Chronique|

Tout ce qui se dit chez Anna...

Marie Martin et Sarah Saint-Louis, intervenantes jeunesse, en compagnie de Kathleen Adams, directrice générale d’Anna et la mer.

CHRONIQUE / Tout dans cette maison nous laisse croire qu’on entre chez quelqu’un qui nous veut du bien. Une mamie, une tante ou une amie chez qui on aime aller se réfugier. Quand on a envie que ça sente bon les biscuits ou la soupe chaude. Ou qu’on veut trouver refuge dans un sous-sol rempli de coussins colorés et confortables et de matériel pour aller peindre et bricoler. Quand on entre chez Anna et la mer, on entre chez soi, le temps de retrouver un peu de paix et de trouver ce qui nous aide à avancer dans la vie.


Niché au beau milieu d’un quartier résidentiel de Trois-Rivières, cet organisme communautaire n’a rien d’ordinaire, mais passe complètement inaperçu pour ceux et celles qui prennent leur marche quotidienne sur la rue Jean-Nicolet. Derrière les murs de cette maison des années 50, on ne peut soupçonner à première vue tout le bien qu’on y cultive, toute la paix qu’on essaie d’y retrouver. Chez Anna, ce sont seulement les enfants de 7 à 17 ans qui ont un parent vivant avec un trouble de santé mentale qui peuvent franchir la porte.

Et tout ce qui se dit chez Anna, reste chez Anna!



Il n’y a rien de simple à partager le quotidien d’un parent ou d’un proche qui vit avec un trouble de santé mentale. Parfois, on n’a jamais rien connu d’autre depuis notre naissance. D’autres fois, le trouble apparaît avec le temps et il faut apprendre à vivre avec, à comprendre que ce n’est pas de notre faute, que notre maman ou notre papa nous aime quand même, et ce même si la maladie a parfois la fâcheuse habitude de l’empêcher de le démontrer clairement.

Au départ, Anna et la mer était une histoire. Un livre écrit par Rebecca Heinisch, professeure à la maternelle et, comme on dira dans le milieu, une «enfant de». Ayant elle-même vécu avec un proche atteint d’un trouble de santé mentale, Rebecca cherchait comment elle pouvait aider les plus petits à mieux comprendre ce qu’est la santé mentale. Anna, qui vient d’apprendre que sa mère est hospitalisée, se réfugie au bord de la mer, et trouvera des réponses grâce à l’aide de ses amies la tortue et le crustacé, qui lui expliqueront qu’elle n’est pas seule et qu’elle peut trouver des moyens de bien vivre avec sa nouvelle réalité.

Dans la maison de la rue Jean-Nicolet, on retrouve des tortues aux quatre coins de chaque pièce. Tout comme Anna, les enfants qui entrent ici ont besoin de trouver des réponses, de mieux comprendre ce qui arrive à la maison et de pouvoir accepter cette nouvelle réalité.

«Il faut expliquer à l’enfant que ce n’est pas de sa faute, expliquer la santé mentale, les différents troubles. Que c’est quelque chose qui se passe dans le cerveau, que ce n’est pas eux qui ont fait quelque chose de mal. Nous, nous sommes là pour leur donner des outils. Je n’ai pas de baguette magique, je ne pourrai pas faire disparaître le trouble, mais je vais pouvoir t’aider à vivre avec», note Marie Martin, intervenante jeunesse.



Il y a en effet un monde entre le fait de vivre avec un parent dépressif, bipolaire ou schizophrène. Entre les différentes manifestations de ces troubles aussi. Chaque être humain le vit différemment, son entourage également.

Mais chez Anna, on tend à s’ouvrir. À cesser de courber l’échine. Comme cette jeune adolescente qui était arrivée le premier jour, les cheveux cachant son visage et les épaules recroquevillées au point de toucher la table. Un signe physique de fermeture pour elle qui n’avait probablement juste jamais appris à exprimer ses émotions face à ce qu’elle vivait.

À travers les différents ateliers offerts aux divers groupes d’âge, on visera à développer la connaissance de soi, l’estime de soi et la gestion du stress. On ira également développer certains intérêts pour l’art ou encore leur offrir des activités de répit, que ce soit au bowling, dans un spectacle ou sur des patins à la patinoire.

Les parents qui le veulent bien auront aussi leur moment à eux pour venir assister à des ateliers une fois par mois... mais pas quand c’est le tour des enfants. La maison de Jean-Nicolet, elle est d’abord là pour eux, pour les enfants. C’est leur repère, leur endroit où ils peuvent tout vivre, tout partager, tout dire.

Parce que ce qui se dit chez Anna...

Récemment, l’organisme a procédé au lancement d’une bande dessinée réalisée par certains des jeunes qui fréquentent l’organisme. Au fil des pages, on y comprend comment la colère parentale a pu rejaillir sur Coco, qui a eu peur d’agir avec ses amis comme ses parents agissaient avec lui. On voit comment le personnage de Lana, aux prises avec la schizophrénie, est victime de préjugés de la part des autres. Ou encore comment Allysen, à travers le deuil de sa mère qui est décédée il y a trois ans, apprend à traverser les épreuves de la vie avec son ange gardien à ses côtés.



Il y a quelques semaines, l’organisme a lancé la bande dessinée «Au-delà des pensées», que l’on peut se procurer au Caféier de Trois-Rivières.

Un atelier à la fois, un échange à la fois, on partage, on ventile et on espère du même coup briser un cycle qui n’aurait pu être brisé autrement. On agit en amont sur la vie de l’enfant, pour lui donner les outils afin qu’il avance et qu’il sache faire face aux embûches. Pour qu’il apprenne à vivre avec le trouble de papa, de maman, sans jamais douter de lui, ni même qu’à la maison, il est aimé... même si ça ne se manifeste pas toujours comme on le voudrait.

«On agit en prévention, tout le temps. On te donne plein d’outils pour être plus résilient et t’aider à avancer dans la vie. Non, on ne fait pas de thérapie. On fait beaucoup plus que ça», confie Sarah.