Chronique|

Oseront-elles le faire?

Les infirmières ont manifesté devant les bureaux du CIUSSS MCQ, mercredi, à Trois-Rivières.

CHRONIQUE / Les infirmières qui menacent de démissionner en bloc, pour contrer la directive du CIUSSS Mauricie-Centre-du-Québec qui va les forcer, à compter du 26 février, à faire une fin de semaine sur trois, il me semble avoir un sentiment de déjà-vu.


Elles veulent être claires sur un point. Ce n’est pas de faire une fin de semaine sur trois qu’elles n’acceptent pas. C’est le fait d’être déménagées dans un secteur qu’elles ne connaissent pas et dans lequel elles ne se sentent pas confortables qui explique leur sortie.

Dans le concret, ça veut dire qu’une infirmière qui travaille en psychiatrie peut se ramasser à travailler en CHSLD une fin de semaine sur trois. On ne tient pas compte du secteur dans lequel elles travaillent.



Je vais être honnête avec vous. Je ne crois pas que la majorité d’entre elles iront dans cette direction. Je ne crois pas qu’une majorité démissionnera en bloc. L’exprimer verbalement est une chose. Le faire pour vrai en est une autre.

Prendre une décision aussi importante ne se fait pas sur un coup de tête. C’est une décision réfléchie. Une décision qui a un impact important sur la vie professionnelle, personnelle et familiale.

Vous me direz que certaines ont déjà quitté le réseau. Certaines se sont dirigées vers le privé. D’autres ont pris un autre chemin professionnel. Et on peut très bien les comprendre. Combien d’entre elles ont pris la parole, de façon anonyme ou à visage découvert, pour exprimer leur fatigue, leur exaspération et leurs craintes que le système ne s’écroule.

Je me souviens de ce témoignage en décembre dernier, d’une infirmière, mère de trois enfants, qui avait décidé d’exprimer sur Instagram ses peurs en lien avec la situation actuelle.



Sous le pseudonyme La Maman infirmière, elle s’adressait ainsi au ministre de la Santé, Christian Dubé, et au premier ministre François Legault.

Je la cite: «J’ai peur, Messieurs Dubé et Legault, que vous vous voiliez la face sur la situation actuelle. J’ai peur pour mes trois enfants. J’ai peur parce que je ne sais pas si mes enfants auront les soins nécessaires à l’hôpital, en raison du débordement actuel. J’ai peur de ne pas être capable de voir un médecin à temps. J’ai peur que ce gouvernement ne mette rien en place pour l’avenir de nos enfants.»

Ça fait beaucoup de peurs me direz-vous. Le problème ne date pas d’hier mais de dizaines et dizaines d’années. Il faut retourner loin en arrière pour trouver à partir de quel moment les choses ont commencé à rouler tout croche. C’était en 1997. Le gouvernement de Lucien Bouchard s’était lancé tête baissée dans un programme de départ volontaire. On croyait, à tort, qu’environ 15 000 fonctionnaires allaient décider de partir. Six mois plus tard, ils étaient 37 000 à avoir quitté leur emploi, plus du double de ce qui avait été prévu. En santé, ils étaient tout près de 18 000 à avoir quitté, dont 4000 étaient des infirmières.

Je me souviens de cette période comme si c’était hier. Mes parents, les deux, avaient décidé d’accepter les offres et de se retirer. Ma mère était infirmière. Elle travaillait dans un CLSC. Elle faisait des soins à domicile. Dans son équipe, elles étaient cinq sur une équipe de sept infirmières à prendre la même décision.

Je me souviens de ce que ma mère nous avait raconté à l’époque. Elle avait dit que son patron avait pleuré à la fin de la semaine. Il avait dit: «Je perds toutes mes filles d’expérience, qui sont là depuis longtemps, qui sont la stabilité et le coeur de cet établissement». Ça n’enlevait rien à celles qui allaient prendre la relève. Mais tu ne remplaces pas des femmes qui ont entre 25 et 35 ans d’expérience par des novices en pensant que ça va bien se passer.

En plus, à la même époque, Pauline Marois avait mis un frein aux inscriptions dans les écoles de soins infirmiers. Le réseau ne s’est jamais remis de telles décisions. Plusieurs autres mauvaises décisions ont suivi.



Ce que je trouve déplorable actuellement, c’est que des solutions, les infirmières en ont mis plusieurs sur la table. Dans plusieurs régions du Québec, plusieurs d’entre elles ont participé à des comités, ont proposé des avenues intéressantes pour améliorer le sort de leurs collègues.

Dans plusieurs cas, tout ça est resté au stade des discussions. On leur a fait miroiter que leurs idées étaient bonnes, sans toutefois les appliquer concrètement dans leur milieu de travail.

Encore cette semaine, des infirmières exprimaient leur colère. «Des solutions, on en a des tonnes, on demande juste à être écoutées», me disait une infirmière sur les ondes du 106.9 MauricieJ e souhaite fortement que les infirmières ne mettent pas leurs menaces à exécution et démissionnent en bloc. Ce serait catastrophique pour notre système de santé. Et en même temps, je souhaite secrètement que ce coup d’éclat puisse ébranler notre réseau pour qu’enfin on puisse vraiment changer les choses pour le mieux.

Parfois, les colonnes du temps doivent trembler quelque peu pour rebâtir sur du plus solide.

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Journaliste de formation et animatrice depuis huit ans, Catherine Gaudreault aime échanger et questionner les personnalités qui font l’actualité. Originaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, elle a choisi la Mauricie il y a dix ans. Elle a été à la barre de deux émissions d’actualité, dont une avec le Dr Pierre Mailloux dans les dernières années. Rigoureuse, travaillante et dynamique, elle anime maintenant Catherine le midi et La Mauricie maintenant au 106,9 Mauricie.