inutile gaspillage alimentaire en jetant ces patates dites déclassées, l’entreprise a eu la bonne idée de les transformer en vodka 100 % patates. C’est ainsi qu’est né Ubald Distrillerie.
Cette idée de déclasser des pommes de terre en se basant sur leur seule apparence choque visiblement cette entrepreneure qui tire maintenant son épingle du jeu de façon originale.
La valorisation est une des clefs de l’économie circulaire, souligne Jennifer Pinna.
L’écoconception
Cette dernière a d’ailleurs expliqué qu’il existe une douzaine de stratégies du genre qui permettent de s’insérer dans ce type d’économie. L’une d’elles consiste à faire de l’écoconception.
Patates Dolbec, par exemple, a de nouveaux sacs d’emballage dont une face contient des trous qui remplacent le grillage d’aération en plastique que l’on trouve habituellement dans ce genre de sac. De plus, on utilise de l’encre végétale pour imprimer le sac. Ces simples modifications permettent de faciliter grandement le recyclage. Pas de contaminants, en effet, dans ce genre d’empaquetage.
L’approvisionnement responsable
L’approvisionnement en économie circulaire doit aussi être responsable. Soleno, par exemple, utilise les contenants de plastique de notre bac bleu régional pour faire ses divers tuyaux destinés à la gestion des eaux. «Chaque année, 150 millions de bouteilles sont ainsi recyclées et transformées», précise Guillaume Villemure. Or, pendant la pandémie, alors que des compétiteurs étaient affectés par des bris de la chaîne internationale d’approvisionnement, Soleno a pu continuer sans problème sa production basée sur une ressource locale, signale-t-il au passage.
Pour la directrice générale d’Environnement Mauricie, Lauréanne Daneau, le but à atteindre avec l’économie circulaire est d’arriver à n’enfouir que les résidus ultimes. Les occasions d’affaires dans l’économie circulaire sont innombrables et n’attendent que l’imagination des entreprises.