Moins cher de monter le chauffage quand il fait très froid, vraiment?

Quand il fait très froid, monter le chauffage de 2 °C accroît la dépense d’énergie un tout petit peu plus que s’il fait seulement 0 °C.

L’affirmation: «Est-il vrai que pour une même hausse de la température d’une maison, le coût de revient sera moins élevé s’il fait plus froid à l’extérieur? Par exemple, s’il fait -20 °C dehors et que mon thermostat est à 20 °C, la différence est de 40 degrés, alors si je monte mon chauffage de 2 °C, cela représente une augmentation de 5 % (2 sur 40). Mais s’il fait 0 °C dehors, alors le différentiel est de 20 °C et monter le chauffage de 2 °C implique alors une dépense de 10 % de plus (2 sur 20). Est-ce vrai?» demande Pierre Grenier, de Québec.


«C’est ce que j’ai entendu dire, du moins, mais il me semble que ce calcul ne tient pas compte du fait que la consommation est beaucoup plus grande s’il fait plus froid à l’extérieur», ajoute-t-il.

Les faits

Si on s’en tient aux seuls pourcentages, alors oui, la dépense d’énergie supplémentaire pour grimper la température de la maison de 2 °C peut sembler — et j’insiste là-dessus : sembler — plus faible lorsqu’il fait plus froid. Mais le hic, c’est que ces pourcentages ne sont pas calculés sur le même dénominateur, comme M. Grenier l’a remarqué.

En fait, explique le chercheur en mécanique du bâtiment et transferts thermiques de l’École polytechnique Michel Bernier, monter le chauffage de 2 °C augmente la dépense énergétique à peu près toujours de la même façon, qu’il fasse 0 °C ou -20 °C dehors — du moins en théorie, j’y reviens tout de suite.

«Une résidence typique a un coefficient de déperdition thermique de l’ordre de 150 watts par degré Celsius, c’est-à-dire que l’enveloppe du bâtiment (murs, fenêtres, etc.) perd 150 W / °C d’écart entre les températures intérieure et extérieure», m’a-t-il écrit lors d’un échange de courriels.

Monter le chauffage de 2 °C va donc augmenter cet écart de la même manière, si bien que la dépense énergétique supplémentaire sera la même peu importe le temps qu’il fait dehors — soit 2 °C x 150 W/°C = 300 watts dans l’exemple donné par M. Bernier. C’est juste que la dépense totale est nettement plus forte quand il fait très froid, ce qui rend les pourcentages un brin trompeurs. Monter le thermostat de 20 à 22 °C quand il fait -20 °C dehors fait passer la dépense de 6000 W à 6300 W (donc +5 %); quand il fait 0 °C, la dépense passe alors de 3000 W à 3300 W (donc +10 %).

C’est toujours la même augmentation (+300 W), mais elle représente une plus petite part du total quand il fait très froid.

Attention aux courants d’air

Cela dit, cependant, si la dépense de chauffage augmente dans l’ensemble de manière à peu près constante avec l’écart de température, ça n’est pas toute l’histoire non plus, avertit Michaël Kummert, chercheur en génie du bâtiment à l’École polytechnique.

«Si on veut être tout à fait rigoureux, il faut aussi tenir compte du fait qu’une petite partie des pertes de chaleur va s’accélérer avec les écarts de température. Ce sont surtout les infiltrations d’air qui vont augmenter avec la différence de température, si bien qu’il y a plus d’infiltrations quand il fait -20 °C que quand il fait 0 °C», explique-t-il.

L’effet n’est pas énorme, nuance M. Kummert, surtout si on le reporte sur les dépenses totales de chauffage, mais il est quand même là : quand il fait très froid, monter le chauffage de 2 °C accroît la dépense d’énergie un tout petit peu plus que s’il fait seulement 0 °C.

On le voit bien, d’ailleurs, sur le graphique ci-dessous, que m’a transmis Louis Gosselin, spécialiste des transferts de chaleur et du génie du bâtiment de l’Université Laval. Le graphique montre les dépenses réelles de chauffage par mètre carré telles que mesurées dans quatre logements de Québec à l’hiver 2016. Chaque point représente la moyenne sur 4 heures dans un de ces logements.

Comme on le voit, la dépense augmente de façon presque linéaire (ou «constante») avec l’écart dedans-dehors, mais il y a quand même une légère accélération à mesure que l’écart de température augmente.

Ce graphique illustre aussi très bien à quel point la dépense énergétique peut varier d’un logement à l’autre et d’une journée à l’autre, même à température extérieure égale. C’est que «même si la différence de température avec l’extérieur est clairement le facteur principal [...] plusieurs autres facteurs vont aussi influencer la demande en chauffage à un instant donné : les gains solaires via la fenestration, les infiltrations (qui dépendent notamment du vent), les gains thermiques provenant des occupants, de l’éclairage et des équipements, l’inertie thermique du bâtiment, etc.», explique M. Gosselin.

Verdict

Pas vraiment. Les pourcentages peuvent donner l’impression que monter le chauffage de, disons, 2 °C est moins coûteux s’il fait -20 °C que s’il fait 0 °C. Mais en réalité, la dépense supplémentaire en énergie est à peu près identique, peu importe la température — et est même légèrement supérieure quand il fait très froid.

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